Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de saluer l’initiative de notre collègue Alain Fauconnier, qui nous donne l’occasion de rouvrir le débat sur les OGM, ô combien d’actualité !, à la Haute Assemblée.
La période des semis approchant à grands pas, la présente proposition de loi examinée selon la procédure accélérée est un signal politique fort : son adoption permettrait de prendre des mesures rapides pour interdire la mise en culture de maïs OGM en France. Nous espérons que la voie législative constituera un cadre réglementaire adapté au respect de cet objectif sur notre territoire.
Ce qui s’est passé à Bruxelles à propos de l’autorisation de mise en culture de la nouvelle variété de maïs OGM TC 1507 est totalement révoltant et montre bien la nécessité de revoir les règles procédurales de l’Union européenne en matière d’autorisation des OGM.
En effet, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, malgré l’opposition de dix-neuf pays sur vingt-huit à cette nouvelle culture de maïs, l’absence de majorité qualifiée n’a pas permis de repousser la demande du groupe américain Pioneer.
Nous appelons aujourd’hui la Commission européenne à prendre en compte l’opposition qui s’est exprimée au Parlement et au Conseil européens à ce sujet. Il ne serait pas tolérable que, en dépit d’une opposition massive des citoyens européens à l’introduction d’OGM, l’autorisation soit donnée au semencier américain. Ce serait une profonde insulte à la démocratie.
En tout état de cause, l’adoption de la présente proposition de loi préserverait le territoire Français de ce maïs TC 1507.
Quant au maïs MON 810, l’autre variété concernée, la France est une opposante historique à sa mise en culture. Cependant, celle-ci est de facto autorisée depuis l’annulation par le Conseil d’État de l’arrêté ministériel d’interdiction.
Si le texte qui nous est proposé aujourd’hui est adopté, le territoire français continuera à être préservé du maïs MON 810.
D’aucuns nous rétorqueront une fois encore à nous écologistes, que nous sommes opposés au progrès de la science,…
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. C’est vrai !
M. Jean Bizet. Ah ! très bien !
M. Joël Labbé… que nous avons une vision conservatrice de l’agriculture. Nous connaissons bien la chanson ! Toutefois, ce qui conforte notre opinion et nous réconforte, c’est que nous sommes de moins en moins seuls.
Mme Éliane Assassi. Vous n’étiez pas les premiers ! D’autres que vous se sont préoccupés avant de la question !
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Vous lancez des OPA sur tout!
M. Joël Labbé. J’ai apprécié la référence à l’éthique de M. le rapporteur et celle au débat démocratique de M. le ministre.
Cela dit, en termes de performance scientifique, les recherches sur le maïs relèvent de la prouesse : rendre une plante elle-même insecticide ou tolérante à tous les herbicides qui sont utilisés pour les autres plantes, ou mieux encore, obtenir les deux à la fois, quel progrès ! Cependant, science, sans conscience… Le business, lui, ne se préoccupe pas de la ruine de l’âme ! Nous sommes favorables à la science, à la recherche et à la technique, à condition qu’elles soient au service de l’humanité. La semaine dernière encore, nous en avons appelé à une recherche qui s’oriente vers de nouvelles mesures qui feront de la France le leader de l’agro-écologie. Oui, nous en avons besoin !
Tout à l’heure, M. Bizet affirmait qu’il n’y avait plus de recherche. C’est faux ! Il existe de larges perspectives pour la recherche, au service de l’humanité bien entendu.
Les risques environnementaux liés à la culture des deux sortes de maïs OGM visées sont très bien expliqués dans l’exposé des motifs : incidence sur la biodiversité et sur les insectes non cibles, notamment les abeilles, apparition d’insectes résistants aux insecticides et d’adventices tolérantes aux herbicides… La nature étant bien faite, les organismes finissent toujours par s’adapter, même aux milieux hostiles !
Lorsque j’étais étudiant, voilà bien longtemps, j’ai lu sur un mur le graffiti en anglais suivant : If you fuck the nature, one day the nature will fuck you anyway.
M. Jean Bizet. Effectivement, c’est mieux en anglais !
M. Joël Labbé. Les conséquences socio-économiques de la culture des OGM sont énormes : celle-ci met en péril les filières traditionnelles, conventionnelle ou biologique, ainsi que l’apiculture, par la dissémination incontrôlée et incontrôlable des pollens dans d’autres produits.
Quant aux conséquences sur la santé humaine, les polémiques récentes ont largement démontré le manque de consensus sur l’innocuité des biotechnologies, incitant à réaffirmer haut et fort l’application du principe de précaution.
M. Jean Bizet. Que vous n’avez pas voté !
M. Joël Labbé. La multiplicité des risques environnementaux, socio-économiques et sanitaires liés à l’introduction de cultures OGM en Europe est telle qu’une remise à plat totale du dispositif communautaire d’évaluation, d’autorisation et de contrôle des OGM est nécessaire.
Dans ce contexte, il est tout à l’honneur de notre pays de ne pas céder à la pression des lobbies OGM. Les écologistes apportent leur plein soutien au Gouvernement dans ce combat.
Je voudrais en cet instant faire un rappel. Alors que nous nous focalisons aujourd’hui sur l’interdiction de cultures OGM sur notre territoire, les importations massives d’OGM destinées à l’alimentation animale se poursuivent en Europe.
En 2011, on estimait que la France importait 4,5 millions de tonnes de soja, dont près de 80 % étaient génétiquement modifiés.
Non seulement nous sommes totalement dépendants d’un système qui nous expose à une grande volatilité des prix, confirmée ces dernières années, mais encore nous retrouvons des traces d’OGM dans nos produits de consommation courante, tels que la viande, les œufs ou les laitages, sans que nous puissions connaître réellement leurs effets à long terme sur la santé humaine.
Notre pays ne pourra cesser d’être dépendant au soja transgénique – c’est surtout cette culture qui est concernée – sans une réelle implication des pouvoirs publics afin de faciliter l’émergence d’une filière qui lui soit propre.
Alors que le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt sera examiné très prochainement dans cet hémicycle, monsieur le ministre, nous attendons la mise en œuvre d’un plan de relance de la production de protéines végétales alternatif aux cultures d’organismes génétiquement modifiés, afin de garantir l’indépendance alimentaire de la France.
En outre, nous permettrons aux populations du Sud de reconquérir leur propre indépendance alimentaire. Aux productivistes liés à l’agro-business qui osent claironner qu’il faut bien nourrir la population de la planète, nous répondons : « Commençons par cesser d’appauvrir et d’affamer les populations les plus pauvres ! »
Il est fondamental de tenir compte de l’éthique dans le présent débat. Nous, écologistes, espérons que notre pays ne commettra pas la folie d’intégrer l’agriculture dans un accord de libre-échange transatlantique. Nous aurons beau réguler les OGM en France, si nous laissons les portes grandes ouvertes, une masse d’OGM se déversera sur notre pays.
Cela étant, c’est avec une grande satisfaction que les membres du groupe écologiste voteront cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste. – M. le rapporteur applaudit également.)
> Voir objet du texte et étapes de la discussion
Texte rejeté par l’adoption d’une exception d’irrecevabilité le 17 février 2014