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Convention citoyenne pour le climat : les sénateurs ne veulent pas d’un référendum

PUBLIC SÉNAT – 19/06/2020 – Par Ariel Guez
Alors que les 150 citoyens de la Convention climat se réunissent jusqu’au dimanche 21 juin, leurs propositions pourraient déboucher sur un référendum, comme s’est engagé à le faire Emmanuel Macron. Au Sénat, entre la crainte d’un « coup de com’ » et la peur de se passer du Parlement, la voie référendaire passe mal. Pour un élu, son utilité reste à prouver. Ce serait mettre « un pansement sur une jambe de bois », dit-il.

Après les débats, le référendum ? Les citoyens tirés au sort pour participer à la Convention citoyenne pour le climat discuteront une ultime fois ce week-end de leurs propositions, avant d’indiquer quelles mesures pourraient être soumises au vote des Français dans le cadre d’un référendum. « Ça va se passer en deux temps : d’abord les citoyens vont voter sur l’idée même du référendum. Puis, si cette première étape est franchie, alors ils étudieront les questions qui pourraient être y soumises » explique à publicsenat.fr Jean Jouzel, climatologue et membre du comité de gouvernance de la Convention.

« Je ne vois pas comment on peut organiser un référendum sur 50 sujets »

Il reviendra ensuite au président de la République de décider ou non de mettre en place un référendum, 15 ans après celui sur le Traité constitutionnel européen. Une telle possibilité avait été confirmée en janvier dernier par Emmanuel Macron. « Je m’engage, sur ce qui peut l’être, à faire un référendum. Je pense qu’il faut, sur quelques mesures, en appeler à un référendum, car c’est ce qui permettra de partager avec tout le monde la préoccupation sur le sujet », avait-il déclaré devant les 150 membres de la Convention citoyenne pour le climat.

Au Sénat, le vice-président de la commission des Lois, le socialiste Jean-Pierre Sueur, est clair : il n’est pas favorable à un référendum. « Cette convention va faire toute une série de propositions. Je ne vois pas comment on peut organiser un référendum sur 150 sujets », explique-t-il à publicsenat.fr, rappelant qu’un référendum avec plusieurs séries de questions n’est pas l’une des cordes qu’un président de la République dispose à son arc.

La crainte que le Parlement soit « dépossédé du droit d’amendement »

Le sénateur socialiste de Paris affirme surtout que pour répondre à la crise environnementale et au changement climatique, la voie législative reste à privilégier. « Pour autant, cela ne veut pas dire qu’il faut que le Parlement travaille en vase clos ! » prévient Jean-Pierre Sueur, louant le travail de réflexion effectué par les 150 citoyens tirés au sort, et dont nous avons suivi l’évolution des travaux.

Même son de cloche du côté du secrétaire de la commission des Lois, Loïc Hervé, qui pointe le risque que le Parlement soit « dépossédé du droit d’amendement » en cas de référendum. Surtout, plaide le sénateur UC de Haute-Savoie, le débat sur le climat n’a pas traversé la société. Certes, des manifestations de jeunes se sont déroulées tous les vendredis pendant des mois, « mais il n’y a pas eu de débat national. Il a été concentré par la Convention citoyenne ».

ça va être encore des mois et des mois qui passent. Or, du temps, on n’en a plus

À la commission de l’Aménagement du territoire et du développement durable, on est (relativement) sur la même longueur d’onde : un référendum, « pourquoi pas », mais « on n’en voit pas l’intérêt ». « Les réponses, on les connaît déjà. Le Sénat a beaucoup travaillé sur le sujet et ce qui sortira de la Convention ne fera que renforcer ce qui a déjà été étudié », explique Nicole Bonnefoy, sénatrice socialiste de Charente. Dans les propositions de la Convention citoyenne, « il y a à boire et à manger et un tri devra être fait », abonde Hervé Maurey, le sénateur UC, président de la commission, soulignant lui aussi « qu’il y a des propositions qu’on a déjà mis en avant » au Parlement ces dernières années.

« Les réponses, on les connaît déjà »

Car avec le sénateur LR des Côtes-d’Armor Michel Vaspart, Nicole Bonnefoy avait abordé en 2019 la question des risques climatiques dans un épais rapport. Les deux élus proposaient à l’époque plus de 50 mesures pour « mieux prévenir et mieux reconstruire » face aux catastrophes climatiques. Que s’est-il passé depuis ? « Rien », déplore l’élue de Charente. Alors attendre un référendum, elle ne le souhaite pas. « Ça va être encore des mois et des mois qui passent. Or, du temps, on n’en a plus. L’urgence est là ».

Hervé Maurey non plus « ne voit pas l’intérêt » de faire un référendum. « Il y a une majorité au Parlement pour s’engager, pour avancer sur les questions climatiques », explique à publicsenat.fr le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

Depuis plus de 30 ans, des parlementaires font un important travail sur le sujet (…) A quoi cela a-t-il servi ?

Le sénateur Les Républicains Didier Mandelli confirme : « A 95 %, le diagnostic sur les enjeux est partagé », affirme-t-il. Reprenant un argumentaire proche de la socialiste Nicole Bonnefoy, il se demande quel signal serait envoyé à la représentation nationale si le Président décidait d’un référendum. « Depuis plus trente ans, des ONG et des parlementaires se saisissent de ces questions et font un important travail sur le sujet (…) À quoi cela a-t-il servi ? », si finalement, la convention citoyenne débouche sur un référendum. « Qu’est-ce qu’on a attendu ? » s’interroge l’élu de Vendée.

