OUEST-FRANCE – 17/01/2018
Le Premier ministre, Édouard Philippe, vient d’annoncer l’abandon du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Depuis, les réactions des élus morbihannais tombent.
« C’est la débâcle de la démocratie »
Muriel Jourda, sénateur du Morbihan. « Cette nouvelle est triste pour le grand Ouest et pour le Morbihan dont l’économie avait tout à espérer de cet aéroport international. Les solutions alternatives sont des leurres qui ont d’autant moins de chances d’aboutir que les zadistes de tous horizons, professionnels de la contestation, se sentiront renforcés dans leurs prochains combats par la faiblesse d’Emmanuel Macron et de son gouvernement qui n’ont pas été à la hauteur de leur tâche. Tout militait en faveur de la réalisation de l’aéroport : l’utilité économique d’un équipement de transport international pour le grand Ouest ; l’état de droit manifesté par 179 décisions de justice confirmant la légalité du projet ; la démocratie locale exprimée par la volonté des élus locaux majoritairement favorables à NDDL ; la démocratie populaire exprimée par un référendum positif… Et l’on voudrait nous faire prendre pour une décision ce qui est la consécration de cette effarante réalité : les contestataires professionnels, pour peu qu’ils créent un trouble à l’ordre public suffisant, peuvent avoir le dernier mot en France. C’est la débâcle de la démocratie. Et du Président Macron. »
« Les Bretons sont pénalisés, les Bretons sont oubliés »
David Robo, maire de Vannes. « Je suis vraiment très en colère. Je ne m’attendais pas à cette décision qui plus est avec les arguments donnés par le Premier ministre. Il fait fi du référendum qui a donné lieu avec 55 % à une large mobilisation, il fait fi des 179 recours de justice gagnés par le syndicat mixte, il fait fi de ce qui va se passer avec des recours qui seront faits pour Nantes Atlantique ce qui ne permettra pas d’agrandissement des pistes avant des années. Il parle de délester une partie du trafic vers Rennes mais c’est une ville déjà en pleine expansion. Aujourd’hui les Bretons sont pénalisés, les Bretons sont oubliés. On a bien là une vision parisienne des choses.
Aujourd’hui, un Locminois va prendre sa voiture pour venir jusqu’à la gare de Vannes, après il va prendre le train jusqu’à Paris, puis le métro ou le RER… On rate une chance historique pour le développement de la Bretagne. Quand j’ai vu le Premier ministre je lui ai parlé du fret essentiellement. On est une région agricole qui produit mais aussi qui transforme à travers l’industrie agroalimentaire, et ça part par semi-remorques. On sait que l’éco taxe reviendra, à moyen terme, sur la table. Comment vont faire nos entreprises alors qu’aujourd’hui il n’y a pratiquement pas de fret à Nantes et un petit peu à Rennes ? Nos produits partent de Roissy-Charles de Gaulle et d’Orly.
Nous sommes sacrifiés et je ne vois pas pourquoi. S’il y a un dossier qui fait consensus chez les élus, c’est celui-là. Les financements sont là, le projet est prêt… On nous annonce une évacuation de la ZAD au printemps, je rappelle que cela va jusqu’à fin juin ou encore que certains pourront rester. Il y a un manque de courage, de vision claire. Le Premier ministre parle de division mais il n’y en a pas. À part peut-être au sein du gouvernement avec Nicolas Hulot qui, j’en suis persuadé, a mis sa démission dans la balance.
