PROPOSITION DE LOI RELATIVE AUX CONTRÔLES D’IDENTITÉ ET À LA LUTTE CONTRE LES CONTRÔLES DE FACIÈS
Enregistrée à la Présidence du Sénat le 16 novembre 2011
Présentée par Esther BENBASSA, Leila AÏCHI, Aline ARCHIMBAUD, Marie-Christine BLANDIN, Corinne BOUCHOUX, Ronan DANTEC, Jean DESESSARD, André GATTOLIN, Joël LABBÉ, Jean-Vincent PLACÉ, Mmes Kalliopi ANGO ELA et Hélène LIPIETZ
L’objet de la présente proposition de loi est d’établir un mécanisme équilibré et pertinent pour lutter contre un phénomène qui est devenu une réalité humiliante et injustifiée pour de nombreux citoyens: celui du « contrôle au faciès ».
Selon le rapport 2009 de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), se basant lui-même sur une étude menée, entre octobre 2007 et mai 2008, dans deux gares parisiennes de grande affluence, par des chercheurs du CNRS pour le compte de l’Open Society Institute (Fondation George SOROS)1(*), « les personnes perçues comme « Noires » couraient entre 3,3 et 11,5 fois plus de risques que celles perçues comme « Blanches » d’être contrôlées par la police. Les personnes perçues comme « Arabes » couraient, quant à elles, entre 1,8 et 14,8 fois plus de risques que les supposés « Blancs ».»
Souvent décriée par l’opinion publique et les associations, la pratique du contrôle au faciès n’a toutefois jamais fait l’objet de l’attention qu’elle mérite par les pouvoirs publics.
Loin de stigmatiser les forces de police, la présente proposition de loi entend tirer les conséquences d’une« ethnicisation » croissante et manifeste des contrôles de police, lesquels sont aujourd’hui essentiellement subis par des citoyens d’origine étrangère.
Contrôlés parfois plusieurs fois par jour, de nombreux français considèrent le contrôle d’identité comme injuste et ciblé, et reposant essentiellement sur l’origine ethnique de la personne contrôlée, sans considération aucune pour le risque qu’elle fait courir pour l’ordre public.
Détournée de sa raison d’être, la procédure du contrôle d’identité est devenue une pratique utilisée même en l’absence de tout risque pour l’ordre public, et conduit le plus souvent à un sentiment d’injustice et d’arbitraire.
L’objet poursuivi par cette proposition de loi est de disposer d’un outil qui permette de répertorier les contrôles de police et de déterminer l’identité de la personne contrôlée, l’identité de l’officier de police qui a procédé au contrôle, ainsi que d’évaluer leur fréquence.
Il est pour le moins étonnant qu’une personne soit contrôlée parfois plusieurs fois dans une même semaine, et qu’il n’existe nulle part aucune trace de cette procédure.
Devant l’opacité dans laquelle de telles procédures sont menées, il est proposé que chaque contrôle fasse l’objet d’un procès-verbal.
L’action de la police doit être transparente, et la présente proposition de loi participe de cette transparence.
Chaque personne contrôlée disposera ainsi d’une preuve du contrôle lui permettant, le cas échéant, de faire valoir le caractère abusif des contrôles dont elle fait l’objet auprès des autorités administratives indépendantes compétentes.
Cette preuve prendra la forme d’une attestation de contrôle, qui comportera plusieurs mentions, sous peine de nullité.
Outre l’identité de la personne contrôlée, seront ainsi mentionnés :
– les motifs qui justifient le contrôle et la vérification d’identité ;
– le jour et l’heure à partir desquels le contrôle a été effectué ;
– l’identité de l’agent ayant procédé au contrôle ;
– enfin, les observations de la personne ayant fait l’objet du contrôle.
Consignés, les contrôles d’identité seront ainsi mieux encadrés, et le recours à une telle procédure sera recentré sur sa raison d’être.
Par ailleurs, un tel outil est de nature à pacifier les relations parfois conflictuelles entre les habitants de certains quartiers et les forces de police : la fréquence des contrôles, pour ne pas dire leur redondance, entraîne un sentiment d’injustice et de stigmatisation chez les intéressés et constitue un facteur d’amplification du caractère conflictuel des relations entre les forces de l’ordre et les citoyens.
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