15e législature / Question écrite
> Publiée le 25/07/2019
M. Joël Labbé attire l’attention de M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation sur le prosulfocarbe, molécule présente dans de nombreux désherbants et largement utilisée, notamment sur les céréales, d’octobre à mars.
La volatilité de cette molécule est telle qu’elle contamine les cultures avoisinantes. La filière des pommes à cidre est particulièrement impactée : cette molécule n’étant pas homologuée pour ces cultures, on en retrouve des résidus sur les récoltes au-delà des seuils réglementaires, contraignant les producteurs de cidre à détruire leur récolte. L’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), déjà saisie de cette question par le passé, avait proposé en octobre 2018 des mesures pour éviter ces contaminations. Mais les analyses prenant en compte les récoltes effectuées après l’entrée en vigueur de la décision de l’ANSES ont malheureusement montré que ces contaminations sont toujours présentes. La réglementation actuelle semble donc insuffisante. Et si l’on a des preuves de contamination à de tels taux sur des cultures de pommes, il est légitime de s’interroger sur les autres cultures et la contamination de l’air. Sachant que le prosulfocarbe a été identifié par le rapport n° 2017-124R de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques comme « préoccupant » pour la santé, la situation semble inquiétante. Ces éléments justifieraient a minima que l’ANSES réévalue les mesures de sécurité associées à l’utilisation de ce produit. Aussi il lui demande quelles mesures il compte prendre pour faire face à cette situation, et si une suspension de l’autorisation de mise sur le marché du prosulfocarbe est envisagée.
Réponse du Ministre de l’agriculture et de l’alimentation
> Publiée le 10/10/2019
Les risques de contamination, en arboriculture fruitière notamment, à l’occasion du désherbage des céréales avec des produits à base de prosulfocarbe, ont fait l’objet d’une déclaration au titre de la phytopharmacovigilance dès 2016. Il en a résulté des enquêtes, conduites par le ministère chargé de l’agriculture, ainsi qu’une demande d’appui scientifique et technique à l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). Les conclusions ont été publiées le 16 novembre 2017 (saisine n° 2017 – SA – 0150). Elles ont confirmé l’absence de risque de toxicité aiguë pour les niveaux de résidus détectés. Elles suggèrent une pollution d’origine environnementale, par contamination aérienne directe. Du fait des distances parfois importantes entre le lieu du traitement et celui de la récolte contaminée, il semblerait que le phénomène de dérive aérienne ne soit pas seul en jeu, mais qu’un transfert par voie gazeuse impliquant une revolatilisation des dépôts foliaires puisse également intervenir. Sur la base de l’analyse des données collectées lors des enquêtes, l’ANSES a modifié les autorisations de mise sur le marché (AMM) des produits contenant du prosulfocarbe en octobre 2017, pour rendre obligatoire l’utilisation de buses homologuées pour la réduction de la dérive de pulvérisation. Toutefois, cette modification n’a pas permis d’atteindre les résultats attendus, les données collectées en 2017 ayant encore mis en évidence la présence de résidus sur certaines cultures non traitées. Le 4 octobre 2018, l’ANSES a de nouveau modifié les AMM afin de renforcer les mesures de gestion des risques de contamination environnementale. Pour les traitements d’automne, l’application des produits à base de prosulfocarbe doit désormais être différée après la récolte des cultures non cibles situées à moins d’un kilomètre (km) de la parcelle traitée. Lorsqu’il n’est pas possible de respecter cette interdiction et si la culture non cible est située entre 500 mètres et 1 km de la parcelle à traiter, le traitement au prosulfocarbe peut être réalisé le matin avant 9 heures ou le soir après 18 heures, en conditions de température faible et d’hygrométrie élevée. Ces nouvelles dispositions vont faire l’objet de contrôles ciblés, qui incluront la réalisation de prélèvements pour rechercher la présence de résidus de prosulfocarbe sur des productions n’ayant pas fait l’objet d’un traitement par cette substance. Le 2 octobre 2019, l’ANSES réunira les parties prenantes pour un point de situation et un échange sur les données collectées en 2018, et de nouvelles mesures de restriction voire d’interdiction pourront être prises si le dispositif actuel ne permettait pas de gérer de façon satisfaisante ce problème de contamination aérienne dans un objectif de préserver l’arboriculture de toute contamination et permettant aux producteurs de céréales de poursuivre leur activité.