FRANCE INTER – 4/11/2019 – Par Clément Conte
Certaines études montrent que les fongicides utilisés sur les pelouses dans les stades représentent un danger pour les pratiquants. Un sénateur breton, Joël Labbé, compte faire une proposition de loi dès 2020 pour les interdire.
Il faudra sans doute faire sans très bientôt. Les fongicides, utilisés sur les pelouses des complexes sportifs pour limiter le développement des champignons parasites, pourraient être interdits dans les prochaines années.
C’est le journal l’Equipe qui le révélait il y a quelques mois. Des études sont menées par des chercheurs et ils l’affirment : ces pesticides sont potentiellement dangereux pour la santé des sportifs. Dès avril 2018, un collectif de médecins, cancérologues, toxicologues et chercheurs du CNRS, de l’Inserm, de l’Université, et de l’Inra alertait sur l’impact des antifongiques sur la santé sur le site de Libération. Des cancers et des maladies comme Parkinson ou Huntington seraient liés au SDHI, les inhibiteurs de la succinate déshydrogénase, des molécules présentes dans ces pesticides.
« Il y a aussi des perturbateurs endocriniens », précise François Veillerette, directeur de Générations futures, association de défense de l’environnement : « Des substances qui, même à faible dose, peuvent interagir avec notre système hormonal ». L’impact de ces pesticides dépasseraient donc les limites du terrain : « Il y a les mamans qui accompagnent leurs enfants autour des pelouses. Elles sont parfois enceintes et et il peut y avoir des conséquences sur le futur fœtus », ajoute François Veillerette.
Un proposition de loi courant 2020
Pour une interdiction, il faut donc légiférer. C’est le sénateur du Morbihan (divers gauche) Joël Labbé qui s’empare, sans surprise, de la question. La loi Labbé, votée en 2014, interdit déjà l’utilisation de produits phytosanitaires dans l’entretien des espaces verts, des forêts, des promenades et voiries dans les communes. Seuls les cimetières et les stades échappent au règlement.
« Il y a eu une levée de bouclier à l’époque, c’était extrêmement compliqué », confie Joël Labbé. « C’est un sujet sensible et au final il m’a semblé que si tout le reste était interdit, on pouvait quand même avancer. Aujourd’hui, il est temps de réfléchir à ces ‘trous dans la raquette' ».
Ces « trous » doivent être bouchés pour préserver la santé des joueurs amateurs et professionnels. Pour l’instant, les sportifs de haut niveau n’ont, semble-t-il, pas encore pris la mesure de l’enjeu : « Je connais bien Christian Gourcuff, l’entraîneur du FC Nantes. Je lui ai posé la question et il m’a dit qu’il n’avait aucune information sur les pathologies possibles », se rappelle le sénateur.
Un travail sera donc mené avec les joueurs : « On va aller les voir. Il faut qu’ils soient au courant. Il doit y avoir une prise de conscience des risques par rapport aux produits utilisés. Il faut que ça change. »
Sans fongicides, des stades « champs de patates » ?
Reste maintenant une question essentielle : à quoi vont ressembler les pelouses des stades de Ligue 1 et 2 de football, de Top 14 et Pro D2 de rugby, les terrains de golfs, si les jardiniers ne peuvent plus utiliser de pesticides ? La réponse de Patrice Therre, expert et membre de la commission « surfaces de jeu » à la Ligue de football professionnel (LFP) est sans appel : « On aurait des pelouses par endroit grillées, dégarnies. Je ne dis pas qu’elles ne seraient pas jouables, mais elles seraient sur le plan esthétique extrêmement dépréciées. Aujourd’hui, on demande beaucoup de choses à ces pelouses. Il faut qu’elles soient jouables en hiver, il ne faut pas qu’elles gèlent et il n’existe aucun système au monde qui permet d’obtenir ça _sans couvertures de produits phytosanitaires._ »
Une situation délicate, mais pas impossible pour Joël Labbé : « Il y a des alternatives comme l’aération par exemple. Beaucoup d’efforts sont déjà faits. Il faut travailler sur ces questions de recherche et développement et continuer d’entretenir les pelouses. C’est primordial. »
Avant de proposer sa loi, le sénateur compte discuter avec les instances du football, du rugby et du golf et établir l’interdiction en deux temps : « C’est si sensible qu’il faudra faire la part des choses entre les terrains qui servent pour les jeunes pour les entraînements, et les terrains professionnels. L’objectif c’est de sortir de ces fongicides. Mais peut-être d’une façon différée pour les terrains d’honneur. Donc je veux bien attendre un peu. On veut y aller doucement, mais nous sommes déterminés. »