LE PARISIEN / 28-12-15
Jusqu’au 18 janvier, les internautes peuvent apporter leur pierre au projet de loi de Ségolène Royal sur la « reconquête de la biodiversité ». Des consultations qui se développent de plus en plus.
C’est une révolution lente, non violente et probablement inéluctable. Ce qu’on appelle, un peu pompeusement, la démocratie participative, soit l’association des citoyens au processus d’élaboration de la loi, prend progressivement une importance croissante en France. Une fois de plus, c’est le développement d’Internet qui rend cette révolution silencieuse possible, un outil technologique qui ne se met plus seulement au service des consommateurs mais à l’écoute du citoyen.
Depuis le 21 décembre et jusqu’au 18 janvier, les internautes peuvent ainsi donner leur avis, apporter leurs commentaires et proposer des amendements au projet de loi sur la reconquête de la biodiversité, porté par Ségolène Royal, la ministre de l’Ecologie. Cette consultation s’effectue par le biais du site Parlement & Citoyens*, la plate-forme en ligne sélectionnée par le ministère. Ces propositions pourront ensuite être reprises par les sénateurs, lors de la séance publique à partir du 19 janvier (le projet a été adopté en mars à l’Assemblée). « Mes propres amendements, je vais les soumettre à l’avis des citoyens via cette plate-forme, et j’invite l’ensemble de mes collègues du Sénat à faire de même », indique Joël Labbé, élu EELV du Morbihan. L’association Comunidee est déjà sur le point de déposer une pétition de près de 70 000 signatures pour promouvoir les « semences paysannes ».
L’intérêt des politiques
Ce n’est pas la première fois que les citoyens sont appelés à leurs claviers. En octobre, la secrétaire d’Etat Axelle Lemaire avait lancé une grande consultation sur son projet « Pour une République numérique », à la suite de laquelle le e-sport (jeux vidéo pratiqués à plusieurs sur le Web) a été reconnu comme une vraie compétition. L’an dernier, une proposition de loi tendant à mieux encadrer l’usage des pesticides non agricoles avait été soumise au même processus. A la suite des argumentaires des internautes, le lobby des industries chimiques qui demandait le report de la mise en œuvre de la nouvelle réglementation a été débouté…
Depuis deux ans, sept projets, propositions de loi ou rapports parlementaires ont fait l’objet de telles consultations. Et ce n’est pas fini. Manuel Valls, lors du Conseil des ministres du 9 décembre, a appelé les membres de son gouvernement à renouveler l’initiative d’Axelle Lemaire. A droite comme à gauche, cette nouvelle façon de faire de la politique suscite un réel intérêt. Chez les Républicains, Bruno Le Maire en a fait une des pierres angulaires de sa « révolution démocratique ». Une prise de conscience partagée dans tous les partis.
Au niveau local aussi, les consultations municipales se multiplient, à Rennes avec la Fabrique citoyenne ou Mulhouse, c’est vous, dans la ville alsacienne. « Ce mouvement se veut une réponse à la triple crise que traverse aujourd’hui la démocratie représentative française : crise d’efficacité des politiques publiques, crise de légitimité des lois produites et crise de confiance des citoyens envers les acteurs politiques, souligne Cyril Lage, créateur de Parlement & Citoyens. On a jugé anormal que l’élaboration des lois reste concentrée entre les mains d’une minorité d’acteurs. » Son ambition : « Réconcilier les citoyens, les politiques et la politique en général. » CQFD.
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En 2017, un candidat venu du Net ?
Et si le président élu en 2017 n’était plus le fruit de luttes partisanes mais celui de la volonté de la société civile ? C’est le rêve de plusieurs personnalités, comme Corinne Lepage, avocate, ministre de l’Environnement sous Jacques Chirac et trois fois candidate à la présidentielle. Ou de l’écrivain Alexandre Jardin, fondateur du mouvement citoyen collaboratif Bleu Blanc Zèbre. Un rêve qui passerait par Internet et qui n’est porté par aucune ambition personnelle, au contraire ! « L’idée n’est pas de me propulser, confie Corinne Lepage, mais d’organiser sur Internet des primaires de la société civile. Elles feraient émerger un candidat porteur de sujets et de propositions que les partis politiques ne prennent pas en compte. » L’objectif : atteindre 2 millions de participants, grâce aux réseaux sociaux et au maillage du tissu associatif, fondations, clubs de réflexion partenaires de l’opération. « C’est une réponse à la poussée de l’extrême droite, souligne Lepage. Ces primaires s’adressent aussi aux 30 à 40 % d’électeurs qui ne votent plus. Elle est de nature à redonner espoir aux citoyens. » Et si ce candidat n’est à l’arrivée pas élu ? « Son score et son programme lui permettront de signer un accord de mandature ou de législature avec un autre candidat. De toute façon, ce ne sera pas une opération pour rien. » Réponse en septembre prochain, date à laquelle l’initiative devra être finalisée.
* Parlement-et-citoyens.fr.