15e législature / Question d’actualité au gouvernement
> Publiée le 10/07/2019
M. Joël Labbé. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Il y a quelques semaines, monsieur le ministre, je vous interrogeais sur l’interdiction des serres chauffées en agriculture biologique. Votre réponse m’avait alors paru ambiguë, et je vous l’avais fait savoir.
Depuis, la Fédération des agriculteurs bio, les citoyens et les ONG se sont emparés de cette question avec force, notamment via une pétition, qui a recueilli à ce jour plus de 80 000 signatures. Des distributeurs, et non des moindres, se sont engagés à ne pas vendre de produits bio récoltés sous serres chauffées. Ce matin, le journal Le Monde publiait une tribune, signée par une centaine de parlementaires, vous appelant à prendre position en faveur de l’interdiction de la production bio à contre-saison.
Cette mobilisation et sa forte médiatisation sont la preuve de l’attachement des acteurs de la filière bio et des consommateurs-citoyens au cahier des charges AB, garantie de qualité et de respect de l’environnement.
Monsieur le ministre, à la veille de la réunion du Comité national de l’agriculture biologique, pouvez-vous nous dire si, comme le laissent penser vos dernières interventions dans les médias, vous soutiendrez une interdiction claire des serres chauffées en agriculture biologique ? (Applaudissements sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Martial Bourquin applaudit également.)
Réponse du Ministère de l’agriculture et de l’alimentation
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Joël Labbé, l’usage des serres chauffées est un sujet d’actualité, puisque le Comité national de l’agriculture biologique va se réunir jeudi pour prendre une décision sur cette question. Pour ma part, j’ai trop de respect pour la société civile et pour les organisations associatives pour ne pas leur laisser prendre leurs responsabilités. De plus, comme le veulent les textes, ce n’est pas au Gouvernement de dire aux associations ce qu’elles doivent faire.
Aujourd’hui, le débat est non pas de savoir si on doit ou non chauffer les serres, mais si on su
rtranspose ou non des directives européennes. Le Gouvernement n’est pas favorable à la surtransposition de directives européennes. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.) Je le dis très clairement.
Il est clair également qu’il n’est pas question que, en France, des légumes ou des fruits bio sortent de serres chauffées en janvier ou en février. Ce serait scandaleux. Il faut travailler sur la saisonnalité. L’éducation à la saisonnalité et au goût est absolument indispensable. (Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.) Tel est le cadre que souhaite fixer le Gouvernement ; c’est dans ce cadre que les acteurs de la culture biologique devront se prononcer. C’est à eux de le faire, c’est très important.
J’ajoute cependant que, lorsqu’il gèle en avril ou en mai, ou lorsque de fortes pluies créent des problèmes, nous sommes bien contents d’avoir des serres chauffées. La question n’est donc pas d’être pour ou contre le chauffage des serres – même la Fédération nationale d’agriculture biologique n’y est pas opposée –, elle est de savoir dans quel cadre nous fixons les règles. C’est la ligne que j’ai fixée au Comité national de l’agriculture biologique, qui devra prendre une décision jeudi.
Nous ne sommes pas opposés au chauffage des serres. Nous sommes contre la surtransposition et la contre-saisonnalité des fruits et légumes. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour la réplique.
M. Joël Labbé. Certes, monsieur le ministre, c’est aux acteurs de prendre leurs responsabilités, mais la voix du Gouvernement, vous le savez bien, a une importance forte.
Le cahier des charges de l’agriculture bio, élément de notre patrimoine national, est exigeant et cohérent. Il est important d’en préserver la qualité.
Le bio – c’est son essence – doit être local. Il doit respecter la saisonnalité et le lien au sol. Ouvrir la voie à l’industrialisation de ce label est un non-sens, à la fois sur le plan environnemental, à l’heure de l’urgence écologique et climatique, et sur le plan économique, puisque c’est toute la filière bio qui risque d’être déstabilisée, décrédibilisée, banalisée.
Aujourd’hui, votre réponse ne me satisfait toujours pas. J’espère vivement qu’elle deviendra plus claire.