Ouest-France

Football. Les stades français à la conquête des pelouses sans pesticides

OUEST-FRANCE – 12/09/2021 – Par Christelle GUIBERT

En juillet 2022, tous les terrains de sport municipaux devront se passer de produits phytosanitaires, selon les termes de la Loi Labbé. Et dès 2024, des engrais azotés. Le football français n’est pas en retard sur ce dossier environnemental. Les grands clubs privés restent à la traîne. Petite revue des gazons les plus verts…

Prolongation s’intéresse à une question d’actualité : le réchauffement climatique. Et comment le football s’adapte (ou pas) à la transition écologique. Deuxième épisode de notre série sur le football et l’écologie, dans lequel il est question des pelouses.

À partir du 1er juillet 2022, le recours aux produits phytosanitaires sera interdit sur les pelouses des stades municipaux et autres surfaces sportives enherbées, comme les greens de golf. La quête du gazon propre a déjà commencé dans de nombreuses communes. Les belles pelouses, vertes jusqu’au bout des brins pour la télé, au détriment de la santé des sportifs, c’est bientôt terminé​, promet Joël Labbé, le sénateur Vert du Morbihan, à l’origine de la loi qui porte son nom, déjà en vigueur dans les espaces verts des collectivités.

 

Une dérogation pour les clubs pros

Mais la version de 2014 de la Loi Labbé excluait les stades municipaux et les cimetières. Ceux-ci ont été inclus par un arrêté interministériel, le 21 janvier. Il y aura des exceptions, en cas d’attaque de champignons impossible à enrayer avec des alternatives naturelles, par exemple. Le texte comprend aussi un délai accordé aux plus mauvaises élèves du sport français : les riches clubs de football privés. Les grands stades comme celui du PSG ou de l’OM disposent de trois années supplémentaires pour sortir des pesticides, soit en 2025.

C’est ce délai qui plaît à Thomas Seillé, coordinateur RSO de la Fédération française de football. Nous avons longuement discuté avec le sénateur Labbé sur la nécessité de trouver des alternatives. Son approche a été appréciée​, explique celui qui veille sur la responsabilité sociale et écologique des 300 salariés de la FFF et, indirectement sur celle de deux millions de licenciés du foot français.

Une gestion raisonnée par Sarfel à Clairefontaine

Selon Thomas Seillé, la France n’est pas en avance sur ses camarades de jeu européens, mais pas en retard non plus. La FFF, qui gère le stade d’entraînement de Clairefontaine, niché au cœur du Parc naturel régional de la Haute vallée de Chevreuse, a déjà adopté une gestion plus que raisonnée des produits phytosanitaires. Nous utilisons un fongicide de façon très localisée, uniquement lorsqu’un champignon apparaît.

Le service est assuré par Sarfel, une société connue des Bretons, puisqu’elle est basée à Ploudaniel, dans le Finistère, et qu’elle soigne aussi les pelouses des stades brestois et guingampais​, se félicite Arnaud Toudic, patron des Kalon, les supporters d’En Avant de Guingamp, et nouvel élu régional, avec la liste écologique de Daniel Cueff. L’élu guingampais était l’un des invités de l’Autre Football, festival dédié au foot et à sa culture, à Rennes ce week-end du 11-12 septembre

Des Diables rouges sur une pelouse verte

Dans l’Union européenne, si l’on exclut les clubs anglais les plus en pointe de l’écologie comme le Forest Green Rovers ou le Lewes FC, pour cause de Brexit, les stades les plus verts sont ceux du Betis, en Espagne, et le tout nouveau Proximus Basecamp​, le centre national de la Fédération belge, basé à Tubize, dans la région wallonne.

Les Diables rouges et les Red Flames (l’équipe féminine) disposent d’un espace hypergreen​. À Tubize, notre empreinte écologique sera minime. Notre projet prévoit la construction d’une éolienne, de panneaux solaires, d’un bassin d’orage pour la collecte et la réutilisation de l’eau ainsi que des bornes de recharge pour les véhicules électriques​, énumérait cet été Peter Bossaert, le patron de l’Union Royale Belge des Sociétés de Football-Association, lors d’une nouvelle phase de travaux, inaugurée par la Première ministre belge Sophie Wilmès. Le caractère écologique du Proximus Basecamp nous permettra une réduction importante des frais d’entretien​, espérait-il.

