Monsieur le Ministre dévoile aujourd’hui un plan pour les abeilles. On ne peut que s’en réjouir, car l’abeille dont la mortalité s’est fortement accrue ces vingt dernières années est au cœur du service de la pollinisation : 80% des cultures (essentiellement fruitières, légumières, oléagineuses et protéagineuses) sont dépendantes des insectes pollinisateurs, dont le plus important, l’abeille domestique. Cet insecte est également une sentinelle précieuse pour l’environnement. Sa protection autant que le développement de la filière apicole est, ne serait-ce que pour cette raison, un enjeu aussi bien environnemental, qu’économique et social.
Plusieurs constats sont à faire. Tout d’abord, la France est déficitaire, elle importe la moitié du miel qu’elle consomme. En outre, la filière est peu protégée des autres productions mondiales (miel, gelée royale) tant sur le plan réglementaire et normatif (composition, étiquetage, origine), que sur le plan sanitaire (importation d’animaux vivants).
Et si je partage également le constat que l’apiculture française est insuffisamment structurée et peu en lien avec les autres intervenants du monde agricole, je tiens à alerter sur le fait que la pratique de l’apiculture sur notre territoire est plurielle. Elle peut être de l’ordre de la simple récolte ou de la grosse production. Elle peut être faite sur un mode amateur ou professionnel et en pratiquant ou non la transhumance.
Cette diversité est une richesse, le développement de la filière ne doit donc pas être une marche forcée de tous les apiculteurs vers la création de grosses exploitations aux méthodes industrielles. Aucun apiculteur ne doit être oublié.
J’entends les déclarations visant à encourager les apiculteurs à organiser eux-mêmes leur filière et à en conduire le développement notamment via des structures interprofessionnelles. J’entends également la volonté de conforter le rôle du comité apicole crée au sein de France Agrimer pour en faire un interlocuteur du ministère. Mais là aussi j’alerte sur des écueils à éviter. Si la représentativité au sein de ce comité apicole reste basée sur les résultats des élections des chambres d’agriculture, c’est toute une partie des apiculteurs qui n’aura pas voix au chapitre.
Ce plan de développement durable de l’apiculture ne peut pas non plus éviter la question de l’interdiction des pesticides dits systémiques.
Depuis une vingtaines d’années, les mortalités hivernales d’abeilles sont supérieures à 20%, tout en sachant que des colonies disparaissent aussi en cours de saison. Il est fréquent que ce taux de mortalité dépasse les 30% sur une année.
Évidemment les causes de ces morts sont multiples, néanmoins les pesticides de la famille des néonicotinoïdes sont clairement mis en cause dans plusieurs études françaises mais également européennes.
Suite à l’étude publiée récemment par l’Autorité européenne de sécurité des aliments, l’EFSA, le CPCASA a pris la décision de proposer la suspension pendant deux ans de l’utilisation de trois pesticides du groupe des néonicotinoïdes sur les cultures attractives pour les abeilles et d’interdire la vente et l’utilisation des « semences traitées » avec des produits phytopharmaceutiques contenant ces substances actives. La restriction vise la clothianidine, l’imidaclopride et le thiaméthoxame, appliqués sous forme de granules, en traitement des semences ou au pistolet sur le maïs, le colza, le tournesol, le coton et les céréales (à l’exception des céréales d’hiver).
C’est encourageant mais néanmoins insuffisant. Si on prend l’exemple du thiaméthoxame ; cette molécule , qui est 5400 fois plus toxique que le DDT, se retrouve dans plusieurs pesticides et est utilisée non seulement sur les cultures citées dans la proposition du CPCASA mais également sur des arbres et arbustes d’ornement, aubergine, chrysanthème, concombre, cultures florales diverses, pommier, toutes espèces florales, pois et ce, aussi bien en traitement systémique que par d’autres moyens.
J’ai pris note que lors du récent débat au Sénat sur cette question le ministre avait affirmé que si « aucune décision ne devait être prise à l’échelon européen », nous devions en tirer nous-mêmes « les conclusions à l’échelon national. »
Le décision récente de la Commission est encourageante et doit nous engager à aller plus loin, en interdisant l’utilisation et la vente les pesticides contenant ces substances actives qui représentent un danger réel pour la survie des abeilles. J.L.
Communiqué de presse / 08-02-2013