Monsieur le président, madame la ministre,
madame la rapporteure générale de la commission des finances,
monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales,
mes chers collègues,
Je commencerai mon intervention en approuvant les propos que vient de prononcer mon collègue breton sur l’importance du bicamérisme. Je suis tout nouveau sénateur, mais j’ai compris que la Chambre haute est l’assemblée où l’on peut justement approfondir la réflexion.
Toutefois, à l’approche des élections nationales, je découvre une frénésie de mesures graves qui nous sont proposées dans la précipitation.
Mme Annie David. Exactement !
Mme Michèle André. Eh oui !
M. Joël Labbé. Je n’avais pas envisagé le rôle du Sénat sous cet angle.
Entre les promesses de campagne, les renoncements, les mesures inefficaces, idéologiques et à contre-emploi pour certaines, l’échec du Gouvernement et de la politique du Président, candidat aujourd’hui, est éclatant. Le bilan est catastrophique concernant le chômage et la dette. La crise a trop souvent bon dos !
Cela fait cinq ans, cinq ans déjà, que vous avez engagé notre pays dans une certaine spirale : pendant que de plus en plus de personnes sont tombées dans une grande précarité, ont été offerts divers cadeaux fiscaux tel l’allégement de l’ISF, qui coûte à l’État pas moins de 1,9 milliard d’euros.
Dans ce moment grave que nous vivons où solidarité, équité et justice doivent contribuer à une nécessaire unité nationale, en ces temps difficiles, vous persistez à prendre des mesures injustes.
Le 13 octobre 2007, Nicolas Sarkozy déclarait : « La croissance de 2007, je n’y suis pour rien, il faut la doper en 2008, et en 2009 ce sera la mienne. » En 2007, elle était de 1,9 %, en 2008 de 0,9 %, et en 2009 de moins 0,4 %.
Quant à la dette publique, elle est passée de 64,2 % du PIB en 2007 à 85,3 % en 2011, soit près de 1 700 milliards d’euros !
Et aujourd’hui, le Président de la République ose se présenter en sauveur de la crise !
M. Jacky Le Menn. En sauveur de l’humanité !
M. Joël Labbé. Le capitaine dans la tempête qui régulera la finance, le Président du plein emploi, du pouvoir d’achat, qui ne laissera plus personne dormir dans la rue dans les deux ans, ne peut plus faire illusion.
Le bilan de l’emploi, pour n’évoquer que celui-ci, est catastrophique. Nicolas Sarkozy, toujours en avril 2007, déclarait sur le plateau de France 2 : « Je veux m’engager, par exemple, sur le plein emploi : 5 % de chômeurs à la fin de mon quinquennat. Et ce travail, on nous demande pas une obligation de moyens, […] on nous demande une obligation de résultats. […] Si on s’engage sur 5 % de chômeurs et qu’à l’arrivée il y en a dix, c’est qu’il y a un problème. […] Je [dirai] aux Français : c’est un échec et j’ai échoué. Et [ce sera] aux Français d’en tirer les conséquences. »
Mme Marie-France Beaufils. Très bonne citation !
M. Joël Labbé. Eh bien oui, il y a un problème ! Approcher la barre des 10 % comme taux de chômage, on y est presque : quel résultat ! Cela représente près de 1 million de personnes supplémentaires à Pôle emploi, une institution qui a été au passage fragilisée davantage en raison de la diminution de ses moyens : on compte désormais un conseiller pour 200 demandeurs d’emplois. Un pour 200 : c’est absolument effarant !
Mme Annie David. Eh oui !
M. Joël Labbé. Comment ces personnes peuvent-elles être correctement accompagnées dans de telles conditions ? Et comment les employés de Pôle emploi – j’en connais, dont certains travaillent dans des conditions de grande précarité – peuvent-ils jouer leur rôle ?
Mais au lieu de proposer des mesures réellement efficaces contre le chômage, vous stigmatisez les chômeurs à longueur de discours et prévoyez des dispositifs inefficaces !
Les heures supplémentaires, par exemple, n’ont pas permis de diminuer le chômage et coûtent néanmoins plus de 4 milliards d’euros par an. Il en est de même de la TVA sur la restauration, qui, elle, coûte 3 milliards d’euros par an.
Quant à la suppression de 100 000 postes de fonctionnaires dans le cadre de la RGPP, on en constate les effets désastreux sur nos services publics tous les jours, sans parler de ceux qui ont nécessairement été transférés vers les collectivités locales. Je pense notamment au service du droit des sols.
Donc, ce quinquennat, puisque nous en sommes au bilan, est celui du chômage de masse et de la précarisation du travail ; c’est un échec, et derrière cela, pour nous écologistes, c’est l’échec d’un modèle de société qui n’a décidément plus d’avenir.
Alors, en lançant des réformes à la dernière minute, vous pensez faire oublier ce bilan catastrophique. Mais les miracles, vous le savez bien, n’existent pas ! Vous montrez là que vous manquez d’une vision de long terme et que vous ne faites que multiplier les effets d’annonce.
Certes, pour qui que ce soit, l’exercice n’est pas et ne sera pas facile. Mais ce n’est pas avec des effets d’annonce et des mesures de dernier moment que l’on peut sauver la situation. La proposition d’une TVA sociale est à cet égard tristement emblématique : après avoir critiqué l’injustice de ce type d’impôt, le Président le présente comme une mesure de justice sociale. Il ne faut tout de même pas exagérer !
Avec cette mesure, c’est bien le pouvoir d’achat, l’ensemble du budget de nos concitoyens, notamment les plus défavorisés, qui va être touché, alors que nous sommes en pleine crise.
En effet, il faut cesser de mentir aux Français, une hausse de la TVA va inéluctablement faire augmenter les prix. Finalement, quel est l’objectif visé avec cette hausse de TVA ? Il s’agit de compenser l’exonération des charges patronales, un cadeau supplémentaire, alors même que les entreprises attendent des mesures autrement plus efficaces.
Vous demandez des sacrifices aux Français, mais vous gaspillez leurs efforts !
Vous le savez, vous nous engagez là dans une course folle de dumping social, une course que nous allons perdre et dont le prix sera lourd pour l’ensemble des Françaises et des Français. Au fond, le but recherché est-il de remettre en cause nos acquis sociaux afin que nous soyons de plus en plus compétitifs ? Mais plus compétitifs que qui ?
Pourquoi s’obstiner à refuser de construire une Europe solidaire où les droits sociaux s’ajusteraient par le haut ? Pourquoi persister à croire en un modèle de développement qui nous conduit droit dans le mur, et reporter le règlement de nos immenses problèmes sur les générations futures ?
Il s’agit maintenant d’investir dans les filières d’avenir, notamment le bâtiment, les économies d’énergies dont tout le monde profitera, les transports en commun, les énergies renouvelables.
Nous pouvons réindustrialiser notre pays, créer et localiser, relocaliser, refaire du lien entre l’économie et le territoire.
Ce projet de loi de finances rectificative est, selon nous, dangereux et inefficace. C’est, beaucoup le ressentent ainsi, un coup de communication de plus en vue des élections qui approchent !
Par conséquent, aux yeux des écologistes, ce texte est pour le moins inopportun, et comme nous l’avons déjà dit, un tel débat n’a pas lieu d’être au sein de la Chambre haute. C’est la raison pour laquelle nous voterons la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)