On a déjà été sacrifié lors du redécoupage territorial. On se gargarisaient d’être restés une région à quatre départements. Et, aujourd’hui, on s’aperçoit que l’on est la plus petite région française après la Corse et qu’on ne pèse plus. Ce n’est pas demain qu’il y aura des répercussions pour le trafic passager et fret mais dans les décennies à venir. »
« Les opposants ont gagné, comme assez souvent »
Pierre Le Bodo, président de Golfe du Morbihan-Vannes Agglo. « J’attendais du gouvernement un choix courageux. Je le craignais: les opposants ont gagné, comme assez souvent. Je savais la décision difficile à prendre après cinquante ans d’inertie des gouvernements précédents. La nécessité de rétablir l’ordre public (avec d’infinies précautions) s’est substituée à un choix d’intérêt général. Des projets respectants le droit sont-ils encore possibles dans notre pays? Sans projets d’ampleur susceptibles de remplacer Notre-Dame-des-Landes, cet abandon sera ressenti comme une humiliation tant par les entreprises que par les habitants. Redonnez au Grand Ouest et à la Bretagne l’espoir de croire à la France. »
« Une lâcheté de l’État ! »
François Goulard, président du conseil départemental. « Lors de la remise du médiocre rapport des prétendus médiateurs, j’avais sur ma page Facebook exactement prévu la décision du gouvernement, sous le titre « Emmanuel Macron est décidément un malin ».
Ce renoncement se veut une habileté, permettant de satisfaire apparemment les besoins de l’économie régionale, de ne pas fâcher les écologistes et notamment Nicolas Hulot et de ne pas exposer le gouvernement à un difficile rétablissement de l’ordre sur la ZAD. Mais comme souvent, les échappatoires habiles ne résolvent rien. L’agrandissement de la plate-forme actuelle, qui prendra des années, ne permettra pas au Grand Ouest de disposer d’un grand aéroport, facilement accessible et doté de bonnes liaisons européennes.
Notre région subit aujourd’hui un préjudice considérable. Mais le plus grave est sans doute le terrible message qu’envoie cet abandon : il sera dit que quelques dizaines de misérables, dans notre pays, ont fait plier un gouvernement qui n’a pas le courage de les affronter. La décision du Président de la République a un nom : c’est une lâcheté d’État. »
« Le début d’un nouveau mode de développement »
Joël Labbé, sénateur du Morbihan. « C’est une immense satisfaction et un immense soulagement par rapport au risque d’une autre décision. Je ne prends pas ça comme une victoire mais un signe fort que le Gouvernement se met en cohérence avec son discours sur les problématiques climatiques. Il n’y a de secrets pour personne que je soutiens Nicolas Hulot. Il a une lourde part de responsabilité, dans le bon sens du terme, dans cette décision courageuse et responsable.
Je suis également satisfait des déclarations pour l’après concernant la Zad, à savoir libérer les routes à la circulation normale et différer les solutions pour l’occupation des terres au printemps. Il est sage de différer. Les déloger immédiatement aurait été de la provocation. Je ne comprendrais pas qu’il y ait de la violence maintenant. Il faut que cela se fasse dans le calme et la concertation. Il y aura un temps de discussion pour savoir ce qu’il sera fait de ces terres. Il faut qu’elles reprennent leurs vocations agricoles. Il faut que les possibilités expérimentales soient poursuivies pour rendre exemplaire et emblématique ce qui s’est passé à Notre-Dame-des-Landes.
Cette décision du Gouvernement doit être le départ d’un nouveau projet avec une véritable concertation de telle sorte que la population soit majoritairement au projet. C’est le point de départ d’un nouveau mode de développement décidé au plus haut niveau de l’état. »
« Une solution de sagesse »
Paul Molac, député de la circonscription de Ploërmel. « Au vu des difficultés, c’est une bonne chose pour la paix sociale. Il faut bien comprendre que cela ne remet pas en cause la faculté de développement du territoire. Il y a déjà l’aéroport Nantes Atlantique qui accueille 4 à 5 millions de passagers, et dont on peut doubler la capacité. C’est le cas à Genève où il n’y a qu’une seule piste. Il faut démystifier l’idée qu’un nouvel aéroport apporterait plus de développement. J’ai toujours été sur cette position-là.
