Désenclavement des territoires


PROPOSITION DE LOI
visant à faciliter le désenclavement des territoires
Enregistrée à la Présidence du Sénat le 21 décembre 2018


Présentée par

MM. Jacques MÉZARD, Jean-Claude REQUIER, Yvon COLLIN, Guillaume ARNELL, Stéphane ARTANO, Alain BERTRAND, Mme Maryse CARRÈRE, MM. Joseph CASTELLI, Jean-Pierre CORBISEZ, Mme Nathalie DELATTRE, MM. Jean-Marc GABOUTY, Éric GOLD, Jean-Noël GUÉRINI, Mmes Véronique GUILLOTIN, Mireille JOUVE, M. Joël LABBÉ, Mme Françoise LABORDE, MM. Olivier LÉONHARDT, Franck MENONVILLE, Jean-Yves ROUX et Raymond VALL, sénateurs.

 

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

République une et indivisible, la France n’en est pas moins constituée d’un ensemble de territoires aux spécificités fortes et aux problématiques variées. Comme l’écrivait l’historien Fernand BRAUDEL dans l’identité de la France « la France se nomme diversité ». Dans cette perspective, la cohésion des territoires, indispensable corollaire de l’équité entre citoyens, devrait être l’une des priorités de l’action publique, ce qui implique par définition de tenir compte de réalités économiques, géographiques et sociologiques différentes.

Force est de constater que malgré les travaux conduits par de multiples géographes, économistes et historiens, cette réalité est rarement prise en compte au moment de l’édification des normes, en particulier des normes réglementaires, caractérisées par une centralité décisionnelle très forte. Dans de nombreux territoires, l’approche uniquement descendante de la politique d’aménagement du territoire a produit un enclavement croissant, marqué par la détérioration des modalités et voies d’accès, la dégradation voire la suppression des services publics de proximité.

Lorsqu’elle n’accélère pas le déclin démographique, qui alimente lui-même par une spirale absurde la disparition des services subsistants dans les départements ruraux, cette approche descendante et centralisée aggrave les fractures sociales et territoriales, comme l’éprouvent tout autant quotidiennement les habitants des banlieues des grandes métropoles. L’accumulation de ces reculs conduit nos concitoyens vivant dans ces territoires au sentiment de n’être que des citoyens de seconde zone, de relégation, oubliés du pouvoir central.

La nécessité de changer d’approche fait désormais consensus. Le projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace prévoit d’explorer plus systématiquement la piste de la différenciation normative. Comme le présente l’exposé des motifs, c’est spécifiquement l’objet de l’article 15 : « sera également ouverte la possibilité pour les collectivités territoriales et leurs groupements de déroger, lorsque la loi ou le règlement l’ont prévu, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent leurs compétences. Cette dérogation pourra intervenir, le cas échéant, après l’expérimentation déjà prévue aujourd’hui à l’article 72, à une importante différence près : cette expérimentation n’aura plus comme seule conclusion possible une généralisation à tous les territoires ou un abandon. Elle pourra conduire à une différenciation pérenne. »

Dans bien des domaines intéressant l’aménagement du territoire, l’absence d’un cadre législatif suffisamment précis laisse au pouvoir réglementaire des marges de manoeuvre susceptibles de se retourner contre lui, en l’absence de consultations et de différenciation suffisantes, et de provoquer au final des résistances locales.

Dans ces conditions, la présente proposition de loi vise à directement agir sur les causes de l’enclavement, en améliorant la qualité et l’accessibilité des moyens de transport dans les zones enclavées du territoire, en vue de mettre en place les conditions d’une spirale cette fois-ci vertueuse.

À cette fin, l’article 1er fixe un nouvel objectif de désenclavement à horizon 2025, sur le modèle de l’article 17 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire. L’article 2 vise à permettre et faciliter la construction d’infrastructures routières moins lourdes dans les zones enclavées.

