PUBLIC SÉNAT – Par Julie Torterolo et Héloïse Grégoire – 03/05/2016
Alors que les députés ont voté l’interdiction des insecticides néonicotinoïdes le 17 mars dernier, c’est au tour des sénateurs de se pencher sur cet enjeu écologique. L’occasion pour les ONG et acteurs du monde agricole d’expliquer les alternatives non chimiques, moins dangereuses pour la santé et l’agriculture.
Pesticides tueurs d’abeilles. Un surnom véridique qu’a très vite pris les insecticides néonicotinoïdes, généralisés en France depuis 1994. Famille d’insecticides agissant sur le système nerveux central des insectes, les néonicotinoïdes ont fait l’objet de multiples alertes de la part des apiculteurs et des scientifiques sur sa dangerosité.
Un constat qui pousse le gouvernement à réagir dès 2014 avec le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité. Lors des deux passages du texte à l’Assemblée nationale – dont le 17 mars dernier -, les députés votent pour l’interdiction générale de ces pesticides, avec une prise d’effet dans deux ans. « L’utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes, y compris les semences traitées avec ces produits, est interdite à partir du 1er septembre 2018 », peut-on lire dans la version actuellement sur le bureau du Sénat.
Le Sénat dit oui à l’interdiction des pesticides
L’interdiction semble déjà actée dans l’opinion publique et pourtant tout n’est pas encore joué pour les néonicotoïdes. Le texte biodiversité refait son arrivée au Sénat dès aujourd’hui en Commission du développement durable et à partir du 10 mai en séance.
« Pour la première fois, les sénateurs, majoritairement à droite, sont prêts à voter une interdiction », s’enthousiasme Joël Labbé sénateur écologiste du Morbihan. Cependant, un amendement déposé en Commission par le rapporteur du texte, Jerôme Bignon, prévoit de repousser la prise d’effet de l’interdiction en 2022.
« 2022 c’est tard mais c’est la première fois que la majorité sénatoriale propose une interdiction formelle des néonicotoïdes, c’est déjà une avancée », insiste le sénateur qui se dit confiant sur la mesure. Il l’assure : « On [ les sénateurs écologistes] reviendra à la charge en séance et en plaidant l’interdiction dès 2018 qui laisse le temps à l’économie de se réorganiser par rapport à cela ».
Les ONG et acteurs du monde agricole présentent les alternatives
Au-delà de la prise d’effet, les ONG et certains acteurs du monde agricole défendent ardemment l’interdiction de ce pesticide. A quelques jours de l’examen de la loi, ils sont venus prouver que « oui, les alternatives non chimiques existent pour l’agriculture ».
Réunies pour une conférence de presse ce mardi au Sénat, la Fondation Nicolas Hulot, l’association générations futures, la Confédération paysanne et l’Union Nationale des Apiculteurs de France ont avant tout alerté sur la menace que représentent les néonicotinoïdes : « On ne peut plus ignorer la dangerosité de ces produits approuvée par un consensus scientifique ».
François Veillerette, président de générations futures, expose des risques cancérologiques, neurologiques, endocriniens et l’étendue de l’exposition à l’homme de ces produits. « 45% des courgettes contiennent des traces de néonicotinoïdes », illustre-t-il. De son côté, Gilles Lanio, apiculteur, dresse un constant édifiant : depuis l’arrivée de ce produit la perte des colonies d’abeilles, pollinisateurs essentiels pour l’agriculture, s’intensifie. A titre d’exemple, chaque année 30% des colonies périssent, contre 5% avant l’arrivée des néonicotinoïdes.
Des produits non chimiques peuvent-ils être efficaces pour les grandes cultures ? Il ne fait aucun doute pour les associations et agriculteurs présents. Pour les pommes de terre par exemple, « contre les taupins plusieurs possibilités selon les conditions et les niveaux de risques sont envisageables », écrit l’association. Sont énumérés : le déchaumage, les purins de plantes, certaines variétés de moutardes utilisées en engrais verts, les tourteaux de crin. Des solutions déclinées par type de culture.
La fondation Nicolas Hulot appelle les sénateurs « à prendre leurs responsabilités »
Pour Amandine Lebreton, coordinatrice Agriculture-alimentation à la Fondation Nicolas Hulot, l’interdiction desdits pesticides « est un marqueur fort » de la loi biodiversité.
Réaffirmant le soutien du gouvernement et plus particulièrement de Ségolène Royale, ministre de l’Ecologie, Amandine Lebreton insiste : « On attend que les sénateurs comme les députés prennent leur responsabilité face à l’usage de ces pesticides qui sont désastreux pour la santé et l’environnement ».
Le sort des néonicotinoïdes par les sénateurs sera tranché le 10 et 11 mai prochains.