Jeudi 12 décembre 2019, dans le cadre d’un ordre du jour réservé au groupe RDSE, le Sénat a examiné la proposition de résolution en application de l’article 34-1 de la Constitution, sur la résilience alimentaire des territoires et la sécurité nationale, présentée par Mme Françoise LABORDE (RDSE – Haute-Garonne) et plusieurs de ses collègues.
Les auteurs de cette proposition de résolution mettent en avant plusieurs rapports sénatoriaux qui alertent sur la nécessité d’adapter notre système de production et de consommation aux changements climatiques. En conséquence, ils invitent le Gouvernement à :
- développer des mesures alternatives aux dispositifs de gestion de crises de force majeure pouvant survenir sur le territoire ;
- mesurer l’importance d’une stratégie de territorialisation des productions alimentaires, d’une cartographie des flux de production alimentaire et d’une préparation des populations ;
- rénover la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile pour y intégrer la résilience alimentaire des territoires ;
- promouvoir le lien entre résilience alimentaire et sécurité nationale, à travers le continuum sécurité-défense ;
- engager une révision de la loi de programmation militaire pour réfléchir à l’intégration de la production et du foncier agricole nourricier comme « secteur d’activité d’importance vitale » ;
- présenter au Parlement une loi de sauvegarde du foncier agricole, en lien avec tous les acteurs concernés, notamment la Fédération nationale des SAFER.
Le Sénat n’a pas adopté ce texte, avec 157 voix contre et 141 voix pour (voir les résultats du scrutin public).
Joël Labbé a voté pour.
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Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte dont nous discutons aujourd’hui aborde une thématique essentielle, puisqu’il traite d’un enjeu de sécurité nationale : la résilience alimentaire.
Je salue la très heureuse initiative de ma collègue Françoise Laborde, qui a entraîné derrière elle l’ensemble du groupe RDSE pour soutenir cette proposition de résolution. Il ne s’agit en effet que d’une proposition de résolution, il importe de le souligner !
La sécurité alimentaire est un enjeu de premier plan. Historiquement à la base de l’action publique et de l’ordre public, son importance pour la sécurité civile est aujourd’hui oubliée.
Pourtant, dans un contexte marqué par des aléas climatiques de plus en plus nombreux et graves, par des pénuries d’eau inquiétantes, par des prix fluctuants de l’énergie, cette question semble plus que jamais d’actualité.
Françoise Laborde a déjà cité, très justement, les nombreux rapports sénatoriaux mettant en avant la nécessité d’anticiper les risques qui pèsent sur notre production alimentaire.
Face à ces menaces, nos villes, comme nos campagnes, ne sont pas préparées. En effet, elles sont sous perfusion des grandes surfaces et de leurs systèmes logistiques. Leur taux d’autonomie alimentaire est particulièrement faible : de l’ordre de 2 % pour les aires urbaines, et guère plus pour les territoires ruraux, qui dépendent en définitive quasiment des mêmes circuits d’approvisionnement.
De plus, comme l’a souligné Dominique Théophile, la question des outre-mer est ici particulièrement prégnante, puisqu’une part très importante de leur alimentation est importée, depuis des territoires éloignés et via des circuits d’approvisionnement vulnérables aux événements climatiques.
Face à ces menaces, les pouvoirs publics manquent de réponses : les plans Orsec, prévus pour gérer des crises exceptionnelles et de courte durée, sont insuffisants pour faire face à des aléas climatiques ou à des pénuries de plus long terme. S’ils font la preuve de leur efficacité quand ils sont mis en œuvre, ils ne sont pas conçus pour parer à un risque systémique.
Toutes ces questions ont été mises en lumière par le travail de Stéphane Linou, pionnier du mouvement Locavore. Françoise Laborde l’a rappelé, ce texte fait écho à ses recherches. Je viens d’apprendre que M. Linou, qui est présent dans nos tribunes, est lauréat d’un prix national sur l’information, la prévention et la résilience. Il s’agit d’une véritable reconnaissance de son travail de chercheur. Sa démarche innovante a montré la pertinence du sujet et la carence actuelle en termes de prise en compte de ces enjeux. Des militaires et de nombreuses personnes, au sein des services de l’État et des collectivités locales, se sont montrés très intéressés par son travail.
Pour remédier à cette carence, la proposition de résolution comporte des recommandations pertinentes et de bon sens : préparation des populations, intégration du lien entre les questions militaires, de sécurité et alimentaires, notamment via l’ajout de la production alimentaire et du foncier agricole à la liste des secteurs d’importance vitale pour notre pays.
Outre cet aspect organisationnel, certains des leviers que la proposition de résolution appelle à mettre en œuvre touchent à un sujet sur lequel je travaille depuis longtemps, avec d’autres : la relocalisation de l’alimentation, ou du moins d’une part, la plus importante possible, de celle-ci – je ne veux pas être accusé d’intégrisme ! Au travers des politiques publiques, de premiers pas ont été faits à cet égard, par exemple avec les projets alimentaires territoriaux ou l’approvisionnement local de la restauration collective.
Pour assurer la résilience des territoires, il faut toutefois aller aujourd’hui plus loin, comme le souligne le texte, qui prévoit d’agir sur le foncier et de favoriser le développement local de systèmes agricole et alimentaire résilients. Les pistes proposées entrent en forte résonance avec trois événements, auxquels j’ai eu la chance de participer dans ces dernières semaines.
Tout d’abord, j’ai pris part à un colloque organisé par l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) sur la question de la « reterritorialisation de l’alimentation ». Monsieur le ministre, les chercheurs de l’INRA travaillent sur ces sujets : j’ai découvert l’importance et l’intérêt de leur contribution.
Ensuite, j’ai assisté au colloque sur la question foncière organisé notamment par Dominique Potier à l’Assemblée nationale, intitulé « Partager et protéger la terre, plaidoyer pour une loi foncière ». Cela a déjà été dit, nous attendons avec impatience de pouvoir débattre d’une telle loi ! Le foncier nourricier est un bien stratégique qu’il nous faut à tout prix protéger, à l’instar d’un bien public, même si c’est un bien privé. J’espère que la loi foncière promise par le Gouvernement sera prochainement annoncée.
Enfin, l’Association française pour l’étude du sol organisait à Vannes, la semaine dernière, un colloque sur l’érosion des sols, afin de définir des solutions locales et territoriales.
Pour conclure, si j’ai bien compris, il n’y aura pas de majorité pour adopter cette proposition de résolution. (Exclamations amusées sur diverses travées.)
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