Débat sur les pesticides et leur impact sur la santé et l’environnement

Monsieur le Président, Madame la Ministre, Monsieur le Ministre,
Madame la Présidente de la Mission commune d’information, chère Sophie,
Madame la Rapporteur, chère Nicole, chers collègues,

On a voulu obtenir un consensus sur un texte fort, on l’a eu ; je fais partie de ceux qui auraient voulu aller plus vite et plus loin. Je vais donc m’efforcer d’être rapide, mais d’aller très loin ! (Sourires.)
Tout d’abord, je tiens à saluer la qualité des travaux de cette mission, ainsi que l’état d’esprit dans lequel elle s’est déroulée. J’en remercie Mme la présidente et Mme la rapporteur. J’ai aussi apprécié la qualité professionnelle de l’équipe des administrateurs.
C’était la première mission parlementaire à laquelle je participais, et, s’il n’est pas indécent de parler de plaisir en évoquant des sujets aussi graves, je tiens à vous dire que j’ai eu du plaisir à participer à ces six mois de travaux. Cette première mission m’aura définitivement marqué. Je ne serai jamais tout à fait tranquille tant que les recommandations majeures contenues dans ce rapport n’auront pas donné lieu à des mesures concrètes.
Pour autant, je ne tiens pas à dramatiser outre mesure la situation, et surtout pas à stigmatiser la profession agricole – s’il est des professions nobles, la profession d’agriculteur en est une – parce qu’il est avéré que les plus exposés, les premières victimes sont les agriculteurs eux-mêmes ainsi que leur famille et, parfois, leur voisinage.
Initialement, l’objectif de la mission était d’informer quant à l’impact des pesticides sur la santé et sur l’environnement. Le seul volet « santé », madame la ministre, était suffisamment dense et lourd de conséquences pour que l’on décide de reporter le traitement du volet « environnement » ; il faudra pourtant que ce dernier soit abordé très rapidement.
Si la procédure préalable à la mise en place d’une mission est un peu complexe, je l’ai bien compris, il va néanmoins falloir trouver le moyen d’en constituer une. Parlez-en à votre collègue ministre de l’environnement, qui est concernée. J’ai, pour ma part, proposé que cette mission prolonge son travail et se consacre à ce volet « environnement » : si personne n’est candidat, je veux bien en être le rapporteur ! (Mme la présidente de la mission et Mme la rapporteur sourient.)
Les conséquences néfastes sur l’environnement sont en effet nombreuses : pollution des sols, de l’eau, impact sur les produits alimentaires, atteinte à la biodiversité – les abeilles font aujourd’hui l’actualité. Je comptais vous interpeller de nouveau, monsieur le ministre, mais vous avez anticipé en évoquant la réunion du 31 janvier prochain. Hélas, pour la prochaine récolte, les semences sont déjà enrobées.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Elles sont achetées, c’est fait !

M. Joël Labbé. Les abeilles ont un rôle de pollinisateur, mais un être microscopique dont on parle peu, le plancton, qui est à la base de toute la chaîne alimentaire du milieu marin, est également en danger.
Cela dit, les recommandations issues de nos travaux représentent déjà un important travail pour l’évolution de nos politiques publiques. J’évoquerai celles qui me semblent majeures avant de parler de l’avenir du secteur agricole – la loi d’avenir – et l’avenir plus immédiat encore en vous annonçant le dépôt très prochainement d’une proposition de loi visant à encadrer strictement les utilisations non agricoles des pesticides. Je ne reviendrai pas sur les constats, il en a déjà été question.
Au titre des mesures à mon sens majeures préconisées dans le rapport, je citerai d’abord l’encadrement plus strict des autorisations de mises sur le marché. Il faut exiger des firmes qu’elles fassent des tests sur l’effet cocktail des produits qu’elles souhaitent commercialiser, et qu’elles engagent leurs responsabilités sur les équipements de protection individuelle adaptés spécifiquement à chaque produit.
Par ailleurs, il faut taxer lourdement les pesticides, à l’exemple de qui se fait au Danemark, car il convient de prendre en compte les externalités négatives des pesticides : dépenses de santé et dépenses liées à la réhabilitation de la qualité de l’eau notamment. Cette réhabilitation a été chiffrée : entre 54 milliards et 91 milliards d’euros pour une année, madame la ministre.
Également majeure m’apparaît la proposition qui est faite de lever les blocages sur les préparations naturelles peu préoccupantes non brevetées.
Il faut aussi se donner les moyens de relancer véritablement le plan Écophyto 2018. Je rappelle que, si ce plan avait au départ pour ambition de diminuer de 50 % l’usage des pesticides, on constate, ces deux dernières années, une augmentation de 2,4 %. C’est un constat d’échec, mais on peut se dire que cela aurait pu être pire s’il n’y avait pas eu le plan Écophyto. En d’autres termes, c’est déjà ça !
Le président de l’Union des industries de la protection des plantes a souligné, dans les bilans de 2010, outre l’augmentation de 2,4 % dont je parlais, un accroissement également du chiffre d’affaires de ces industries, ce qui, aux yeux du président de l’UIP, montrait bien l’utilité de ces produits pour la nation. C’était du moins le sens de ses propos.
Il me paraît en outre souhaitable de donner de réels moyens à la recherche publique, notamment en direction de l’agriculture biologique et de l’agroécologie dont je parlerai tout à l’heure, mais aussi plus globalement pour les pratiques agronomiques durables.
Enfin, il faut soutenir et accompagner la filière agricole biologique, qui, elle, joue un rôle de précurseur puisque pratiquant déjà l’agroécologie, nouvelle grande cause nationale. C’est moi qui le décrète ! (Sourires.)
Ce rapport, s’il n’est pas un réquisitoire à charge contre les pesticides, montre cependant objectivement les risques de ces produits pour la santé humaine, risques qui peuvent être meurtriers : cancers spécifiques, leucémie, maladies respiratoires, perturbations endocriniennes. On peut le dire : les pesticides sont des poisons !
Récemment, la maladie de Parkinson a été officiellement inscrite au tableau des maladies professionnelles dans le régime agricole de la sécurité sociale. Enfin, plusieurs avis convergent pour suspecter des liens entre l’utilisation des pesticides et la maladie d’Alzheimer. Les faits sont suffisamment graves pour que nous ayons pleinement conscience de notre propre responsabilité de parlementaires : nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas !
Nous avons à travailler pour l’avenir : en 2013, il s’agira, monsieur le ministre, de la loi d’avenir agricole, que vous avez annoncée pour le second semestre.
J’ai pu constater votre engagement, monsieur le ministre, notamment lors de la journée organisée sous l’égide de votre ministère et intitulée « Agricultures : produisons autrement ». Vous exprimant après M. Philippe Barré, universitaire belge dont l’intervention était particulièrement pertinente, vous êtes allé dans le même sens que lui. La notion nouvelle d’agroécologie était très présente et vous avez déclaré vouloir faire de la France le leader européen de l’agroécologie.
On ne peut qu’applaudir à une telle déclaration, et nous vous soutiendrons avec force et conviction. Il en faudra, tant est bien organisé le lobby de l’agriculture agrochimique, avec sa capacité à fabriquer le doute, à produire rapidement des contre-études dès l’instant où une étude ne va pas dans le bon sens.

