Gens du voyage


PROPOSITION DE LOI visant à abroger la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe
Enregistrée à la Présidence du Sénat le 12 juin 2012


Présentée par Esther BENBASSA, Leila AÏCHI, Aline ARCHIMBAUD, Marie-Christine BLANDIN, Corinne BOUCHOUX, Ronan DANTEC, Jean DESESSARD, André GATTOLIN, Joël LABBÉ, Jean-Vincent PLACÉ, Kalliopi ANGO ELA et Hélène LIPIETZ

La loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile, ni résidence fixe est source de stigmatisation et de discrimination pour certains de nos compatriotes.
Ce texte, conséquence d’une longue histoire remontant au XIXème siècle, vise désormais uniquement les« Gens du voyage », majoritairement de nationalité française. En effet, en dépit du début de l’intitulé de cette loi, l’exercice des activités ambulantes a été transféré par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 vers le code de commerce et relève à présent du droit commun.
La terminologie générique « Gens du voyage » renvoie en fait à une population hétérogène qui réside habituellement en abri mobile terrestre. Il ne s’agit que d’une dénomination administrative qui n’a plus lieu d’être.
Au-delà, cette loi comporte des mesures discriminatoires, en particulier en raison de l’habitat des personnes ou de leur mode de vie, qu’il convient d’abroger dans les plus brefs délais. Obligation d’attendre trois années avant de pouvoir s’inscrire sur les listes électorales au lieu de six mois dans les conditions du droit commun, obligation de détenir un titre de circulation et de le faire viser régulièrement1(*) par les autorités administratives, sous peine d’une amende, voire d’une peine d’emprisonnement. Ce sont autant de restrictions aux libertés civiques et individuelles qu’il convient de supprimer.

L’obsolescence de cette loi ne fait aucun doute.

Elle fut ainsi dénoncée, à plusieurs reprises, par la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’égalité (HALDE). Dans ses délibérations n° 2007-372 du 17 décembre 2007 et n° 2009-143 du 6 avril 2009, la HALDE a vivement critiqué le dispositif des titres de circulation, contraire à l’article 12 de la Déclaration universelle des droits de l’homme relatif à la liberté de circulation des personnes, et l’article 14 de la CEDH2(*) qui interdit toute discrimination dans la jouissance du droit de chacun à circuler librement prévu par l’article 2 de son protocole n° 4. Faute de réponses satisfaisantes à ses délibérations adressées au Gouvernement, la HALDE a d’ailleurs fait publier un rapport spécial3(*) en octobre 2009. Le Défenseur des droits a également souligné, dans une de ses premières décisions,« l’entrave directe et excessive » de l’accès au droit de vote des « Gens du voyage » et cette« discrimination directe » à leur encontre« dans l’accès à l’un des droits les plus élémentaires du citoyen, le droit de vote, fondement essentiel d’une société démocratique. »4(*) À ce sujet, le Comité européen des Droits sociaux du Conseil de l’Europe a condamné la France à deux reprises, le 5 décembre 2007 et le 19 octobre 2009, concluant que la loi française violait les dispositions de la Charte sociale européenne.

Le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination raciale a également recommandé à la France de remédier à plusieurs conséquences« liées au statut juridique particulier des Gens du voyage français ».

La Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme a d’ailleurs émis, le 22 mars 2012, un « avis sur le respect des droits des « Gens du voyage » et des Rroms migrants au regard des réponses récentes de la France aux instances internationales », concluant que la « discrimination en raison de l’origine, de l’habitat ou du mode de vie, limite l’accès aux droits de ces personnes, qui sont marginalisées et considérées comme des citoyens de seconde zone… ».Elle estime, de plus, que les ébauches de réponse qui avaient été apportées par notre État aux diverses instances internationales n’étaient ni suffisantes, ni abouties.
Fortement décriée par les associations, la loi n°69-3 du 3 janvier 1969 fut aussi remise en cause par des parlementaires de tous bords politiques.5(*)
Aussi cette proposition de loi vise à faire disparaître la catégorie administrative « Gens du voyage » afin que le droit commun puisse être appliqué aux voyageurs.
L’article 1er de la proposition de loi abroge la loi n°69-3 du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile, ni résidence fixe. Sont notamment supprimées les obligations de visas à intervalles réguliers des titres de circulation, ainsi que les restrictions au droit de vote.

Les articles 2, 3, 4, 5 et 6 tirent les conséquences de l’abrogation de cette loi.

L’article 2 modifie le code de l’action sociale et des familles. Il instaure une obligation d’élection de domicile pour les personnes sans domicile fixe, afin de leur permettre de bénéficier d’un statut semblable à celui des personnes ayant un domicile. Par ailleurs, il instaure l’existence d’au moins un organisme d’accueil agréé par département, pour leur permettre d’élire domicile sur l’ensemble du territoire.

Enfin, il prévoit une disposition de transition pour éviter que les intéressés ne puissent plus exercer leurs droits et devoirs pendant le délai des démarches d’élection de domicile, en raison de la suppression de la commune de rattachement.

Les articles 3, 4 et 5 déclinent les effets de la domiciliation des personnes sans domicile stable :
– pour les actes et la célébration du mariage, par une modification du code civil (article 3) ;
– pour les obligations fiscales, par le biais d’une modification du code général des impôts et du livre des procédures fiscales (article 4) ;
– pour l’obligation du service national, par une modification du code du service national (article 5)

L’article 6 est un article de cohérence afin de supprimer dans les textes législatifs la mention de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969, relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile, ni résidence fixe.

Les I et II prennent acte de l’obsolescence des livrets de suivi scolaire des enfants de voyageurs, qui ne sont plus distribués par les caisses d’allocations familiales. Les prestations sociales seront par conséquent versées dans les conditions du droit commun.

Le III découle de la suppression des livrets spéciaux de circulation et des livrets de circulation. Ces derniers servent aux voyageurs, dans la législation en vigueur, de pièces justificatives pour obtenir la carte de commerçant ambulant, à la place de la carte nationale d’identité que généralement peu d’entre eux possèdent. Le délai ainsi prévu, jusqu’au 1er janvier 2014, doit leur permettre, le cas échéant, de faire les démarches nécessaires pour obtenir une carte d’identité, document désormais indispensable à l’obtention de la carte de commerçant ambulant.

Les IV, V et VI sont des mesures de coordination.

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