LIBÉRATION – TRIBUNE – Par Des élus de gauche, écologistes et des personnalités de la société civile – 17/12/2020
Le ministère de l’Intérieur a étendu les possibilités de collecte de trois fichiers gérés par la police et la gendarmerie. Des élus de gauche et écologistes, ainsi que des personnalités de la société civile dénoncent une atteinte de plus aux libertés fondamentales.
Tribune. Une fois de plus, sous ce gouvernement, nous assistons au déploiement d’un attirail liberticide. Dans la continuité de sa politique si dangereuse pour l’équilibre entre sécurité et liberté, les récents décrets qui permettent l’extension majeure de trois fichiers du renseignement (Pasp, Gipasp et EASP), constituent une réelle menace démocratique. Constatant que nous allons de régressions en régressions, il est de notre responsabilité, en tant que défenseur·e·s des libertés attaché·e·s à l’Etat de droit, de refuser cet ordre sécuritaire qui porte atteinte à nos droits fondamentaux, à nos libertés publiques et à notre vie privée.
Jusqu’ici passées relativement inaperçues, en plein débat sur l’alarmante loi «sécurité globale», ces nouvelles dispositions permettent désormais le fichage massif de militant·e·s politiques, de leur entourage (dont les enfants mineurs), de leur santé, de leurs «habitudes de vie» ou de leurs «activités en ligne». Ce ne sont plus les activités qui peuvent être reprochées à un individu, mais bel et bien ses opinions : qu’elles soient politiques, syndicales ou religieuses, la police pourra désormais asseoir ses prérogatives de surveillance sur la population, sans aucun contrôle de la justice. Dès lors, est visée toute personne qui «porte atteinte à l’intégrité du territoire ou des institutions de la République», un vocabulaire flou qui laisse la voie ouverte à toutes les dérives. Cette banalisation de l’arbitraire est une remise en cause caractérisée de l’Etat de droit. Or, la lutte contre le terrorisme devrait nous trouver uni·e·s pour défendre le droit et nos libertés, car les actes terroristes et ceux qui les commettent promeuvent l’exact contraire de notre identité démocratique.
Il est d’autant plus insupportable de constater que ces mesures sont prises en catimini. Le gouvernement fait preuve de son habituel mépris envers la démocratie en ne prenant pas la peine d’engager un véritable débat citoyen et de consulter les parlementaires sur des questions aussi importantes que celles liées à nos libertés les plus fondamentales.
Comme l’ont fait remarquer plusieurs associations, organisations et agences de défense des libertés, il est légitime de se demander en quoi la police aurait besoin d’une base de données si large et d’informations aussi privées. Sur le principe même, et compte tenu de la dérive autoritaire du gouvernement, nous refusons de banaliser ces nouveaux reculs : car les mesures qui en découlent aujourd’hui serviront les politiques autoritaires voire antidémocratiques de demain. Nous faisons front commun contre les privations de libertés.
Initiateurs de la tribune :
Sophie Taillé-Polian, cocoordinatrice nationale de Génération.s, sénatrice du groupe Ecologiste, solidarité et territoires ; Benjamin Lucas, cocoordinateur national de Génération.s.
Signataires :
Manon Aubry, députée européenne LFI, coprésidente de la gauche au Parlement européen; Julien Bayou, secrétaire national d’EE-LV ; Jean-Luc Bennahmias, membre du Cese et de la Ligue des droits de l’homme ; David Cormand, député européen EE-LV ; Eric Coquerel, député et coordinateur du Parti de gauche ; Joséphine Delpeyrat, collectif national de Génération.s ; Laurence De Cock, enseignante, chercheuse en sciences et histoire de l’éducation, militante LDH ; Elsa Faucillon, députée PCF, groupe Gauche démocrate et républicaine ; Caroline Fiat, députée LFI, adhérente à la Gauche républicaine et socialiste ; Guillaume Gontard sénateur de l’Isère, président du groupe Ecologiste, solidarité et territoires ; Régis Juanico, député Génération.s ; Joël Labbé, sénateur du groupe Ecologiste, solidarité et territoires ; William Leday, collectif national de Génération.s ; Margot L’Hermite, collectif national de Génération.s ; Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice, cocoordinatrice nationale de GRS ; François Ruffin, député de la Somme ; Eric Piolle, maire de Grenoble, EE-LV ; Christian Paul, cofondateur du Festival des idées ; Raymonde Poncet, sénatrice EE-LV du groupe Ecologiste, solidarité et territoires ; Virginie Rozière, coprésidente des Radicaux de gauche ; Serge Slama, professeur de droit public, membre du Cese ; Anthony Smith, responsable syndical auprès du ministère du Travail.
Des élus de gauche, écologistes et des personnalités de la société civile