Mardi 3 juillet 2018, le Sénat a adopté avec modifications, par 215 voix pour et 94 voix contre (voir les résultats du scrutin public), le projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.
Ce projet de loi résulte des travaux des États généraux de l’alimentation qui se sont tenus de juillet à décembre 2017. Le texte, tel que transmis par l’Assemblée nationale, comporte trois grands volets :
· des dispositions tendant à « l’amélioration de l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire » ;
· des mesures en faveur d’une « alimentaire saine, durable, de qualité et accessible à tous » ;
· des mesures de simplification dans le domaine agricole.
Sur le rapport de M. Michel RAISON (Les Républicains – Haute-Saône) et Mme Anne-Catherine LOISIER (Ratt. Union Centriste – Côte-d’Or), la commission des affaires économiques a apporté des modifications visant à :
· rééquilibrer davantage les rapports de force dans les relations commerciales, en instaurant une clause de révision de prix automatique pour les produits composés à plus de 50% de matières premières agricoles dont le prix connaîtrait une forte augmentation et en imposant de formaliser par un écrit motivé le refus des conditions générales de vente par un distributeur ;
· supprimer des surcroîts de charges et de contraintes pour les agriculteurs introduits au sein du projet de loi ;
· favoriser les sources de revenus complémentaires des agriculteurs en renforçant le « droit à l’injection » du biogaz dans les réseaux de gaz naturel ;
· favoriser le développement de substituts aux produits phytosanitaires en simplifiant les démarches administratives les concernant.
En séance publique, le Sénat a apporté des modifications visant à :
· rendre plus transparente la fixation des prix des produits agricoles en prévoyant que le prix soit déterminé ou déterminable par une formule claire et accessible dans les contrats de vente (amts 50 rect. et 303 rect. – art. 1er) ;
· renforcer l’encadrement de toutes les promotions sur tous les produits alimentaires, y compris sous marques de distributeurs (amt 770 de la commission – art. 9) ;
· réintroduire le dispositif d’encadrement de l’approvisionnement de la restauration collective publique, fixant notamment un objectif de 20 % de produits bio, tout en en assouplissant certaines modalités et en prévoyant une évaluation des conséquences financières à la fois pour les gestionnaires des établissements et pour les usagers (amts 771 rect. de la commission – art. 11 et 772 de la commission – art. add. après art. 11) ;
· imposer aux productions étrangères importées et commercialisées en France le respect des normes européennes et françaises en termes de traitements et de production (amt 776 de la commission – art. add. après art. 11 decies) ;
· créer une nouvelle obligation de traçabilité des retraits et rappels des produits alimentaires dont le non-respect sera pénalement sanctionné (amt 730 du Gvt – art. add. après art. 11 quindecies) ;
· renforcer les conditions d’organisation des ventes au déballage de fruits et légumes frais, notamment afin de faciliter les contrôles de traçabilité et d’hygiène (amt 40 rect.– art. add. après art. 11 duivicies) ;
· permettre la prise en charge de la réparation intégrale des préjudices des personnes atteintes de maladies d’origine professionnelle liées à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques par la création d’un fonds d’indemnisation abondé par les fabricants de ces produits (amt 560 rect. bis – art. add. après art. 14 quinquies) ;
· rétablir l’article 14 septies, supprimé en commission, pour interdire, selon des modalités précisées par décret pris après avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), l’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives présentant des modes d’action identiques à celles de la famille des néonicotinoïdes et des semences traitées avec ces produits (amt 91 rect. – art. 14 septies) ;
· adapter les normes ayant un impact sur l’activité agricole aux contraintes propres des outre- mer, notamment en tenant compte des spécificités des productions en milieu tropical, reprenant une recommandation du rapport « Agricultures des outre-mer : Pas d’avenir sans acclimatation du cadre normatif » de la Délégation sénatoriale à l’outre-mer (amts 39 rect. et 144 rect. septies – art. add. après art. 15 quater).
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Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux tout d’abord remercier le groupe du RDSE de permettre une expression écologiste.
Sur ce texte, je vous donnerai mon point de vue d’écologiste. Comme beaucoup, je suis, aujourd’hui plus que jamais, convaincu de la nécessité urgente de changer de modèle. Nous devons préparer l’ère de l’après-pesticides.
Les pesticides chimiques, qui ont imprégné notre environnement et notre agriculture, ont un impact sur la santé humaine. On observe une recrudescence des maladies environnementales et un effondrement de la biodiversité, en particulier des colonies d’abeilles.
Mme Sylvie Goy-Chavent. C’est vrai !
Joël Labbé. Mes positions sur ce texte, qui ne se veulent ni idéologiques ni dogmatiques, s’appuient sur ces deux axes : le « non-pesticides » et la promotion des agricultures vertueuses – je pense à l’agroécologie, dont l’agriculture biologique est le fleuron.
J’ai été très déçu par l’examen du texte en commission des affaires économiques, mais j’espère encore que les débats en séance permettront au moins de revenir au niveau d’exigence de l’Assemblée nationale. Le retour en commission du 20 % de bio, ce matin, est un bon signe.
Dans cette affaire, la loi Labbé a été touchée ; je croyais que l’on ne devait pas faire de retour en arrière… J’espère que l’on reviendra sur ce point.
Cette loi ne suffira pas pour retrouver des perspectives pour l’agriculture et l’alimentation. Il faudra une véritable planification sur le moyen et le long terme.
Monsieur le ministre, si j’étais ministre de l’agriculture (Exclamations amusées sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.), je proposerais : de mettre en place un plan réellement efficient de sortie des pesticides en soutenant fortement la conversion en bio ; d’encourager le retour à la polyculture élevage sur les territoires, avec des systèmes fourragers performants ; de réintroduire des ceintures maraîchères autour des centres urbains ; d’organiser une relocalisation massive de l’alimentation via une généralisation des projets alimentaires territoriaux ; d’orienter l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, vers une recherche active au service des alternatives vertueuses ; d’agir activement, auprès de l’Union européenne et de l’Organisation mondiale du commerce, l’OMC, pour une régulation effective des marchés agricoles et pour l’interdiction de la spéculation ; de tout mettre en œuvre, enfin, pour assurer le renouvellement des générations et la formation des nouveaux agriculteurs.
C’est véritablement un nouveau contrat de société que l’on doit mettre en place. Mais je ne suis pas ministre… (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Bruno Sido. Ouf !
Joël Labbé. C’est pour cela que je me permets de vous interpeller, monsieur le ministre, et que j’ai pu vous déranger, mes chers collègues, en annonçant dans une lettre ouverte que je demanderai à mon groupe de solliciter des scrutins publics sur des amendements qui me semblent clés.
Puisque je dois conclure, permettez-moi un moment de poésie grave. (Rires.) J’aime la poésie, mais je ne voudrais pas que l’on continue à évoluer vers des printemps de plus en plus silencieux. Notre responsabilité est de contribuer à offrir aux générations nouvelles des printemps joyeux et réenchantés ! (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et sur des travées du groupe socialiste et du groupe Union Centriste. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
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