Les écologistes sont partants, veulent éviter un « coup de com’ » …

Dans les couloirs du palais du Luxembourg, même si  de nombreux sénateurs avaient signé pour la mise en place du RIP sur la privatisation d’ADP, difficile d’en trouver qui souhaiteraient que le Président se passe du Parlement pour légiférer sur un sujet aussi important. Les quelques écologistes ayant une place au Sénat pourraient tout de même y être favorables ?

Joel Labbé, sénateur écolo qui siège désormais dans le groupe RDSE, lui, adhère « complètement à l’idée ». « D’autant plus que c’est un engagement du président de la République », rappelle-t-il. Mais le sénateur du Morbihan pose ses conditions : « On ne peut pas se limiter à un référendum « coup de com’ » ». Si plusieurs mesures sont soumises à débat dans le cadre d’une campagne référendaire, « il faudra étudier les autres », explique-t-il.

« Après le référendum, il se passe quoi ? Il ne faut pas que ce soit une affaire de communication », renchérit Didier Mandelli. Un autre élu craint que ce référendum post-Convention citoyenne ne soit « qu’un pansement sur une jambe de bois ». C’est cette inquiétude d’un coup de communication par « une ou deux questions symboliques posées aux Français » qui rend peu enclin à l’idée d’un référendum, l’écologiste Guillaume Gontard. Le sénateur de l’Isère (CRCE) pointe la globalité et la cohérence du travail effectué par la Convention citoyenne. Derrière, « il restera 149 questions : mettons-les à l’ordre du jour du Parlement », lance-t-il au micro de publicsenat.fr

 Il appartient au gouvernement de proposer un texte et au Parlement d’en débattre

… mais un parlementaire préférera toujours la voie parlementaire

Comme plusieurs de ses collègues, il souhaiterait que de grands textes répondant aux enjeux climatiques soient présentés à l’Assemblée nationale et au Sénat, avec une modification de l’agenda parlementaire. « Il faut avoir un planning très clair, en avançant et en priorisant les choses », explique-t-il. Il « n’y a pas besoin d’un référendum » pour faire avancer l’agenda écologique, soutient de son côté Nicole Bonnefoy, qui appelle à « utiliser les éléments dont on dispose » pour répondre aux enjeux climatiques. Y compris au niveau constitutionnel, avance la sénatrice.

« Emmanuel Macron n’a besoin de personne », continue Didier Mandelli, affirmant que le président de la République pourrait convaincre ses ministres de réaliser un projet de loi majeur et transversal. « Les constats ont été faits depuis longtemps et on aurait pu co-écrire sur le sujet un texte de loi (…) Il appartient au gouvernement de proposer un texte et au gouvernement d’en débattre », synthétise Hervé Maurey.

Le climat, victime collatérale d’un vote sanction ?

Car si le référendum est une respiration démocratique, c’est aussi un coup politique. Comme d’autres par le passé, il pourrait échouer : tous les sénateurs interrogés par publicsenat.fr et les observateurs pointent le caractère plébiscitaire du scrutin et la place de la popularité du chef de l’État dans une campagne référendaire. « Lors d’un référendum, on ne répond jamais aux questions qui sont posées », alerte Hervé Maurey.

« Il y a un risque immense que ce soit un plébiscite inversé »

Sortie de la crise sanitaire critiquée et au plus bas des sondages, Emmanuel Macron pourrait-il, à deux ans de la présidentielle, renverser la machine et jouer son va-tout sur un référendum pour le climat ?

« En 1969, la question du référendum s’était transformée et les Français ont voté pour ou contre le maintien du Général », rappelle Jean-Pierre Sueur. Et finalement, Charles de Gaulle a démissionné le lendemain du vote, glisse le socialiste. Loïc Hervé n’y croit pas non plus. « Un référendum sur une question fermée déplacerait le débat. Il y a un risque immense que ce soit un plébiscite inversé », affirme-t-il, ce qui pourrait laisser craindre le pire sur l’après-référendum, avec un « risque institutionnel majeur », selon lui.

« J’ai le sentiment que si on propose un référendum, alors il aura lieu »

Les sénateurs s’inquiètent aussi pour la cause environnementale, qui pourrait être la victime collatérale d’un vote sanction contre Emmanuel Macron. C’est l’une des raisons qui motive Didier Mandelli à ne pas soutenir la mise en place d’une éventuelle campagne référendaire. Une inquiétude partagée par de nombreux citoyens tirés au sort, comme nous vous le racontons dans cet article.

Mais à la Convention citoyenne pour le climat, on se veut confiant. « Les citoyens le sentent bien », répondait Jean Jouzel vendredi, 48 heures avant le vote interne fatidique. « J’ai le sentiment que si on propose un référendum, alors il aura lieu », nous confiait-il.

Interrogé sur la frilosité des élus du palais du Luxembourg sur la question du référendum, il l’a qualifiée « d’inévitable ». « C’est normal que certains députés et sénateurs soient irrités », mais l’ancien président du GIEC le rappelle : si cela fait trente ans que l’urgence climatique est présente, le travail législatif n’a pas (encore) réglé le problème. Avant de conclure : « Il faut trouver un moyen pour accélérer les choses ».

Le référendum en est (peut-être) un ? Réponse en juillet, lorsqu’Emmanuel Macron s’adressera aux Français.

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