PLANTES & SANTÉ – 01/09/2020 – Par Isabelle Saget
Agir pour le vivant, telle a été pendant une semaine la thématique sur laquelle ont échangé à Arles des agronomes, des médecins, des herboristes mais aussi des naturalistes, des artistes et des jardiniers. Imaginée par les dirigeants d’Actes Sud, Françoise Nyssen et Jean-Paul Capitani, le festival a été l’occasion d’aborder une question d’actualité : la médecine du vivant au sein de laquelle l’herboristerie pourrait retrouver toute sa place. La présence du sénateur Joël Labbé, à l’origine de la mission pour l’herboristerie, a été l’occasion de faire également un point sur le sujet.
En France, 1 500 espèces médicinales ont été répertoriées. Mais pour parler de l’avenir des plantes médicinales et des métiers de l’herboristerie, Thierry Thévenin, lui-même paysan-herboriste et modérateur de la journée consacrée à la médecine du vivant a pointé d’emblée une contradiction : si la moitié des Français utilisent aujourd’hui les plantes pour se soigner, notre relation avec elles est marquée par la peur. Questionner cette peur, c’est aussi questionner l’encadrement légal de la phytothérapie, les différentes pratiques liées aux plantes médicinales et les acteurs qu’ils soient herboristes, pharmaciens, ou médecins. En tant que pharmacien, professeur de pharmacognosie, Pierre Champy a fait montre d’optimisme, estimant même que de nouvelles dérogations devraient permettre d’allonger la liste des plantes alimentaires et médicinales vendues par les herboristes (actuellement au nombre de 148). « L’agence du médicament est assez ouverte à cela », nous a-t-il appris. Pour lui, les problèmes de sécurité sont avant tout dus à des questions de qualité dans la traçabilité et à des mésusages qu’explique l’insuffisance des mises en garde destinées au consommateur. Il estime donc que le diplôme d’herboriste est nécessaire mais qu’en parallèle il faut mener d’autres combats. Citons les principaux : l’amélioration de la recherche fondamentale sur les plantes, une meilleure formation des médecins à la phytothérapie, et l’accès à une position moins marginale des plantes dans le parcours de soins hospitaliers.
Le problème de la transmission du savoir
À ses côtés, le médecin généraliste expert en phytothérapie depuis 1994, Bruno Dal Gobbo a insisté sur comment l’évolution des risques allait de pair avec l’évolution de la médecine. De la perte des connaissances ancestrales, à la fermeture des herboristeries, puis à celle des préparatoires de pharmacie, c’est l’arrêt de la transmission de ce savoir qui est en cause. « Je ne pense pas que la plante soit dangereuse, mais c’est la manière dont on la pratique, dont on dispense son savoir, dont on va l’utiliser qui l’est », a-t-il avancé. Et d’expliquer qu’en isolant les connaissances, et en cherchant à les renforcer uniquement pour elles-mêmes sans chercher à les partager, les différentes corporations se sont isolées les unes des autres aboutissant au climat de méfiance actuel. « Or sans communication, il devient impossible de transmettre les informations essentielles qui permettent à chacun de prendre sa place » a-t-il souligné. Le problème n’étant pas la dangerosité de la plante en tant que telle, mais la pertinence du conseil qui va justifier que l’on donne telle plante à un patient.
Bientôt une proposition de loi
Enfin, le sénateur écologiste Joël Labbé, (rattaché aujourd’hui au RDSE) est revenu sur son engagement en faveur de l’herboristerie et comment ce combat se poursuit aujourd’hui. À l’origine de l’interdiction des produits phytosanitaires dans les communes (loi Labbé), il a rappelé sa conviction : « Jusqu’à présent, dans ce domaine (les plantes médicinales ndlr) comme dans celui de l’agriculture et de l’alimentation, le politique a joué un rôle, à savoir de tout verrouiller sous la pression des différents lobbys. Or, les alternatives existent, il est nécessaire de réhabiliter le rôle que joue le végétal ». Pour cela, rappelons qu’il y a deux ans il organisait la mission d’information sur l’herboristerie avec l’idée que si « la médecine conventionnelle joue son rôle, maintenant les médecines alternatives ont été écartées, il faut les réhabiliter ». Si cette mission d’information s’est conclue par 38 recommandations pour réintroduire plus de plantes médicinales à différents niveaux (formation des médecins, dans l’agriculture bio, les écoles, etc.), la recommandation visant la réhabilitation des métiers de l’herboristerie a été bloquée par l’ordre des médecins et celui des pharmaciens. « On connaît leur influence sur le parlement », a rappelé le sénateur. Alors que faire aujourd’hui ? En s’appuyant sur un groupe de travail pluridisciplinaire, Joël Labbé a annoncé qu’il travaillait avec tous les professionnels pour définir un texte susceptible de dépasser les clivages politiques. « Je suis convaincu que l’on va y arriver maintenant », a-t-il affirmé, et d’inciter les citoyens à interpeller leurs représentants sur ce sujet. En effet, la proposition de loi en cours de préparation viserait à ouvrir un débat plus large, faisant d’ailleurs écho à la semaine arlésienne : « la loi future, sera en faveur du vivant, de sa réhabilitation et en faveur de la réconciliation de l’humain avec le vivant » a conclu le sénateur. De quoi sans doute susciter une mobilisation plus forte.
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