PROPOSITION DE LOI VISANT À LUTTER CONTRE LA PRATIQUE DE LA VENTE À LA DÉCOUPE
Enregistrée à la Présidence du Sénat le 22 mars 2012
Présentée par MM. Joël LABBÉ, Jean-Vincent PLACÉ, Mmes Leila AÏCHI, Kalliopi ANGO ELA, Aline ARCHIMBAUD, Esther BENBASSA, Marie-Christine BLANDIN, Corinne BOUCHOUX, MM. Ronan DANTEC, Jean DESESSARD, André GATTOLIN et Mme Hélène LIPIETZ
La pratique des « ventes à la découpe » correspond à une financiarisation à outrance du marché du logement. Des marchands de biens achètent pour revendre à la découpe ou plus rarement en bloc après restructuration. Ils avaient disparu lors de la grande crise immobilière du début des années 1990, crise dont ils étaient en partie responsables, car ils avaient alimenté la spéculation à la hausse des prix en constituant d’énormes stocks de logements, qu’ils ont bradés quand la bulle spéculative a éclaté. Aujourd’hui, les marchands de biens se sont professionnalisés. Il s’agit de fonds opportunistes (Carlyle, Carval…) ou de sociétés appartenant à des personnes physiques. L’année 2012 risque d’être particulièrement propice au développement de cette pratique car de nombreux propriétaires pourraient mettre en vente une partie de leurs patrimoines avant une probable correction des prix. Ces ventes à la découpe sont un véritable drame social pour les classes populaires et moyennes de la capitale qui se retrouvent ainsi évincées d’un logement occupé parfois depuis des dizaines d’années. Qui plus est, ces ventes d’immeubles en lots par les investisseurs institutionnels sont favorisées par une défiscalisation des plus-values dans la loi de finances de 2002.
Ce phénomène de vente à la découpe est toujours d’actualité et touche principalement les zones tendues. Pour ne citer que quelques exemples, Marseille, Lyon, Paris et de nombreuses communes d’Île-de-France sont touchées : Saint-Mandé, Charenton, Boulogne-Billancourt, Fontenay-sous-Bois, Vincennes, Courbevoie, Versailles. À la fin de l’année 2006, il était recensé encore 229 sites d’immeubles en procédure de découpe dans Paris. Et actuellement, le groupe GECINA a annoncé la liquidation de 1 239 logements de son patrimoine en bloc et les cessions de 395 M € à la découpe dans les 14e, 15e et 19e arrondissements. Entre 1995 et 2004, 56 000 logements ont été touchés à Paris et la ville n’a pu racheter que 9 740 logements sur la période de 2001 à 2007.
En effet, à Paris comme ailleurs, la capacité de préemption des communes pour rattraper les logements affectés est largement insuffisante au regard de l’ampleur des cessions prévues. Or la préemption est le seul outil efficace dont disposent les communes pour lutter contre la spéculation.
Par ailleurs, les évolutions législatives et réglementaires pour ériger un dispositif de protection du locataire en cas de « congé-vente » sont insuffisantes.
La loi n° 2006-185 du 13 juin 2006 relative au droit de préemption et à la protection des locataires en cas de vente d’un immeuble, dite loi Aurillac, impose certes à l’acheteur la prolongation de six ans des baux des locataires en place et ces derniers sont prioritaires pour acheter mais, considérant le prix de l’immobilier, peu parviendront à le faire.
De fait, la législation actuelle ne permet qu’un encadrement de la procédure et un allongement du délai de fin de bail et en aucun cas l’éviction du locataire de son logement par la délivrance d’un « congé-vente » ou d’une hausse de loyer disproportionnée par rapport à ses revenus.
Sur la création d’un permis de mise en copropriété
Ce permis de mise en copropriété serait délivré par le maire ou le président de l’EPCI. Il serait exigé pour toute opération de division par lots d’immeuble d’au moins cinq logements. Il aurait par ailleurs pour objet de n’autoriser cette division que si l’immeuble respecte des normes techniques et environnementales définies afin que les travaux de mise aux normes soient réalisés avant la mise en copropriété, en raison des difficultés à réaliser des travaux importants sur les parties communes des immeubles mis à copropriété.
Sur la nécessité de supprimer le congé pour vente
Il s’agit de supprimer la possibilité pour un propriétaire de donner congé à un locataire fondée sur sa décision de vendre le logement. Car c’est bien une source d’augmentation des prix puisque son objet est de faire partir le locataire pour vendre le logement plus cher. Comme dans beaucoup de pays européens, les propriétaires pourraient vendre leur logement, mais occupé.
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