Un nouvel aéroport n’aurait pas grignoté beaucoup plus de terres agricoles que l’extension de Nantes. Mais, on ne pense pas à toutes les infrastructures qui y sont liées comme les accès et routes. C’est donc une solution de sagesse. Je crois à un développement durable et respectueux de l’environnement. C’était un projet surdimensionné par rapport à nos besoins. »
« L’heure est venue de se mettre au travail »
Hervé Pellois, député de Vannes. « Après cette annonce gouvernementale, j’éprouve de la déception. J’ai porté, comme la majorité des élus bretons, ce projet que j’aurais souhaité voir aboutir. Maintenant, l’heure est venue de se mettre rapidement au travail pour construire un nouveau projet susceptible de rendre le meilleur service aux bretons et à la Bretagne. Le Premier ministre a annoncé vouloir être aux côtés des élus pour le mener à bien. Soyons inventifs et innovants, soyons plus déterminés que jamais à défendre notre territoire périphérique. »
« Je respecte cette décision, mais reste sur ma position »
Nicole Le Peih, députée LREM de Pontivy-Elven. « Je me rallie à la décision du gouvernement. Mais je reste sur ma position. Notre-Dame-des-Landes aurait été un beau projet fédérateur pour la Bretagne. J’aurais aimé que ce soit un pont aérien économique enter la France et L’Europe pour le transport des passagers et du fret. J’aurais préféré un grand aéroport pour l’Ouest plutôt que Francfort. Pour agrandir Nantes, il faudra dix ans. D’ici là, il faudra aller à Francfort.
Elle-même éleveur de volailles en plein air, elle pense aussi aux agriculteurs : « La Zad va être démantelée je l’espère. Il faut que l’agriculture retrouve ses terres. »
« Une mauvaise nouvelle pour l’économie du grand ouest »
Jacques Le Nay, sénateur UDI du Morbihan, qui « regrette pour plusieurs raisons la décision du Président de la République et du gouvernement d’abandonner le projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes »: « il s’agit d’une très mauvaise nouvelle pour l’économie du grand ouest de la France. Cette décision va nuire au développement économique de la Bretagne en général et du Morbihan en particulier. Quant à l’alternative de l’agrandissement de Nantes Atlantique, elle ne manquera pas de faire l’objet d’opposition farouche en raison de la proximité d’une zone Natura 2000 et du survol de l’agglomération nantaise. Cette option ne paraît pas être une solution à long terme.
Ensuite, l’Etat remet en cause de son propre chef un projet validé par les collectivités locales, par les élus de terrain, par plus de 170 décisions de justice et par une consultation citoyenne. Immanquablement cette décision fera jurisprudence ! Aujourd’hui, comme beaucoup d’élus, je me demande si nous ne sommes pas condamnés à ne rien faire ? J’invite les décisionnaires parisiens à relire le livre écrit en 1947 par Jean-François Gravier, « Paris et le désert français » afin qu’ils redécouvrent l’intérêt de l’aménagement du territoire national limitant le déséquilibre entre Paris et la province ».
« Une décision courageuse » et « logique »
Jimmy Pahun (apparenté MoDem), député d’Auray-Port Louis. « C’est une décision courageuse compte-tenu des débats que le sujet suscite mais c’est aussi une décision logique, qui s’inscrit dans la continuité des efforts menés par les pouvoirs publics en faveur de l’environnement et du climat. Il a fait un choix de société. »
« Le gouvernement s’engage à procéder à l’évacuation de la Zad si les occupants illégaux ne partent pas d’eux-mêmes. Maintenant que le projet est abandonné, encore plus qu’avant, les entraves à l’Etat de droit ne peuvent être tolérées. »
« L’Ouest a besoin d’un grand aéroport. Il faut pour cela développer les infrastructures existantes et, en particulier, leurs connexions routières, ferroviaires et maritimes. Je pense au transport de fret, par exemple. Ce travail doit être, dès à présent, mené dans une sérénité retrouvée. »
« Rebondissons et assurons le développement de l’aéroport de Lorient-Bretagne Sud »
Norbert Métairie, maire socialiste de Lorient, avait été reçu à Matignon le 8 janvier, aux côté d’une centaine d’élus. Il avait alors exprimé au Premier ministre ses arguments en faveur du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes. « Pour des raisons de désenclavement, d’accès aux lignes internationales, par souci d’aménagement du territoire… »