L’instruction du Gouvernement du 22 décembre 2015 relative aux incidences de la suppression de la clause de compétence générale des départements et des régions sur l’exercice des compétences des collectivités territoriales (NOR RDFB1520836N) avait curieusement jugé opportun, sinon pertinent, de prononcer l’incompétence des départements en matière d’interventions sur les liaisons aériennes, en dehors des cas où ces dernières auraient « un caractère touristique indiscutablement prépondérant ». L’article 3 vient donc combler ce vide juridique en attribuant une compétence partagée entre les régions, les départements et les communes en matière de liaisons aériennes, partant du principe que tous les échelons de collectivités ont, à leur niveau, une pertinence sur ce volet. En complément, l’article 4 vise à renforcer le contrôle de la satisfaction par les entreprises de transport aérien soumises de leur obligation de service public pour la desserte des territoires enclavés.

Toujours dans une logique d’adaptation des normes aux réalités locales, l’article 5 tend à encadrer l’exercice du pouvoir réglementaire en matière de limitation de vitesse en fixant une liste de critères cumulatifs à respecter. Enfin, l’article 6 prévoit la remise d’un rapport établissant le bilan de l’abaissement à 80 km/h de la limitation de vitesse sur certaines routes.

 

Proposition de loi visant à faciliter le désenclavement des territoires

Article 1er

  1. – L’article L. 1111-3 du code des transports est ainsi modifié :

1° Au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;

2° Il est ajouté un II ainsi rédigé :

« II. – Au 31 décembre 2025, aucune partie du territoire français métropolitain continental n’est située à plus de cinquante kilomètres ou de quarante-cinq minutes d’automobile soit d’un centre urbain ou économique, soit d’une autoroute ou d’une route express à deux fois deux voies en continuité avec le réseau national, soit à moins de cent quatre-vingts kilomètres ou cent-vingt minutes d’automobile d’un aérodrome ouvert au transport aérien public.

« II. – Dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, le schéma national des infrastructures de transports et les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires sont révisés pour prendre en compte l’objectif de désenclavement mentionné au II de l’article L. 1111-3 du code des transports. »

Article 2

L’article L. 1512-1 du code des transports est ainsi modifié :

1° Au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;

2° Il est ajouté un II ainsi rédigé :

« II. – Lorsqu’il est maître d’ouvrage, l’État peut appliquer aux territoires concernés par l’objectif de désenclavement des critères différenciés de réalisation des infrastructures, à l’exception des dispositions liées à la sûreté et à la sécurité. »

Article 3

Le premier alinéa du I de l’article L. 1511-2 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans les mêmes conditions, les départements et les communes peuvent participer au financement des subventions accordées aux entreprises de transport aérien et aux aéroports et aérodromes qui contribuent manifestement au désenclavement des territoires, dans une perspective de développement économique. »

Article 4

Le titre III du livre III du code de l’aviation civile est complété par un article L. 330-7 ainsi rédigé :

« Art. L. 330-7. – Dans les territoires concernés par un critère d’enclavement défini par décret, l’État s’assure que les entreprises de transport aérien maintiennent l’existence et le fonctionnement de liaisons aériennes effectives et régulières, notamment lorsque ces dernières bénéficient de subventions publiques destinées à compenser leur faible rentabilité économique. Les entreprises de transport aérien concernées rendent compte du fonctionnement, des résultats et de l’effectivité de leur activité au ministre chargé de l’aviation civile tous les trois mois. Ces résultats font l’objet d’une publication trimestrielle dont les modalités et le contenu sont fixées par décret. »

Article 5

Au début du chapitre III du titre Ier du livre IV du code de la route, il est ajouté un article L. 413-1 A ainsi rédigé :

« Art. L. 413-1 A. – Les limitations de vitesse fixées pour les différentes voies garantissent la sécurité de leurs usagers ainsi que l’accès à un centre urbain ou économique dans un délai raisonnable. »

Article 6

Dans le délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation du décret n° 2018-487 du 15 juin 2018 relatif aux vitesses maximales autorisées des véhicules quant à la réalisation de l’objectif de renforcement de la sécurité routière, en particulier au regard des conditions météorologiques, mais aussi de l’enclavement des territoires concernés et du fonctionnement des transports collectifs ou publics existants.

> Voir la proposition de loi

> Voir le dossier législatif

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