Mme Sophie Primas, présidente de la mission commune d’information. Dans un certain sens !

M. Joël Labbé. Cependant, ne nous méprenons pas, l’agroécologie n’est véritablement écologique que si elle diminue drastiquement l’utilisation des intrants, en particulier des pesticides, et, initialement, l’agroécologie n’en utilise pas.
Alors, oui à l’ambition de devenir le leader européen de l’agroécologie, mais, pour le moment, monsieur le ministre, nous sommes le leader européen de l’utilisation des pesticides !
C’est dire si nous partons de loin ! Malgré tout, si nous devenons, en 2013, le leader européen en termes de volonté d’opérer la transition, si nous avons la capacité de faire bouger l’Europe – nous vous faisons confiance pour cela –, nous serons sur la bonne voie. « Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait », disait Mark Twain : alors ensemble, nous allons le faire !
Nous parlons de la France, de l’Europe, mais de tels sujets ne peuvent être appréhendés qu’à l’échelle planétaire. Olivier de Schutter, rapporteur spécial pour le droit à l’alimentation du Conseil des droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies affirme que « dans les pays du Sud, l’agro-écologie peut doubler la production alimentaire de régions entières […] en réduisant la pauvreté rurale et en apportant des solutions aux changements climatiques ». J’ajouterai qu’elle peut apporter des solutions aux problèmes migratoires, en donnant aux populations des pays du Sud les moyens de bien vivre chez elles. C’est de l’utopie, mais je veux encore croire aux utopies… Mais, pour l’heure, nous Occidentaux accaparons les terres, promouvons la monoculture et la production d’agrocarburants, à grand renfort de pesticides.
Pour conclure, j’évoquerai un avenir plus immédiat en annonçant le prochain dépôt d’une proposition de loi. Elle s’appuiera sur les recommandations du rapport sur les usages non-agricoles des pesticides, ainsi que sur le constat que les pesticides sont des produits toxiques et dangereux. Considérant que les collectivités se doivent de montrer l’exemple, nous proposerons notamment d’interdire l’utilisation des pesticides dans tous les espaces publics, à partir de janvier 2018 afin de laisser le temps d’organiser les choses. L’exemple de certaines collectivités locales montre que c’est possible. Elles sont de plus en plus nombreuses à ne plus utiliser de produits phytosanitaires. Ainsi, ma commune de Saint-Nolff, dans le Morbihan, est dans ce cas depuis 2007, et je suis fier de pouvoir dire que nous avons reçu le prix national de la biodiversité pour 2012. C’est en faisant un gros effort de pédagogie auprès des enfants que l’on avancera.
Le second volet de cette proposition de loi tendra à interdire, à partir de 2018, la vente au détail de pesticides aux particuliers. Ces produits doivent être proscrits dans les jardins.
J’espère vivement que cette proposition de loi recevra l’appui du Gouvernement et rencontrera un écho favorable auprès d’une grande majorité d’entre vous, mes chers collègues. Après l’adoption à l’unanimité du rapport de la mission commune d’information, je suis très confiant ! L’un des pères de l’agro-écologie, Pierre Rabhi, disait que nous devons « prendre conscience de notre inconscience ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)

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Communiqué

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