Cette décision ne l’a pas surpris. « Je suis bien conscient des difficultés qu’il y a pour mettre en œuvre ce projet. Je n’incrimine pas le gouvernement. Il fallait prendre cette décision difficile. Elle a au moins un mérite: elle est prise. Les gouvernements précédents n’avaient pas tranché. »
Maintenant, « il faut rebondir ». Sur les possibilités d’aménagement des aéroports de Nantes et Rennes: « pourquoi pas. » Dans cette « situation nouvelle », il pense surtout à l’avenir de l’aéroport de Lorient. « Il n’y a pas que Rennes, Nantes et Brest, il y a aussi Lorient. L’Etat doit faire en sorte que la régularité des vols soit assurée (NDLR: plus de 150 vols ont été annulés par Hop! Air France en 2017) et nous écouter sur la nécessité d’ouvrir une ligne avec Roissy, pour l’accès à un hub international (plate-forme de correspondance). Nous y travaillons avec le député Gwendal Rouillard et la CCI, pour donner les moyens d’assurer un développement de l’aéroport de Lorient, à équidistance de Rennes, Nantes et Brest. Nous allons plaider pour que ce soit pris en compte plus que jamais. »
« L’aéroport de Lorient-Lann-Bihoué peut se développer »
Ronan Loas, maire Les Républicains de Ploemeur, s’opposait au projet. « Durant des décennies, l’indécision des gouvernements successifs a laissé partisans et opposants se dresser les uns contre les autres. Leurs arguments respectifs étaient tout aussi recevables et fondés. La situation politique et juridique était totalement bloquée et contraire au respect de l’état de droit. La situation de simplicité pour nos décideurs était de laisser le sujet à ses successeurs… Reconnaissons qu’enfin une décision est prise sur ce sujet. Il est temps désormais que l’Etat soit transparent dans ses choix et agisse. Je regrette naturellement la gabegie financière. En cette période où on demande tant d’effort aux collectivités locales, il faudra présenter en toute transparence les impacts financiers du renoncement au projet de NDDL. Ce coût est la conséquence de dizaines d’année de non-décisions et de renoncements successifs. Il s’agit donc maintenant pour le gouvernement d’Edouard Philippe de faire la démonstration concrète de cette sagesse concernant les suites à donner sur place afin que l’issue soit positive en tout point. Le retour à l’Etat de droit est primordial. La Bretagne et le Grand Ouest ont besoin d’être connectés au reste de la France et de l’Europe, nous en sommes tous persuadés. Sur-doter les métropoles de l’Ouest que sont Rennes et Nantes s’est fait au détriment des territoires ruraux ou excentrés, mettant en péril le pacte breton et notre équilibre de territoire. Des aéroports comme celui de Lorient-Lann-Bihoué (géré par la CCI56) situé à Ploemeur (56) à deux heures des principales villes bretonnes peut naturellement se développer grâce à sa double piste et sa capacité a accueillir des gros porteurs. C’est dès aujourd’hui une priorité pour notre territoire. Notre zone de chalandise est aussi importante que celle de Rennes et ne nécessite surtout pas d’investissement disproportionné. Profitons des connections possibles entre la LGV « Bretagne à Grande Vitesse » et les aéroports régionaux qui devront être développés en conséquence dans le respect des espaces naturels et agricoles. »
Jean-Michel Jacques : « Une décision courageuse »
Le député de la 6e circonscription (Hennebont-Gourin), Jean-Michel Jacques a salué une « décision éminemment courageuse » du gouvernement. « Après l’inaptitude des dirigeants de l’ancien monde à trancher la question, il a été finalement décidé de ne pas construire ce grand pôle aéroportuaire », salue le député LREM. « L’essentiel pour notre région est d’assurer un flux suffisant de vols internationaux pour le grand Ouest. Aussi, il existe d’autres solutions, notamment la mise en réseau des aéroports et des plates-formes ferroviaires », estime Jean-Michel Jacques. L’élu tient aussi à apporter son soutien aux forces de l’ordre mobilisées à Notre-Dame-des-Landes. « L’évacuation de la ZAD constitue une nécessité absolue. Je tiens à faire part aux nombreuses forces de l’ordre en présence de mon soutien pour la mission extrêmement complexe qu’ils devront effectuer. […] Je pense en particulier aux nombreux gendarmes de tous les groupements du Morbihan dépêchés sur les lieux. »