Joël Labbé. Monsieur le ministre, le week-end dernier, la Convention citoyenne pour le climat a adopté ses propositions, désormais rendues publiques. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
Marc-Philippe Daubresse. On est sauvé !
Joël Labbé. Certaines d’entre elles, comme vous le savez, concernent la rénovation thermique des bâtiments.
Il s’agit d’une thématique essentielle, puisqu’elle permet d’associer économie, emploi, justice sociale, objectifs climatiques et réduction de la dépendance énergétique de notre pays. Il est important de rappeler dans cet hémicycle que le bâtiment compte pour plus d’un quart de nos émissions de gaz à effet de serre. Alors que nous entrons dans une crise économique et sociale majeure, la rénovation thermique est aussi une question de lutte contre les inégalités, après que la crise sanitaire a amené des millions de ménages à se confiner dans un habitat indigne.
Face à ces enjeux, la Convention citoyenne pour le climat propose notamment une interdiction de location des passoires énergétiques étiquetées F et G à partir de 2028. Cette proposition est assortie d’une obligation de rénovation globale permettant d’atteindre une performance énergétique A ou B. Son non-respect serait sanctionné par un malus sur la taxe foncière et elle s’accompagnerait d’un renforcement et d’une simplification des aides à la rénovation, notamment pour les propriétaires modestes.
Ces propositions sont donc bien plus ambitieuses que celles de la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, ou loi Énergie-climat, qui s’est révélée sur ce sujet à la fois trop peu contraignante et dotée de moyens insuffisants.
Alors que nous nous apprêtons à voter plusieurs textes budgétaires, le Gouvernement a multiplié les annonces quant à un renforcement des moyens alloués à la rénovation énergétique, afin d’allier relance et écologie. Si cette ambition budgétaire est louable, il faut non seulement qu’elle soit à la hauteur de l’enjeu mais aussi qu’elle s’accompagne de mesures contraignantes : la seule incitation n’a jusqu’à présent pas suffi.
Alors que se multiplient les appels à construire un « monde d’après » juste et solidaire, pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, comment votre ministère accueille ces propositions fortes, issues des citoyens, et quelle place il souhaite leur donner dans les débats à venir ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement. Monsieur le sénateur Joël Labbé votre question me donne l’occasion, d’abord, de saluer le travail de la Convention citoyenne pour le climat. Vous l’avez salué, je voudrais le faire à mon tour, car il s’agit à mon sens, objectivement, d’un travail démocratique absolument inédit.
Mme Patricia Schillinger. C’est vrai !
Julien Denormandie, ministre. Pour avoir examiné dans le détail les travaux de cette convention, je trouve l’équilibre qu’y ont trouvé et que nous offrent nos concitoyens extrêmement pertinent. Ils reprennent en effet l’approche consistant, d’abord, à mettre en place des dispositifs incitatifs, mais également, si jamais ceux-ci se révélaient insuffisants, à adopter une approche coercitive. Pour ma part, je crois qu’il est bon d’avancer ainsi de manière générale, entre incitation et coercition. C’était d’ailleurs le sens de la loi Énergie-climat.
Concernant le volet incitatif, comme je l’ai déjà rappelé dans ma réponse à Mme Estrosi Sassone, et comme l’a très bien dit la Convention citoyenne, la question fondamentale est la suivante : si le chemin dans lequel on s’est engagé avec « MaPrimeRénov’ » et « Habiter mieux sérénité », dispositifs que vous connaissez bien, est le bon, son ampleur est-elle suffisante ? Ces dispositifs sont-ils suffisamment maillés ? J’ai la conviction qu’il faut renforcer ces dispositifs. Ainsi, nous avons prévu d’élargir, dès le 1er janvier 2021, le nombre de déciles de revenus éligibles à MaPrimeRénov’.
Quant au volet coercitif, la loi Énergie-climat prévoit déjà que les pires passoires énergétiques ne pourront plus être louées à partir du 1er janvier 2023. Vous vous souvenez des débats à ce sujet : nous avons intégré ces passoires dans ce qu’on appelle le « décret de décence ». La Convention citoyenne pour le climat dit qu’il faut aller plus vite et plus loin. J’estime qu’il s’agit d’un exercice profondément démocratique : cette décision très démocratique aurait un impact extrêmement fort sur le logement et son accessibilité, mais il est important d’écouter nos concitoyens sur ce sujet.
Je laisserai évidemment le Président de la République annoncer quels chemins seront empruntés pour reprendre les propositions de cette convention, mais je suis en tout cas très à l’aise avec le choix d’un axe combinant incitation et coercition, et je le défends pleinement.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour la réplique.
Joël Labbé. Merci, monsieur le ministre, de votre réponse claire et engagée. Il est en effet essentiel que le Gouvernement prenne ses responsabilités face aux propositions de la Convention citoyenne pour le climat. Quoi qu’on en pense, ce mode de gouvernance inédit a permis de porter dans le débat public des propositions fortes et ambitieuses, à la fois exigeantes quant aux objectifs climatiques et soucieuses de justice sociale. C’est bien le type de mesures dont nous avons besoin pour affronter l’urgence environnementale à laquelle nous sommes confrontés, mais aussi pour réconcilier nos concitoyens avec le monde politique. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
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