20 minutes.fr – 22/12/2017
Bretons : Une des grandes réalisations de ce mandat, c’est la loi qui porte votre nom. Elle instaure l’interdiction de l’utilisation des produits phytosanitaires par les collectivités et l’État depuis le 1er janvier 2017, puis celle de la vente aux particuliers à partir du 1er janvier 2019. Pourquoi vous êtes-vous lancé dans ce combat ?
Joël Labbé : J’ai été maire de la commune de Saint-Nolff pendant dix-neuf ans. On avait été la première commune de Bretagne à s’engager dans une démarche d’Agenda 21.
Évidemment, j’étais déjà écologiste, même si je n’étais pas dans le parti. J’ai toujours essayé, depuis que je suis maire, de mettre en cohérence le “penser global pour agir local”. L’une des premières décisions de l’Agenda 21 a été de passer en “zéro phyto” sur l’ensemble de la commune, sur les espaces publics. J’avais dû un peu forcer la main des élus pour qu’on aille jusque-là. Ça avait marché, non sans certaines difficultés. J’avais expérimenté et tiré les leçons. Il se trouve que, lorsque je suis arrivé au Sénat, j’ai intégré une mission d’information sur les pesticides et leur impact sur l’environnement et sur la santé humaine. En sept mois de travail, on a rencontré tous les acteurs : les grosses entreprises comme Bayer, les agriculteurs qui en utilisent, ceux qui n’en utilisent pas, les agriculteurs qui en sont malades, les chercheurs, la communauté scientifique médicale… On a rencontré, par exemple, un chirurgien-pédiatre, à Lille. Il s’est spécialisé dans les malformations génitales chez les nourrissons, tellement il y a une augmentation des cas selon lui, directement liée à la proximité des pesticides. On a aussi vu une cancérologue qui nous a démontré que le cancer de la vessie connaît une recrudescence dans le Bordelais, on l’appelle le cancer du vigneron. Le professeur Sultan, un chercheur de Montpellier, nous a parlé de bombe à retardement. Il nous a invités vivement à organiser un plan de sortie des pesticides…
C’est donc l’avenir, que tout le monde passe en bio ?
Pour moi, oui. Le bio, ce n’est pas le retour aux années 60. Il faut travailler aussi sur l’amélioration des pratiques bio. Seulement, l’Inra, notre grand institut de recherche national, consacre 10 % de son budget pour le bio. L’Inra travaille en priorité vers l’agriculture conventionnelle.
Dans ce combat, Nicolas Hulot est un vrai allié ou sera-t-il très vite coincé ?
C’est un vrai allié. Moi, je ne suis pas En Marche du tout. Lucidement, j’espère que le gouvernement va réussir. Le choix qu’a fait Nicolas Hulot d’aller au gouvernement, je le salue. Et jusque-là, je trouve qu’il joue bien son rôle. Sur le glyphosate, il souhaite une sortie le plus vite possible. L’Europe voulait dix ans, le ministre de l’Agriculture, cinq à sept ans, et lui disait que trois ans, ça suffit. La position de la France a été négociée à quatre ans. C’est quatre ans pour arrêter. Là-dessus, heureusement que Nicolas Hulot est là.
> Retrouvez l’intégralité de cet entretien dans le magazine Bretons n°137 de décembre 2017.