PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
tendant à favoriser une égale répartition des âges sur les listes électorales
Enregistrée à la Présidence du Sénat le 05 septembre 2016
Présentée
Par MM. Pierre MÉDEVIELLE, Gérard ROCHE, Claude KERN, Jean-François LONGEOT et Joël LABBÉ, Sénateurs
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Depuis son élection, le Président de la République promet de mettre la jeunesse au cœur de la politique de son gouvernement. Il affirmait encore lors de ses voeux en 2013 à Grenoble que la jeunesse devait porter son propre avenir, et qu’elle allait donner une chance à la France d’avancer car elle possédait les réponses.
Des avancées sociales ont bien été votées en faveur des jeunes depuis 2012 : l’allocation d’études, les emplois d’avenir, les contrats de génération ou encore la construction de 20 000 logements étudiants. Néanmoins, ces progressions n’ont jamais réellement été directement influencées par la génération concernée.
La représentation de la jeunesse au Parlement est plus qu’infime. Au niveau local, 16,54 % des élus (régionaux, départementaux, communautaires et municipaux) ont aujourd’hui moins de 40 ans. Dans les conseils communautaires plus particulièrement ils ne représentent même que 6,8 % des assemblées.
Ce bilan, s’il est en progression, reste en deçà de ce que l’on peut attendre d’une véritable démocratie représentative. Conscientes d’être exclues de ce pan de la vie publique, 66 % des personnes entre 18 et 34 ans ne se sont pas déplacées aux urnes lors des dernières élections régionales, où les moins de 40 ans n’occupent que 9,3 % des sièges.
En moyenne, hors élections présidentielles, la participation des moins de 40 ans est de 10 points inférieurs par rapport à la moyenne nationale. Si elle n’est pas la cause principale de ce rejet, la sous-représentation de la jeunesse chez les élus reste un vecteur considérable de cette renonciation à exercer ses droits civiques. Pour autant, l’âge médian des Français selon l’Insee était de 40,2 années fin 2015. Selon le département des affaires sociales et économiques de l’ONU, en 2013, 49 % de la population mondiale en âge de voter se situaient entre 20 et 39 ans. On peut presque parler d’exclusion d’une majorité, à l’instar des femmes il y a encore quelques années.
L’Union Interparlementaire (UIP) a étudié la question dans son rapport « La représentation des jeunes dans les parlements nationaux » en 2014. Elle constate un mouvement paradoxal dans l’engagement de la jeunesse en politique : désintéressée par les scrutins, mais impliquée dans les mouvements pour la démocratie.
La jeunesse s’intéresse à la politique, mais hors du cadre de nos institutions car elle ne s’y sent pas représentée. Elle les considère comme inaccessibles.
Dans cette même étude, l’UIP présente les quotas de jeunes comme un moyen de « contribuer directement à l’élection d’un plus grand nombre de jeunes parlementaires ».
De nombreux exemples voient le jour à travers les constitutions du monde entier. À Chypre, le Rassemblement démocrate a voté un quota obligatoire de 20 % de parlementaires de moins de 45 ans en 2010. Le Front sandiniste de libération nationale au Nicaragua impose quant à lui la présence de 15 % de jeunes dans la direction et sur les listes électorales du parti depuis 2002. Le Maroc enfin réserve 30 sièges parlementaires à la jeunesse de son pays.
La révision constitutionnelle de 1999 nous l’a prouvé, le Congrès doit être l’initiateur et non l’attentiste du progrès. Près de 20 ans plus tard, la parité parfaite commence à devenir effective, et plus important encore, naturelle. Il est aujourd’hui de la responsabilité du législateur et du constituant de prendre à nouveau les devants sur ces réformes.
Sans parler de rattraper un éventuel retard, qui n’est pour le moment pas caractérisé, la proposition de révision constitutionnelle porte justement l’ambition d’être le fer de lance de l’Union européenne sur ce point.
L’UIP le faisait déjà remarquer en 2010 : « la démocratie véritable exige la participation pleine et active des jeunes, ils méritent mieux qu’une présence symbolique dans les institutions. […] La participation des jeunes peut être essentielle pour prévenir les maux qui les touchent en premier lieu, renforcer la démocratie et inscrire de nouvelles questions à l’ordre du jour politiques ».
Cette réforme demande l’aval du Congrès, le Conseil constitutionnel censurant systématiquement toute tentative législative de distinction sur les listes électorales. À l’image aujourd’hui des exceptions relatives à la parité homme/femme, il est nécessaire d’inscrire cette proposition à l’article 1er de la Constitution afin d’assurer sa pérennité.
Tel est l’objet de la présente proposition de la loi constitutionnelle.
PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
Article unique
Au second alinéa de l’article premier de la Constitution, après les mots : « des femmes et des hommes », sont insérés les mots : « , par groupe d’âge, ».
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