Investissements publics de la transition écologique


PROPOSITION DE RÉSOLUTION
en application de l’article 34-1 de la Constitution, pour que les investissements publics de la transition écologique et énergétique soient exclus du déficit budgétaire

Enregistrée à la Présidence du Sénat le 10 septembre 2019


Présentée par

MM. Jean-François LONGEOT, Vincent DELAHAYE, Mme Valérie LÉTARD, MM. Jean-Marc GABOUTY, Jérôme BIGNON, Ronan DANTEC, Guillaume GONTARD, Joël LABBÉ, Mmes Catherine MORIN-DESAILLY, Françoise GATEL, MM. Joël GUERRIAU, Éric GOLD, Mme Esther BENBASSA, M. Pierre MÉDEVIELLE, Mmes Sophie JOISSAINS, Anne-Marie BERTRAND, M. Michel CANEVET, Mme Annick BILLON, MM. Philippe ADNOT, François BONHOMME, Alain MARC, Jean-Marie JANSSENS, Alain HOUPERT, Claude KERN, Mme Élisabeth DOINEAU, MM. Daniel CHASSEING, Michel VASPART, Mmes Françoise RAMOND, Martine BERTHET, MM. Jean-Marie VANLERENBERGHE, Yves BOULOUX, Mme Évelyne PERROT, MM. Marc LAMÉNIE, Jean-Pierre MOGA, Jacques LE NAY, Mme Michèle VULLIEN, MM. Olivier HENNO, Pierre LOUAULT, Raymond VALL, Mmes Frédérique ESPAGNAC, Nathalie DELATTRE, Mireille JOUVE, M. Michel SAVIN, Mme Sonia de la PROVÔTÉ, MM. Jean-Pierre CORBISEZ et Olivier LÉONHARDT, sénateurs.

Exposé des motifs

Mesdames, Messieurs,
En France et partout dans le monde, le mois de juillet 2019 aura officiellement été – selon les données du service européen Copernicus sur le changement climatique – le mois le plus chaud jamais mesuré. En août de la même année, l’Amazonie comme l’Afrique subsaharienne ont fait face à des feux de grande ampleur qui représentent tant une perte inestimable de biodiversité qu’une émission supplémentaire de gaz à effet de serre, estimée entre 25 à 35 % des émissions annuelles totales selon l’Agence spatiale européenne.
Ces phénomènes climatiques récents ne feront que s’accentuer, aggravés par le réchauffement climatique mondial que la Conférence de Paris de 2015 sur les changements climatiques souhaite « limiter » entre 1,5 °C et 2 °C d’ici 2100.
Au regard de cette véritable urgence climatique, la nécessaire transition écologique et énergétique passera aussi bien par une évolution de nos modèles de production que de consommation. Mais cette évolution majeure nécessite d’accroître l’investissement public et privé dédié, à l’heure où les investissements publics nets sont négatifs en Europe et que l’épargne privée s’accumule, faute de catalyseurs. En France comme en Europe, les investissements nécessaires sont ainsi estimés entre 2,5 et 4 % du PIB, soit un montant entre 55 et 85 milliards d’euros en France quand les investissements s’élevaient à 31 milliards d’euros en 2017, ménages, entreprises et acteurs publics confondus. De tels investissements pourraient être co-financés par les pouvoirs publics, afin de remédier aux défaillances du marché ou à des situations d’investissement non optimales, d’attirer les investisseurs privés au lieu de se substituer à eux, et éviter ainsi de favoriser des effets d’aubaine tout en bénéficiant d’un effet de levier.
Un tel investissement est aujourd’hui impossible au regard de nos règles de comptabilité nationale qui considèrent le déficit public comme un besoin net de financement et ne distinguent pas, contrairement aux entreprises, les dépenses de fonctionnement des dépenses d’investissement. Ces dernières devraient pouvoir être amorties sur plusieurs années. La comptabilité nationale, en ne prenant pas en compte l’amortissement des investissements mais en assimilant le montant des investissements pour une année donnée en un besoin de financement, conduit donc à un sous-investissement chronique.
La présente résolution propose ainsi d’exclure du calcul du déficit les fonds publics affectés aux investissements de transition écologique et énergétique.
Au niveau national, cela reviendrait à demander à l’Insee de corriger le calcul du déficit en excluant le montant net des investissements dédiés à la transition écologique et énergétique et en y incluant les charges d’intérêt et la dépréciation du capital.
Au niveau européen, cela reviendrait à utiliser les mécanismes de flexibilité existants. Tout d’abord, la prise en compte de l’investissement public de transition relève des objectifs politiques de l’Union européenne (UE) en matière d’environnement exprimés à l’article 3 du traité sur l’Union européenne. Par la suite, un assouplissement de la clause d’investissement permettant une déviation temporaire de l’objectif de moyen terme en raison d’investissements spécifiques ayant des effets budgétaires de long terme positifs pourrait être envisagé. Enfin, consciente d’un sous-investissement durable en Europe malgré des liquidités suffisantes, la Commission européenne a fait de la relance de l’investissement sa principale priorité avec la mise en place du Plan Juncker, dispositif exceptionnel supposé restaurer la confiance des investisseurs en Europe et permettre le financement de projets d’envergure. Les États membres avaient à ce titre la possibilité de contribuer audit Plan via le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS), leurs contributions étant susceptibles de relever des dérogations du Pacte de stabilité et de croissance.
La présente proposition de résolution pourrait ainsi s’envisager dans le cadre de tels dispositifs de flexibilité adoptés lors des contributions au Plan Juncker et conduisant à ne pas tenir compte des investissements dans l’évaluation de l’objectif budgétaire de moyen terme d’un État. La présente résolution représenterait également un outil national efficace dans le cadre du futur Green Deal européen que souhaite la Commission européenne présidée par Ursula VON DER LEYEN.
Cette proposition de résolution propose enfin une solution alternative aux augmentations de fiscalité liée au carbone et à l’énergie et à l’origine du mouvement des gilets jaunes, les recettes fiscales supplémentaires n’ayant pas été orientées vers le financement de la transition écologique mais vers des allégements de la fiscalité pesant sur d’autres produits, travaux ou revenus.


