PUBLIC SÉNAT/ Par François Vignal, 18-02-2014
Après le rejet par le Sénat de l’interdiction des maïs OGM, le gouvernement assure de sa «détermination» sur le sujet. «Les gens mangent déjà des OGM et ils sont toujours vivants», répond l’UMP Bruno Sido. Son collègue Jean Bizet parle de «guerre économique sur la propriété des semences». Entre défenseurs des OGM et opposants, la bataille est relancée.
Le gouvernement n’entend pas lâcher sur l’interdiction des OGM. Après le rejet par le Sénat d’une proposition de loi du sénateur PS Alain Fauconnier, visant à interdire la culture du maïs transgénique en France, le ministre de l’Ecologie, Philippe Martin, a prévenu : « Ça n’entame pas notre détermination à interdire les OGM en France », a-t-il affirmé mardi matin sur France Inter. « Nous allons faire en sorte qu’il y ait une nouvelle proposition de loi qui puisse être examinée à l’Assemblée nationale probablement au début avril ou à la mi-avril, en tout cas avant les semis pour pouvoir faire en sorte qu’il n’y en ait pas au cours de l’année 2014 ». Confirmation quelque temps après sur Twitter par le patron des députés PS, Bruno Le Roux.
Pour combler le vide juridique d’ici l’adoption du texte de loi, le gouvernement compte même avoir recours à un arrêté interdisant la culture du maïs OGM.
« Incohérence » de l’UMP
Le sénateur Europe Ecologie-Les Verts, Joël Labbé, se « réjouit » de la détermination de l’exécutif. Il regrette en revanche le vote de lundi soir, « un camouflet pour le Sénat. Les conservateurs ont réussi à avoir gain de cause ». C’est une alliance de circonstance, composée de l’UMP, de l’UDI et de 7 sénateurs du groupe RDSE (à majorité PRG), qui a permit le rejet du texte. Alain Fauconnier dénonce à l’AFP « des alliances contre-nature qui se sont formées et ont révélé la duplicité et la turpitude d’un certain nombre de sénateurs radicaux »… Il pointe aussi « l’incohérence » de l’UMP. C’est en effet sous le gouvernement Fillon qu’avait été décidé le moratoire contre le maïs MON 810, de l’entreprise américaine Monsanto.
Xavier Beulin, président de la FNSEA, syndicat agricole majoritaire, regrette lui la proposition de loi. A ses yeux, elle n’était pas nécessaire. « Nous avions pris l’engagement, les semenciers, les producteurs, de ne rien semer cette année et de ne pas commercialiser de semences de MON 810 », explique-t-il mardi, à la sortie de la réunion du groupe UMP, où il était invité. Ce que confirme le sénateur UMP Jean Bizet, auteur de la motion d’irrecevabilité qui a fait tomber la proposition de loi au Sénat. Il ne cache pas avoir « fait le point avec la direction Europe de Monsanto : il n’y a pas semence MON 810 à destination de la France ».
Les opposants à l’interdiction mettent en avant la décision du Conseil d’Etat qui a annulé l’été dernier un arrêté d’interdiction, datant de 2011, du MON 810, et dont le renouvellement d’autorisation est en cours d’examen par l’Union européenne. Mais les Etats ont la possibilité d’interdire sur leur territoire un OGM autorisé par l’Union européenne. « Les mêmes causes produisent les mêmes effets », prédit le sénateur UMP Bruno Sido, agriculteur de profession, et président de l’Opecst (Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques), qui souhaite « qu’on ne fasse pas comme sur les gaz de schiste » qui sont interdits en France. « Je suis pour la recherche scientifique », plaide Bruno Sido. Il ajoute : « Les gens mangent déjà des OGM et ils sont toujours vivants. On continue à gagner un trimestre d’espérance de vie tous les ans ! »
« Arme alimentaire »
Le patron de la FNSEA, Xavier Beulin, souhaite « que nous gardions la capacité de disposer d’une recherche et d’une expertise de qualité sur les OGM. Je veux qu’on sorte de la posture pour ou contre. Le débat, c’est : qu’est ce que peuvent amener les technologies de type OGM ? Et quels sont les risques et inconvénients ? ». Selon Jean Bizet, il est nécessaire de développer les OMG en France « car nous sommes dans une guerre économique sur la propriété des semences. Or les multinationales peuvent refuser les semences à un pays. C’est l’arme alimentaire. En France, on a laissé les environnementalistes détruire les essais. Les entreprises françaises n’ont pas mené de recherches et n’ont pas breveté », regrette le sénateur UMP de la Manche. Il ajoute : « On écoute beaucoup plus Bové que Bizet ! Peut-être que je devrais me laisser pousser la moustache ».
Joël Labbé apprécie peu l’activisme du sénateur UMP. « Jean Bizet a un mouvement pour l’organisation d’une agriculture mondiale, avec les lobbies. Mais c’est aux politiques de l’organiser », affirme le sénateur écologiste. Il entend à sa manière mener une guerre pacifiste contre les défenseurs des OGM. La prochaine bataille se jouera à l’Assemblée nationale, avec l’examen de la nouvelle proposition de loi. Elle devra passer ensuite par le Sénat. Malgré le vote d’hier, le socialiste Alain Fauconnier reste « persuadé que le soutien au moratoire sur le maïs transgénique reste la position largement majoritaire au Sénat, dans le pays et en Europe ». En cas de nouveau rejet à la chambre haute, le Palais bourbon aura cette fois le dernier mot, la nouvelle proposition de loi venant d’un député. Le gouvernement pourra compter sur le groupe PS qui détient à lui seul la majorité à l’Assemblée.