Les Journées parlementaires, rendez-vous annuel des 17 député-e-s, 17 eurodéputé-e-s et des 12 sénateurs et sénatrices écologistes, se sont tenues cette année à Angers les 25 et 26 septembre.
De la réforme des retraites à la place de l’écologie dans le budget 2014, les écologistes ont abordé les moyens et leviers parlementaires et gouvernementaux dont ils disposent pour faire progresser leurs idées et leurs propositions.
Jean-Pierre Bel, Président du Sénat, Claude Bartolone, Président de l’Assemblée nationale, Cécile Duflot, Ministre de l’Egalité des territoires et du Logement, Alain Vidalies, Ministre chargé des Relations avec le Parlement, Philippe Martin, Ministre de l’Ecologie et Pascal Durand, Secrétaire national d’Europe Ecologie-Les Verts ont participé à ces journées.
Après une première journée de travail interne associant les parlementaires et leurs collaborateurs, les écologistes ont ouvert leur seconde journée à la presse et au public le 26 septembre. La journée s’est terminée par un pot de clôture en présence du Premier Ministre.
Joël Labbé a participé à l’atelier « 2014 sera-t-elle l’année du tournant de l’écologie ? », animé par Yves Cochet, eurodéputé, membre de la Commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire, avec Denis Baupin, Vice-président de l’Assemblée nationale, et les eurodéputé(e)s Yannick Jadot, Sandrine Bélier , Michèle Rivasi et Jean-Jacob Bicep. Suite à la conférence environnementale et à l’approche du vote du budget en France, et devant la nécessité malgré la crise de continuer les luttes environnementales à l’échelle de l’Europe pour défendre notamment la biodiversité et la santé publique, les parlementaires ont débattu au sein de cet atelier des marges de manœuvre des écologistes dans les différentes institutions pour tenter de faire de 2014 l’année de l’écologie.
Retrouvez ci-dessous l’intervention de Joël Labbé
Nous ne pouvons qu’y souscrire et j’ajouterai qu’il y a un secteur où cette solution s’impose plus que jamais, c’est celui de l’agriculture.
Très dépendante des conditions et des cycles naturels, l’agriculture est particulièrement exposée au changement climatique et aux pollutions diverses. L’adaptation aux évolutions du climat, la bonne gestion des ressources sont des défis majeurs.
Des défis qui imposent d’agir pour une transition écologique de ce secteur. Une transition où l’exigence environnementale est utilisée comme un levier permettant de favoriser l’activité économique, l’emploi, d’améliorer le bien-être et de réduire les inégalités sociales aussi bien que les atteintes à l’environnement.
Les lobbys de l’agrochimie et ceux qui les soutiennent ont d’ailleurs parfaitement compris, aussi bien la nécessité de ce changement, que le discours à adopter pour que ce changement n’advienne pas. J’avais entre les mains lundi, un communiqué de presse des Chambres d’Agriculture suite à la conférence environnementale du week-end. Tous les termes qui jalonnent nos discours y étaient : exigence environnementale, engagement du secteur agricole dans les circuits courts et l’économie circulaire, importance de l’agroécologie et j’en passe. Le tout pour enrober deux demandes majeures au Gouvernement :
– investir massivement dans la méthanisation afin de justifier notamment le développement des usines à viandes
– réduire au strict minimum les contraintes et les engagements et liés à l’utilisation des produits phytosanitaires et minimiser les pollutions dues à l’utilisation de ces produits.
Dans un contexte tendu, aussi bien du fait des restrictions budgétaires que de la difficulté que semble avoir le gouvernement à trancher face à des intérêts et des visions qui divergent et s’affrontent, les marges de manœuvre seront minces, aussi bien dans le cadre de la prochaine loi de finance que dans celui de la loi d’avenir agricole – LAAF (loi Agriculture, Alimentation, Forêt).
Nous avons fait savoir que l’articulation de ce qui reste possible par la Pac doit permettre une redistribution significative en faveur de l’emploi, en utilisant toutes les mesures de la réforme à disposition pour corriger les inégalités (convergence totale et couplage des aides aux productions de ruminants, plafonnement, bonification forfaitaire des premiers hectares…). Néanmoins, le risque existe que ces fonds servent à abonder d’autant des trajectoires et des mesures qui ne sont pas les nôtres.
Je vois néanmoins deux combats majeurs à mener :
– celui de la fiscalité écologique appliquée au secteur agricole
– et celui de la sécurisation du foncier agricole dans la loi d’avenir
Sur le 1er point, je rappelle l’enjeu. Pour rendre notre modèle de développement soutenable, il faut agir de manière globale : en amont, économiser les ressources ; en aval, restaurer ou reconstituer quand c’est possible, celles que l’on utilise. Pour cela, nous devons intégrer à l’ensemble de nos actes de production et de consommation la valeur des ressources naturelles et des services qu’elles rendent. Et la façon la plus simple de donner une réalité à cette valeur, c’est bien de tarifer à leur juste prix non pas la propriété des ressources naturelles mais l’ensemble de leurs usages et de leurs atteintes, au travers d’une fiscalité écologique.
C’est vrai pour les pesticides à titre d’exemple. Et de ce point de vue, les annonces du ministre de l’agriculture et plus globalement du gouvernement ne sont guère rassurantes. Le budget des agences de l’eau ne sera pas maintenu en l’état et en lieu et place d’un net relèvement de la redevance pour pollutions diffuse, un nouveau dispositif semble se dessiner qui mettrait en place des permis d’utilisation des produits phytosanitaires.
Si l’objectif affiché est la réduction des pesticides, ce dispositif se base toujours sur cette approche maintes fois expérimentée et qui ne règle pas le problème : je pollue, je paie ; j’ai payé, je suis donc « en règle », je peux donc continuer à polluer, etc …
Nous aurons donc encore, cette bataille à mener contre les niches fiscales et les mécanismes fiscaux qui nuisent à l’environnement et à la biodiversité et qui empêchent le développement d’une agriculture soutenable, pourvoyeuse d’emplois, vecteur d’un aménagement durable de nos territoires.
Sur le deuxième enjeu, celui de nos marges de manœuvre concernant la loi d’avenir agricole. Là aussi, le contexte est difficile.
Nos propositions sont nombreuses notamment pour favoriser l’emploi, sécuriser l’accès au foncier et préserver les terres agricoles.
J’en cite quelques-unes :
– assurer une transparence des informations, notamment sur les mouvements de terrains par les sociétés, via des notifications auprès des SAFER.
– éviter le contournement des règles par les montages sociétaires
– relever le niveau et modifier l’affectation de la taxe sur le changement de destination des terrains devenus constructibles vers l’innovation en matière de foncier.
– protéger d’avantage les zones agricoles sensibles et sécuriser le fermage sur ces zones
– éviter le changement de destination des habitations à vocation agricole
– possibilité de mise à disposition d’un bail rural à une association.
– simplification de la procédure pour récupérer les terres incultes
– demande d’un avis conforme de la CDEAF dans tous les cas et pas seulement dans le cas des zones sous signe de qualité
– renforcement du droit de préemption des SAFER
Néanmoins, au-delà d’autres faiblesses, le principal manque de cette loi de programmation c’est qu’elle n’est tout simplement pas financée !
Je terminerai en ajoutant que s’il est difficile d’anticiper aujourd’hui sur les possibilités que nous aurons de faire progresser certaines de nos propositions, nous n’avons pas d’autre choix que de poursuivre ce travail de négociation avec nos partenaires. »