Question crible thématique n° 0224C adressée à M. le secrétaire d’État, auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale
> Publiée le : 13/06/2014
M. Joël Labbé. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le thème « territoires ruraux et décentralisation » est important en cette période post-électorale au cours de laquelle nous nous devons de nous interroger sur les signes donnés par une part importante des populations rurales d’un sentiment de déclassement et d’abandon de leurs territoires. Il y va de la cohésion sociale, de la cohésion nationale, de la cohésion républicaine de notre pays. C’est là un enjeu fondamental du nouvel acte de la décentralisation que nous allons écrire prochainement. Le 15 juillet 1981, François Mitterrand déclarait : « La France a eu besoin d’un pouvoir fort et centralisé pour se faire, elle a aujourd’hui besoin d’un pouvoir décentralisé pour ne pas se défaire. » Aussi, pour nous, écologistes, la nouvelle architecture territoriale que vous nous soumettez, madame la ministre, doit être en mesure d’apporter des réponses adaptées aux attentes des territoires, avec des régions aux compétences renforcées, aux capacités d’action accrues et bénéficiant d’une plus grande autonomie financière, avec des intercommunalités elles aussi renforcées, couvrant des bassins de vie et placées au cœur du dispositif de proximité. Ces intercommunalités représentent la chance de survie de nombreuses communes où le rôle du maire reste essentiel comme relais direct et premier interlocuteur des citoyens. À l’avenir, elles seront le meilleur échelon pour exercer les compétences sociales de proximité en lieu et place des départements. Les territoires ruraux, ainsi organisés autour de villes petites et moyennes, seront au centre des stratégies régionales : les campagnes seront à même de construire leurs propres projets de territoire modernes et innovants ; l’agriculture, historiquement au cœur de la ruralité, et qui se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins, pourra retrouver sa première fonction alimentaire de proximité. Ce sont des régions fortes qui permettront ce retour à l’équilibre, à la complémentarité et à la solidarité entre métropoles, villes petites et moyennes et territoires ruraux. Mais pour cela, ces régions auront besoin de moyens financiers à la hauteur des enjeux, alors que la dotation globale de fonctionnement est en baisse. Le seul moyen de répondre à la nécessité de solidarité et d’égalité des territoires est de mettre en œuvre une péréquation forte et ambitieuse. Quelle est la position du Gouvernement concernant l’élaboration d’un système de péréquation qui soit autant intrarégional qu’interrégional ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
Réponse de M. le secrétaire d’État, auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale
M. André Vallini, secrétaire d’État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Monsieur le sénateur, vous avez raison : les inégalités de ressources sont très fortes entre nos territoires. Cela s’explique non seulement par une fiscalité injuste, mais aussi par un système de dotations trop inégalitaire. Notre réforme doit donc aller de pair avec une politique d’égalité des territoires, notamment grâce à une péréquation renforcée.
La première mesure est la révision des valeurs locatives, dont vous savez qu’elle a été engagée en commençant par celle des locaux professionnels – c’est une œuvre de longue haleine.
Pour les locaux d’habitation, l’article 74 de la loi de finances rectificative pour 2013 prévoit une expérimentation de cette révision des valeurs locatives qui doit être conduite fin 2014 ou début 2015. Une évaluation sera effectuée et sera retracée dans un rapport qui sera remis au Parlement le 30 septembre 2015 au plus tard.
La seconde mesure porte sur la péréquation et les dotations. Nous devons être très ambitieux en matière de solidarité entre les territoires. Nous sommes favorables à une réforme de la DGF, la dotation globale de fonctionnement, sur les années 2015 et 2016, et Marylise Lebranchu, Christian Eckert et moi-même travaillons activement afin que cette dotation soit plus juste. L’enjeu est considérable, car la DGF représente 40 milliards d’euros, dont 23 milliards d’euros pour les communes et leurs regroupements.
Les arbitrages ne sont pas encore rendus, mais Marylise Lebranchu et moi-même sommes favorables à une progression très sensible de ce que l’on appelle la « péréquation verticale », c’est-à-dire à une forte hausse de la dotation de solidarité urbaine et de la dotation de solidarité rurale qui représentent respectivement 1,5 milliard d’euros et 1 milliard d’euros cette année, sur trois ans.
En dehors de la DGF, nous sommes également favorables à la poursuite de l’augmentation du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, afin qu’il passe de 570 millions d’euros à 780 millions d’euros.
Par ailleurs, un périmètre agrandi des régions permettra une meilleure péréquation entre les territoires favorisés et ceux qui le sont moins. Nous souhaitons que, dès 2016, dans le cadre des nouvelles grandes régions que le Gouvernement met au point – la carte en sera soumise au Parlement cet été -, la péréquation soit plus forte, je le répète, entre les territoires riches et ceux qui le sont moins.
Enfin, Marylise Lebranchu a fait voter le 27 janvier dernier la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, qui prévoit plus de péréquation, notamment au sein de la métropole du Grand Paris et dans la future métropole d’Aix-Marseille-Provence.
Vous le constatez, monsieur le sénateur, nous sommes très attentifs à votre souci d’une plus grande solidarité entre les territoires.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour la réplique.
M. Joël Labbé. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de votre réponse claire. Le chantier est en cours, il doit être conduit à son terme. J’ajouterai une considération importante, et qui fait débat : compte tenu de l’importance que prendront les intercommunalités, il est évident que l’élection au suffrage universel direct y deviendra rapidement nécessaire. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)