14 e législature / Question d’actualité au gouvernement n° 0160G
> publiée dans le JO Sénat du 24/05/2013
M. Joël Labbé. Ma question, qui s’adresse à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, concerne la filière de production porcine. À l’instar de bien d’autres secteurs, hélas, cette filière traverse une crise ayant de lourdes incidences, sur les plans tant sociaux qu’économiques et environnementaux, et pas seulement en Bretagne, même si cette région assure 60 % de la production porcine française. Par ailleurs, en dix ans, le nombre d’exploitations porcines a diminué de 23 %, passant de 7 000 à 5 699.
Monsieur le ministre, dans ce contexte particulièrement délicat, vous avez pris la situation à bras-le-corps. Nous tenons à vous en remercier et à saluer le fait que vous nous informiez et que vous nous associiez à vos décisions autant que faire se peut. Vous avez annoncé et présenté un plan d’avenir pour la filière porcine. L’objectif est de retrouver le niveau de production de 2010, à savoir 25 millions de têtes, contre 23 millions aujourd’hui. Même si cette diminution est à relativiser, dans la mesure où le poids des animaux à l’abattage a augmenté, il est nécessaire d’agir. Dans cette perspective, le plan d’avenir pour la filière porcine vise à consolider les secteurs de l’abattage, de la découpe et de la transformation, en améliorant la valeur ajoutée, à mieux encadrer les relations commerciales au sein des filières agricoles et agroalimentaires et à mieux vendre en promouvant l’origine française des viandes, car le marché national est véritablement à reconquérir. En termes de production, il est nécessaire de moderniser les outils, en facilitant l’installation et la rénovation des bâtiments.
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous proposez d’alléger les procédures administratives. Cette question fait débat, mais, s’agissant de l’assouplissement des normes, n’oublions pas que nous encourons des sanctions européennes pour non-respect de la directive « nitrates » !
Enfin, si la méthanisation peut être une réponse, elle ne doit pas être le prétexte à une nouvelle vague de concentration de la production. J’en viens à ma question. (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Joël Labbé. Envisagez-vous, monsieur le ministre, un retour au contrôle des structures, afin notamment d’éviter la course à la concentration, qui aboutit à l’élimination d’un certain nombre d’exploitations encore viables ?
M. le président. Il vous reste trois secondes pour conclure !
M. Joël Labbé. En ce qui concerne la méthanisation, quid de l’utilisation des terres agricoles pour alimenter en maïs les digesteurs ? Pour ma part, je suis convaincu qu’il faut réserver les terres agricoles à la production alimentaire. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe CRC et sur quelques travées du groupe socialiste.)
Réponse du Ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt
M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le sénateur, il est exact que la filière porcine française connaît aujourd’hui une situation extrêmement difficile, dont la spécificité, par rapport à celle du secteur de l’élevage en général, tient à une baisse de la production, liée à la concurrence et au renchérissement du coût de l’alimentation.
Cette situation a des incidences sur l’outil de transformation et des conséquences sociales majeures, en particulier en Bretagne. Ce matin, une rencontre a été organisée au ministère avec les représentants des salariés du groupe Gad. Face à ces difficultés, il faut mettre en place plusieurs stratégies. La première consiste à essayer de réunir autour d’une table les acteurs de la filière, où le dialogue n’est pas à la hauteur de ce qu’il devrait être, pour discuter d’une revalorisation du prix de la viande porcine française. L’idée est de tenter de mettre en place, d’ici au mois de juillet, un cadre commun, assorti d’un cahier des charges, à l’ensemble des viandes produites en France. Les consommateurs doivent savoir que l’étiquetage « Viande de France » représente une garantie en termes de conditions sanitaires et sociales de production, de localisation de la production et d’alimentation. Cela permettra de mieux valoriser les viandes produites dans notre pays.
Parler de la production porcine, c’est aussi évoquer le débat conflictuel, très ancien en Bretagne, sur l’excès d’azote dans l’eau, qui se manifeste notamment par la prolifération des « algues vertes ».
Comment résoudre ce problème ? Trouve-t-il son origine dans la densité de la production porcine ? En partie, mais pas totalement. Nous devons adopter une nouvelle démarche pour aborder cette question.
La première étape consiste à poser la question de la valorisation de l’azote organique, sachant que, même en Bretagne, on achète et on épand de l’azote minéral. Il convient donc de raisonner en termes d’azote total : là où il existe un excédent d’azote organique, il n’est nul besoin de recourir à l’azote minéral.
M. le président. Monsieur le ministre, veuillez conclure.
M. Stéphane Le Foll, ministre. La deuxième étape consiste à promouvoir la méthanisation, sans aller vers une croissance ou une concentration des élevages, mais en ouvrant la possibilité à des exploitations de s’engager ensemble dans cette autre voie de valorisation de la matière organique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et du RDSE.)