« Avoir un logement est un droit constitutionnel ; c’est une priorité pour les individus et les familles, c’est aussi une priorité nationale. »
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues,
Construire plus tout en construisant mieux, tel doit être notre objectif – je crois vous citer, madame la ministre – pour répondre à l’urgence de la crise du logement. S’agissant de la question des ordonnances, sur laquelle j’étais intervenu en commission, je dois dire, madame la ministre, que vous m’avez convaincu.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Ah !
M. Joël Labbé. Ces ordonnances répondent à une urgence, à une nécessaire réactivité – même si l’on peut toujours, sur l’une ou l’autre, en débattre. Nous sommes dans une situation de crise qui n’en finit pas et qui, si nous ne changeons pas de logique, n’en finira pas ! Quand on parle de logement, il importe de rappeler les fondamentaux. Le logement est un bien premier, nécessaire. Avoir un logement est un droit constitutionnel ; c’est une priorité pour les individus et les familles, c’est aussi une priorité nationale. Cela, vous nous le démontrez en permanence, madame la ministre, vous qui êtes – et ce ne sont pas que des mots – l’avocate infatigable de la cause du logement. Nous avons besoin, mes chers collègues, de ministres qui ont la pêche !(Sourires.) Avoir un logement décent tient bien du droit à vivre dans la dignité : sans logement, pas de vie privée, pas de vie familiale, et, la plupart du temps, pas de travail, pas d’intégration, pas de vie sociale ; pas de vie du tout, en somme.
Les difficultés économiques et sociales contribuent à l’aggravation de la précarité. Nombre de nos concitoyens, de tous âges – des jeunes, des personnes âgées, parfois des familles entières –, sont concernés par la crise du logement. Alors, oui, la situation actuelle justifie le recours à la procédure d’urgence des ordonnances. Chaque mois gagné, chaque semaine gagnée comptent. Ce sera autant de temps et de sérénité en plus pour les personnes et les familles concernées. Ce sera aussi du temps de gagné pour le secteur du bâtiment, qui a connu en un an une baisse de l’ordre de 18 % des mises en chantier, ce qui a entraîné des pertes d’emplois chiffrées à 13 800 en 2012, sans même compter les postes en intérim.
Alors, oui, il y a urgence. Au-delà de l’aspect technique de la question, au-delà de la nécessaire approche juridique, je veux vous dire quelques mots, mes chers collègues, des mesures proposées dans le présent projet de loi.
Transformer des milliers, voire des millions de mètres carrés de bureaux vides en logements, c’est urgent et cela relève du bon sens ; limiter les obligations réglementaires en matière de stationnement à proximité des transports en commun, c’est urgent et c’est le bon sens ; favoriser la densification pour éviter l’étalement urbain en permettant la surélévation d’immeubles dans les zones où la demande est forte, c’est urgent et c’est le bon sens ; abréger les procédures administratives afin de permettre l’émergence de plus de projets quand et là où il y en a besoin, c’est également le bon sens ; enfin, je le dis en tant qu’écologiste, lutter contre les recours quand ils sont abusifs, malveillants, intéressés, voire mafieux, c’est également de bon sens. Cependant, il ne faudra pas non plus faire un usage excessif de cette dernière possibilité. Les associations reconnues nationalement ont un rôle à jouer et doivent pouvoir continuer à le faire, tant qu’elles n’en abusent pas.
Alors, mes chers collègues, autant de mesures de bon sens ne peuvent qu’aller dans le bon sens et répondent à une nécessité.
Le texte que nous allons examiner aujourd’hui n’est qu’une étape. Il s’inscrit dans une perspective de plus long terme : la structuration du territoire, l’utilisation de l’urbanisme pour reconquérir les espaces urbains délaissés, la création – ou plutôt la recréation – du vivre-ensemble, de la solidarité.
Partout sur le territoire national, il existe de nombreux endroits où l’on peut trouver du logement, parfois du beau logement, patrimonial, fermé. Nous aurons à nous pencher sur ce sujet dans un deuxième temps. Ces territoires, Jacques Mézard l’a évoqué tout à l’heure, sont quelque peu délaissés, faute de perspectives économiques, mais aussi d’équipements et de services publics de proximité. Il y a une vie, des espaces de vie au-delà des grandes agglomérations, des grandes villes, des grandes métropoles. Il importe que nous en ayons toujours conscience.
Une vision de long terme doit permettre de penser les espaces en sortant des clivages entre la ville et la campagne, de penser des espaces durables où s’équilibrent densité, préservation des espaces remarquables, gestion des flux, des ressources et des déchets. Il s’agit d’organiser la transition écologique de l’aménagement de notre territoire, afin de concilier la production de logements et d’équipements et la lutte contre l’artificialisation des sols, pour tenir l’objectif d’un solde net de zéro terre agricole consommée par l’urbanisation.
Il s’agit aussi d’organiser le changement en profondeur du secteur de la production de logements, en favorisant l’utilisation de matériaux innovants, performants, issus de matières renouvelables ou recyclées, pour bien bâtir et donc mieux anticiper les mutations à venir. Qualité du bâti, tant esthétique que durable, qualité du paysage en ville et des espaces publics, préservation de la nature en ville pour une cohabitation heureuse entre l’humain et la biodiversité, selon le concept suédois des sociotopes – concept extrêmement heureux et qui fonctionne bien –, tels doivent être nos objectifs.
Le projet de loi relatif au logement et à l’urbanisme que vous nous présenterez prochainement, madame la ministre, nous permettra de faire un grand pas vers cette nécessaire transition écologique. C’est là une excellente chose pour le secteur du bâtiment, je l’ai dit, qui pourra saisir cette occasion pour repenser son modèle économique, le rendre plus viable et plus durable. Votre projet de loi, madame la ministre, devra être également l’occasion de repenser les relations entre propriétaires et locataires.
Enfin, j’y suis très attaché, j’attends du futur projet de loi qu’il prenne en considération les modes de vies alternatifs. Notre société est vivante de la multitude des utopies et des choix de chacun. Plus d’un million de nos concitoyens ont fait le choix de vivre différemment : je pense à l’habitat participatif, auquel vous vous êtes déjà intéressée, madame la ministre, à l’habitat coopératif et à l’habitat léger, qui soulèvent des problèmes que nous devrons résoudre. Loin d’être un épiphénomène ou un pis-aller face à une situation de crise, ces habitats marquent le choix de vie d’un nombre croissant de personnes. Il est donc nécessaire de faire évoluer le cadre législatif pour permettre la reconnaissance de ces modes de vie alternatifs.
Vous l’aurez compris, madame la ministre, nous voterons avec conviction le texte qui nous est présenté aujourd’hui. Nous serons avec vous, derrière le Gouvernement, pour soutenir le grand projet de loi à venir, qui doit donner à tous le droit à vivre dans la dignité, et qui, au-delà de ses aspects techniques et juridiques, doit pouvoir réenchanter nos villes et nos campagnes. (Applaudissementssur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)