 

L’Occitanie et le guide Zéro Phyto

En France, ce sont sans doute les stades de la région Occitanie les plus en pointe sur les solutions naturelles. Les clubs professionnels ou amateurs bénéficient d’un élan entrepris par Fredon, un organisme dédié à la santé des végétaux et à la protection de l’environnement, qui a fourni un guide Zéro Phyto ​à toutes les communes. Grâce, aussi, à un réseau territorial du sport et des infrastructures, tricoté très serré et qui inclut aussi l’ANDIISS (Association nationale des directeurs de sports).

Ainsi, la ville de Muret, au sud de Toulouse, a investi dans du matériel performant et du personnel qualifié, ce qui permet aux 25 communes de l’agglomération de mutualiser les coûts, qui deviennent inférieurs à ceux pratiqués par les entreprises privées​, assure Marco Sentein, de l’ANDIISS, dans le premier bilan de Fredon Occitanie.

Dans cette région du sud, plus largement dévolue au rugby, de nombreuses communes ont chassé les produits phytosanitaires des terrains de sport depuis longtemps. À Auch, la capitale de la Gascogne, le « Zéro phyto » ​est la règle dans les espaces verts, depuis le début des années 2000. En 2016, tous les terrains de sport ont adopté le biocontrôle, le remplacement de la chimie par des mécanismes naturels comme l’introduction d’insectes mangeurs de larves indésirées.

 

À l’Ouest, la pelouse est verte

Dans l’Ouest, la Bretagne n’est pas en reste. Il existe aussi Cela fait une décennie que la ville de Rennes se passe de produits phytosanitaires pour ses terrains de sport municipaux. Lannion, dans les Côtes-d’Armor, a organisé une première rencontre technique Gestion des terrains de sport engazonnés sans produits phytosanitaires ​en 2018. La ville, qui bichonne la biodiversité de ses sols depuis 2010, a déjà reçu le trophée zéro phyto​, décerné par le conseil régional de Bretagne et le label « Terre Saine » ​du Ministère de la transition écologique et solidaire.

Le SAGE, qui gère la qualité des eaux de la Baie de Lannion et du Comité des bassins-versants de la Lieue de Grève, apprécie. Le secteur se bat depuis des années avec des marées d’algues vertes sur les côtes, majoritairement liées aux intrants agricoles.

 

La fin des engrais azotés dès 2024

Sur ce plan des engrais azotés aussi, cela progresse. Notre amendement a été retenu dans la loi Climat​, rappelle le sénateur Joël Labbé. Ainsi, comme les pesticides, les engrais azotés seront interdits dans les espaces verts publics au plus tard en 2024, et en 2027 dans les propriétés privées​. La proposition a été âprement combattue par le lobby du gazon. Cette mesure en faveur de l’environnement a été prise sans aucune étude ou enquête d’impact technique ou économique, s’est insurgé Jean-Marc Lecourt, président de la Société Française des Gazons. ​Elle est totalement dogmatique. ​Mais néanmoins définitivement adoptée par le Parlement mi-juillet.

Mais là encore, il y aura des dérogations pour les cas où les alternatives n’aboutissent pas​, rassure le sénateur écologiste. Il y aura sans doute de bonnes pistes à Rennes, le 6 octobre, qui accueillera un nouveau colloque sur un entretien plus écologique des terrains de sport. On ne sait pas si le Stade Rennais viendra y prendre des conseils pour son futur agrandissement. Mais si la grande majorité des 15 000 terrains de sport du territoire français parviennent au zéro phyto, les clubs de Ligue 1 et 2 doivent pouvoir l’envisager​, assurait déjà en 2019, l’Occitan Marco Sentein.

Retrouvez tous les épisodes de la série « football et écologie » de Prolongation ci-dessous.

Épisode 1 : ENTRETIEN. Football : « Sur l’aspect écologique, les choses avancent, mais lentement »

Épisode 2 : L’usage des pesticides sur les pelouses de football (à paraître le 12 septembre)

Épisode 3 : L’exemple d’Amiens sur l’écosupporterisme (à paraître le 13 septembre)

Épisode 4 : Mais pourquoi les clubs de football s’entêtent-ils à prendre l’avion ? (à paraître le 14 septembre)

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