Proposition de résolution au nom de la commission des affaires européenne, en application de l’article 73 quater du règlement, sur les directives de négociation en vue d’un accord de libre-échange entre l’UE et l’Australie, d’une part, et la Nouvelle-Zélande, d’autre part.
Mercredi 21 février 2018, à la demande de la commission des affaires économiques, de la commission des affaires européennes et de la commission des affaires étrangères, le Sénat a examiné la proposition de résolution européenne sur les directives de négociation en vue d’un accord de libre-échange entre l’Union européenne et l’Australie, d’une part, et la Nouvelle-Zélande, d’autre part, déposée par MM. Pascal ALLIZARD (Les Républicains – Calvados) et Didier MARIE (Socialiste et républicain – Seine-Maritime) au nom de la commission des affaires européennes, en application de l’article 73 quater du Règlement.
Le 13 septembre 2017, la Commission européenne a présenté deux recommandations au Conseil de l’Union européenne en vue d’autoriser l’ouverture de négociations commerciales avec l’Australie et avec la Nouvelle-Zélande. Cette proposition de résolution européenne traite des enjeux soulevés par ces négociations.
Ses auteurs rappellent les positions précédemment prises par le Sénat en matière de négociations commerciales, à travers la résolution européenne pour une politique commerciale assurant la défense des intérêts économiques de l’Union européenne du 21 janvier 2017 et le rapport d’information « Relancer l’Europe : Retrouver l’esprit de Rome » du 22 février 2017, ainsi que quelques éléments du contexte économique et politique dans lequel intervient le lancement des négociations. Sur ces bases, ils demandent :
- une transparence des négociations ;
- une réciprocité dans l’ouverture des marchés publics et dans l’assouplissement des barrières sanitaires et phytosanitaires ;
- l’inclusion d’un volet environnemental et social opposable ;
- une prise en compte des produits agricoles, notamment des produits de l’élevage et les sucres spéciaux, afin qu’ils fassent l’objet de contingents limités et puissent bénéficier de mesures de sauvegarde spécifiques ;
- une évaluation et une prise en compte corrective des impacts négatifs ;
- le lancement de négociations visant à conclure des accords relatifs à la protection des investissements
Le Sénat a adopté cette proposition de résolution modifiée par un certain nombre d’amendements.
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Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires européennes, madame la présidente de la commission des affaires économiques, madame la rapporteur – je rappelle que vous officiez pour la première fois dans ce rôle –, je voudrais saluer la proposition de résolution européenne qui nous est soumise aujourd’hui et qui nous permet de débattre de ce sujet d’une haute importance.
Ces dernières années, l’Union européenne a multiplié les accords de libre-échange afin de conforter sa place d’acteur majeur des échanges internationaux. Les plus récents, à savoir le TTIP-TAFTA, le CETA et l’accord Mercosur ont fait et font l’actualité, provoquant au passage une énorme mobilisation de l’opinion publique.
Ces accords successifs nous interrogent tant sur les aspects démocratiques de leur négociation que sur leurs impacts sociaux et environnementaux.
Tout d’abord, la compétence exclusive de la Commission et le manque de transparence des négociations posent un problème démocratique. Nous sommes aujourd’hui en position d’observateurs, car je crains que, pour ces accords avec la Nouvelle-Zélande et avec l’Australie, le Parlement ne soit privé de ratification, puisqu’il s’agit d’accords non mixtes. Nous proposerons d’ailleurs un amendement pour contester cet abandon.
S’agissant de l’opacité des négociations, rappelons qu’il a fallu, à l’occasion du TTIP-TAFTA, que l’opinion publique et les parlements nationaux, notamment en France, se saisissent du problème et contraignent la Commission à plus de transparence.
En ce qui concerne les impacts sociaux et environnementaux, nous reprochons à la Commission européenne de ne pas exiger suffisamment de réciprocité des partenaires, en particulier dans les domaines sanitaires et phytosanitaires. Nous l’accusons également de sacrifier certains secteurs pour obtenir un bénéfice global pour l’Union européenne.
C’est le cas, dans chacun de ces traités, des productions agricoles et alimentaires, trop souvent considérées comme des variables d’ajustement. Le secteur de la viande bovine, déjà extrêmement fragile, sera nécessairement déstabilisé par les contingents massifs prévus par les accords du CETA et avec le Mercosur. Ce même problème sera encore aggravé par l’accord qui fait l’objet de notre discussion pour les viandes ovines et bovines, le lait, mais aussi les sucres spéciaux produits dans les territoires ultramarins.
Face à ces enjeux, les exigences formulées par ce texte sont tout à fait pertinentes. Nous saluons en particulier la demande d’une plus forte transparence. En ce qui concerne la limitation des impacts sociaux et environnementaux, nous sommes favorables à l’exigence d’un volet environnemental et social opposable, ainsi qu’aux propositions sur la réciprocité. Enfin, le texte vise à protéger les secteurs sensibles, notamment par la limitation des contingents pour les produits d’élevage et les sucres spéciaux.
Je le répète, nous saluons cette initiative de résolution et la qualité des échanges qu’elle a suscités. En tant qu’écologiste rattaché au groupe du RDSE, j’ai le plaisir d’annoncer que notre groupe approuve ce texte à l’unanimité.
En conclusion, je voudrais vous dire que, au fond de moi, je crois vraiment que ces accords de libre-échange intégrant les productions alimentaires vont faire long feu. On ne va pas pouvoir continuer ainsi !
Le grand marché international des denrées alimentaires nous conduit au bord du gouffre, car il est en train de laminer l’ensemble des petits producteurs, chez nous comme ailleurs, alors que, à l’échelle de la planète, un travailleur sur deux est encore un paysan. Je crois vraiment en la relocalisation de l’alimentation, et ce dans l’intérêt des paysans, d’ici et d’ailleurs, des territoires, des consommateurs, de la santé et de la biodiversité.
Nous aurons l’occasion d’en débattre lors de la prochaine loi sur l’agriculture et l’alimentation. Des réflexions particulièrement intéressantes sont menées sur cette relocalisation de l’alimentation.
À cet égard, madame la présidente de la commission des affaires économiques, je vous invite à solliciter pour une audition M. Olivier de Schutter, ancien rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l’alimentation, qui mène actuellement un travail sur une nouvelle PAC –PAC comme « politique alimentaire commune ». Je vous propose également d’auditionner le cabinet Solagro pour la présentation de son scénario Afterres 2050, lequel définit des trajectoires de transition agricole, alimentaire et climatique, qui nous sont indispensables.
Je tenais à vous en parler, car j’ai le blues, tant le modèle de développement annoncé me déprime. Il est temps de remplacer l’économie de la surabondance par une économie de la résilience. Pour cela, je fais partie de celles et ceux, de plus en plus nombreuses et nombreux, qui plaident pour une gouvernance mondiale démocratique de l’alimentation. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe socialiste et républicain.)
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