Lundi 18 décembre 2017, le Sénat a examiné en nouvelle lecture le projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement.
Ce projet de loi avait été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 10 octobre 2017 et par le Sénat le 8 novembre 2017, dans des termes différents. Le Gouvernement ayant engagé une procédure accélérée, une commission mixte paritaire, chargée de proposer un texte sur les dispositions du projet de loi restant en discussion, s’est réunie le 21 novembre 2017 mais n’est pas parvenue à un accord.
En nouvelle lecture, le Sénat a adopté, par 192 voix pour et 146 voix contre (voir les résultats du scrutin public), une motion tendant à opposer la question préalable, présentée par Mme Élisabeth LAMURE (Les Républicains – Rhône), au nom de la commission des affaires économiques, qui estime que :
- l’Assemblée nationale a confirmé, en nouvelle lecture, qu’elle n’entendait faire droit à aucun des arguments du Sénat sur l’interdiction de la recherche et de l’exploitation des hydrocarbures sur le territoire national, objet principal du présent projet de loi ;
- si des apports techniques ont été préservés par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, les députés sont en revanche revenus sur la quasi-totalité des amendements sénatoriaux sur la partie consacrée aux hydrocarbures, qu’ils ont rétablie, à quelques mots près, dans la rédaction issue de leurs travaux en première lecture ;
- ce faisant, ils ont confirmé qu’aux yeux du Gouvernement et de sa majorité, les fondements du texte étaient incontestables et qu’il n’y avait donc pas de place pour un dialogue entre les assemblées, dialogue auquel le Sénat était pourtant disposé.
En conséquence, le Sénat n’a pas adopté le projet de loi.
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Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je reprendrai la conclusion de notre collègue Jérôme Bignon : le monde change et va changer de façon accélérée. C’est une nécessité que nous devons considérer positivement.
Aujourd’hui, nous examinons en nouvelle lecture le projet de loi visant à mettre fin à la recherche d’hydrocarbures sur le territoire national après 2040. Enfin un texte qui se préoccupe du moyen et du long terme, alors que nous sommes trop souvent, ici comme dans d’autres instances, prisonniers du court-termisme !
Nous avons largement débattu de ce projet de loi en première lecture, notamment de sa portée « symbolique », puisque 1 % seulement des hydrocarbures consommés en France sont extraits sur le territoire.
Cette loi prend toutefois son véritable sens si on la considère comme le point de départ d’une véritable transition énergétique.
Il faut abandonner les énergies fossiles, décarboner notre économie, investir massivement dans les énergies renouvelables et dans les économies d’énergie, opérer la transition agricole, rémunérer les services écosystémiques et climatiques, mettre en œuvre le « 4 pour 1 000 »…
Nous devons aussi progresser sur les agrocarburants, afin que le changement d’affectation des sols, y compris indirect, soit pris en compte dans l’évaluation du bilan environnemental. Nous devons absolument laisser 80 % des réserves d’hydrocarbures dans le sous-sol si nous voulons avoir une chance d’éviter la catastrophe climatique.
La France doit montrer l’exemple et doit en être fière. Nous pouvons être leaders dans la lutte contre le bouleversement climatique. Ne laissons pas passer cette opportunité !
Si le Sénat, en première lecture, a contribué à enrichir ce texte en consolidant des mécanismes essentiels pour la transition, dans le même temps, la majorité de notre assemblée a vidé de sa substance le principe de l’arrêt de l’exploitation des hydrocarbures en 2040, en prévoyant des exceptions trop larges qui permettent à tous les exploitants de poursuivre l’extraction, notamment à travers le renforcement du droit de suite, inscrit dans le code minier, mais aussi avec la possibilité offerte aux exploitants de gisements de demander des dérogations allant au-delà de 2040 afin d’assurer « une rémunération normale des capitaux immobilisés compte tenu des risques inhérents à ces activités ». C’est l’un des éléments de dérégulation incompréhensibles issus des discussions au Sénat.
L’Assemblée nationale est évidemment revenue à un texte légèrement plus ambitieux, sans être dogmatique.
Cela a conduit la majorité de la commission des affaires économiques à adopter une motion préalable qui nous privera certainement de l’examen du texte dans le détail, ce que nous regrettons vivement !
Ce projet de loi est le premier marqueur de la politique de transition que vous avez voulue, monsieur le ministre d’État. Bien au-delà du symbole, c’est un signal fort adressé à la suite de sommets mondiaux de plus en plus alarmistes quant à notre capacité à réagir.
C’est aussi un texte qui donne sa vraie place au politique face aux intérêts économiques et financiers. La majorité sénatoriale a remanié le texte à la grande satisfaction des industriels du secteur pétrolier et gazier. La question de l’urgence climatique se pose pourtant comme une priorité essentielle : tout récemment, le climatologue Jean Jouzel a affirmé qu’il ne nous restait que trois ans pour inverser la courbe des émissions de gaz à effet de serre et espérer rester en dessous de la barre des 2°C.
Nous aurons des positions bien plus fortes encore à prendre dans un avenir proche. J’espère vivement que la majorité de la Haute Assemblée fera, elle aussi, sa transition, car nous savons qu’elle se soucie tout autant que nous de l’avenir des générations futures. Nous souhaitons que le Sénat joue pleinement son rôle d’assemblée de sages.
Jean Jouzel fait partie de ces scientifiques éclairés qui quittent leurs études pour essayer de faire bouger les choses. Avec Pierre Larrouturou, il a lancé un appel à la signature d’un pacte finance-climat européen pour diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre en Europe, mais aussi dégonfler la bulle financière et créer plus de 5 millions d’emplois à l’échelle européenne, pour éviter que l’humanité ne se dirige sans réagir vers un chaos climatique.
Je conclurai en vous citant, monsieur le ministre d’État. La semaine dernière, vous avez déclaré : « Nous avons été capables de trouver 1 000 milliards d’euros pour sauver les banques, nous devons faire preuve d’autant d’audace pour sauver le climat et l’humanité ! » (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe La République En Marche.)
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