LA DÉPÊCHE.FR – 20/12/2019 – Par Samuel Ribot
Des élus de Bretagne, des Alpes- Maritimes et de banlieue parisienne, engagés dans des démarches volontaristes en matière d’alimentation saine et de protection des populations, ont été entendus, hier, par une délégation sénatoriale.
Autrefois cantonnées à une minorité, les questions liées à une alimentation saine et durable et à la protection des populations vis-à-vis de certaines pratiques agricoles se sont aujourd’hui invitées dans le débat national. En mai dernier, l’arrêté du maire de Langouët, en Ille-et-Vilaine, interdisant l’usage de pesticides à moins de 150 mètres de toute habitation a mis en avant le rôle joué par les élus de proximité dans la gestion de ces défis. La Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales a voulu creuser cette question en organisant, hier à Paris, une table ronde consacrée aux expériences de terrain. Outre le maire de Langouët, Daniel Cueff, ils ont ainsi pu entendre les témoignages de ceux qui œuvrent au quotidien pour ancrer les territoires dans une nouvelle exigence sanitaire et environnementale.
Parmi eux, Gilles Pérole, maire adjoint de Mouans-Sartoux et président de l’association Un plus bio, qui milite pour la généralisation des cantines bio en France, qui a présenté l’expérience conduite dans cette petite commune des Alpes-Maritimes : « Notre but, dès 2008, c’était de développer à l’échelle de la commune une alimentation bio et respectueuse de l’environnement », a-t-il rappelé. Aujourd’hui, dans les écoles de Mouans-Sartoux, les repas servis sont 100 % bios, et les légumes utilisés viennent de terres rachetées par la mairie et cultivées par trois agriculteurs appointés par la municipalité. Un cercle vertueux qui a été rendu possible par « la construction d’une culture commune entre la population et les élus », a souligné l’élu. A l’autre bout de la France, Patrice Leclerc, maire de Gennevilliers, dans les Hauts-de-Seine, a lui aussi engagé sa ville dans une démarche durable. Il a fait partie des villes qui se sont engouffrées à la suite de Langouët pour réglementer l‘usage des pesticides.
Devant la délégation sénatoriale, il s’est toutefois étonné de « la différence de traitement
d’une même problématique devant les tribunaux. » En effet, là où Daniel Cuff a été éconduit au prétexte que son combat était « légitime mais illégal », Patrice Leclerc a été entendu par la justice, qui a conclu à une carence de l’Etat dans son rôle de protection des populations. Une différence de traitement qui ne doit pas masquer le fait que ces élus agissent « dans le cadre d’une logique globale, analyse le sénateur du Morbihan Joël Labbé, qui s’inscrit elle-même dans une révolution culturelle, car les populations sont aujourd’hui extrêmement sensibilisées. »
Mais alors, « comment expliquer cette difficulté à gérer cette transition pourtant nécessaire vers une alimentation saine et durable ? », s’est interrogé le président de la délégation sénatoriale, Jean-Marie Bockel. Pour Daniel Cueff, la difficulté est à chercher du côté du message envoyé par les autorités, illustré par les atermoiements autour de l’interdiction du glyphosate : « En hésitant, en repoussant les mesures nécessaires, on a du mal à convaincre les agriculteurs de la nécessité de la transition. » Au-delà d’un message mieux harmonisé, Gilles Pérole, lui, parie sur le local : pour réussir la transformation, « il est indispensable que les territoires s’emparent de leur souveraineté alimentaire. »