SANS TRANSITION – 30/05/2018
L’Assemblée nationale a refusé d’inscrire une date butoir pour l’interdiction de l’herbicide controversé, en première lecture de la loi Agriculture et Alimentation (ou loi « Travert »), le 28 mai dernier. Réaction de Joël Labbé, sénateur EELV du Morbihan et à l’origine de la loi dite « Labbé » qui réglemente l’usage des produits phytosanitaires.
Que vous inspire le rejet de la proposition d’amendement sur l’interdiction du glyphosate par l’Assemblée nationale ?
C’est une grosse déception, notamment parce que le président de la République s’était engagé à interdire la substance au plus tard dans trois ans. Le délai est suffisant. Il est temps d’en finir avec le glyphosate. C’est un herbicide total qui a d’importantes répercussions sur l’environnement et induit une perte de biodiversité. La question de l’impact sur la santé humaine est également en jeu. Lorsqu’on parle « d’incertitudes scientifiques », on doit pouvoir s’en remettre au principe de de précaution1.
Les détracteurs de l’interdiction du glyphosate avancent qu’il faudrait pouvoir compter sur des alternatives…
Il existe déjà des alternatives de qualité de plus en plus efficaces en terme de rendement, comme l’agriculture biologique. Mais il s’agirait de faire évoluer le modèle agricole, avec des aides publiques via la PAC. Or, le poids des lobbies de l’industrie agroalimentaire et des pesticides est prépondérant. Derrière la position du gouvernement, on trouve celle de la FNSEA. L’autre argument évoqué pour empêcher l’abandon du glyphosate est celui de la concurrence déloyale des pays voisins. Mais l’on pourrait interdire l’importation des produits provenant d’États européens utilisant la substance.
Pensez-vous que la sortie du glyphosate d’ici à 2021 est possible sans contrainte légale ?
Ça fait longtemps que les promesses ne suffisent plus, nous avons besoin d’une interdiction. Les méfaits du glyphosate sont tels qu’il y a urgence ! Cette situation dépasse les clivages politiques. C’est aussi une question internationale : la position de la France est attendue au niveau de l’Europe.
Fin juin, le projet de loi sera étudié au Sénat. Quel est votre objectif ?
Conserver les avancées votées par l’Assemblée Nationale, comme l’ouverture des chambres d’agriculture aux ONG environnementales et l’objectif de 20 % de bio dans les cantines. Puis, il faudra rouvrir le débat sur le glyphosate afin d’aller plus loin que l’Assemblée. Et donc l’interdire une bonne fois pour toute !
……………………….
1 Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a estimé le glyphosate « probablement cancérogène », ndlr.