Proposition de résolution pour que les investissements publics de la transition écologique et énergétique soient exclus du déficit budgétaire

Le Sénat,

Vu l’article 34-1 de la Constitution,

Vu le règlement (UE) n° 549/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans l’Union européenne,

Vu le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques et le règlement (CE) n° 1467/97 du Conseil du 7 juillet 1997 visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs,

Vu la communication du 13 janvier 2015 de la Commission au Parlement européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen, au Comité des régions et à la Banque européenne d’investissement « Utiliser au mieux la flexibilité offerte par les règles existantes du Pacte de stabilité et de croissance », COM(2015) 12 final,

Vu le traité sur l’Union européenne et son article 3 disposant que l’Union européenne « œuvre pour le développement durable de l’Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et […] une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend [à] un niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement »,

Vu la Fiche d’information n° 2 de la Banque européenne d’investissement et de la Commission européenne : « D’où provient l’argent ? »,

Considérant la définition du déficit public au sein des traités européens comme « le besoin net de financement, tel que défini dans le système européen de comptes économiques intégrés », traduisant un besoin de financement ne permettant pas d’opérer une distinction entre dépenses en capital et dépenses de fonctionnement ;

Considérant la nécessité d’accroître l’investissement public et privé dédié à la transition écologique et énergétique ;

Considérant que le développement durable, la protection et l’amélioration de la qualité de l’environnement sont des priorités de l’Union européenne ;

Considérant la clause d’investissement permettant aux États membres de l’Union européenne de déroger ponctuellement et dans un cadre limité aux règles budgétaires encadrant le volet préventif du Pacte de stabilité et de croissance ainsi que les dérogations audit pacte prévues pour les contributions nationales au Plan Juncker ;

Invite le Gouvernement à envisager une modification des règles de calcul du déficit budgétaire, notamment en isolant le montant net des investissements publics en faveur de la transition écologique du calcul du déficit budgétaire et en y incluant les charges d’intérêt et la dépréciation du capital.

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