LOCALTIS.INFO / Par Morgan Boëdec / Victoires-Editions – 19-01-2016
Le 19 janvier, le projet de loi sur la biodiversité entre en discussion au Sénat, après avoir été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale en mars dernier. Focus sur certains enjeux et points de crispation intéressant directement les élus locaux.
Le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, renommé ainsi lors de sa première lecture à l’Assemblée nationale, commence à être examiné en séance publique par les sénateurs le 19 janvier. La société civile a été invitée à participer à son élaboration sur le site Parlement & Citoyens. Un succès : plus de 7.000 contributions ont été recensées. « Avec des retombées concrètes : une dizaine débouchent sur des amendements », glisse-t-on au cabinet de la ministre de l’Ecologie. Un premier pas. Mais une goutte d’eau face au déluge d’amendements par ailleurs attendus. Une centaine vont être portés le groupe écologiste. « Nous avons ciblé sur ce qui a une chance de passer, tout en gardant à l’esprit que nos propositions alimenteront aussi indirectement les débats qui se joueront ensuite en seconde lecture à l’Assemblée nationale », explique le sénateur écologiste de la Loire-Atlantique Ronan Dantec.
Interdiction des néonicotinoïdes
Sous la houlette du sénateur du Morbihan Joël Labbé, un amendement visant à interdire à partir de septembre 2016 l’utilisation de produits contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes va être discuté. Deux autres amendements centristes et communistes vont aller dans son sens. Pour rappel, un amendement interdisant l’usage de ces produits avait déjà été adopté à l’Assemblée, puis supprimé en commission au Sénat. Mais le timing est bon pour le réintroduire, quelques jours après la publication par l’Anses de ses conclusions sur les risques présentés par ce type d’insecticides pour les abeilles et autres pollinisateurs.
Renforcer la culture de la compensation
Les élus écologistes vont aussi tenter d’ajouter une dizaine d’articles sur un enjeu intéressant directement les maîtres d’ouvrage : la compensation écologique. Au premier rang de ces maîtres d’ouvrage figurent les conseils généraux, grands pourvoyeurs de travaux et projets routiers. « Renforcer le dispositif actuel est une bonne chose, il y a des marges de progrès », a commenté sobrement la ministre de l’Ecologie lors d’un point presse le 18 janvier, à la veille des débats parlementaires prévus pour durer jusqu’au 26 janvier. Les maîtres d’ouvrage s’approprient la compensation. Mais le sujet est complexe et polémique, son efficacité étant mise en doute. Troisième acte d’une pièce qui commence par éviter, puis réduire les impacts d’un projet sur l’environnement (séquence ERC), elle a été introduite dès la loi de 1976 sur la protection de la nature. Et donne lieu au déploiement de mesures compensatoires – les premières remontent à 2006. « Nous voulons donner davantage d’effectivité à ces mesures en les assortissant d’une obligation de résultat. Et conférer à l’autorité administrative la possibilité d’ordonner le paiement d’astreintes journalières si les actions écologiques prévues ne sont pas réalisées », ajoute le sénateur Ronan Dantec.
Le devenir de l’Agence française pour la biodiversité
Les débats au Sénat risquent de se crisper à nouveau autour du titre III du projet de loi, qui institue l’Agence française pour la biodiversité (AFB). « Un outil unique qui, à peine né, intéresse déjà plusieurs de nos voisins à l’étranger », motive Ségolène Royal. Des associations dont France Nature Environnement, WWF et la LPO, qui ont fait connaître leurs revendications le 18 janvier, l’estiment néanmoins dès le départ fragilisé. Et ce « alors que de sa création dépend en grande partie la réussite du projet de loi », avancent-elles. Ces ONG mettent en avant deux enjeux : le rééquilibrage de l’expertise de l’agence – qui telle qu’elle est actuellement prévue exclut de son périmètre « le plus gros opérateur ayant de l’expertise sur les milieux terrestres, à savoir l’Office national de la chasse et de la faune sauvage » – et les moyens humains et financiers qui lui seront affectés. Ces ONG demandent à ce que le conseil d’administration de la future AFB, « resserré mais efficace », intègre des collectivités ou leurs groupements dont certains issus de l’outre-mer. Dans le titre V du projet de loi sur les espaces naturels, elles souhaitent par ailleurs voir réintégrée une mesure disparue lors des phases d’examen et instituant des zones prioritaires pour la biodiversité, un outil calqué sur celui qui vise à protéger les captages prioritaires d’eau potable. Elles proposent aussi d’intégrer une mesure sur la surface des places de stationnement imperméabilisées afin de freiner artificialisation des terres. Et réclament une réforme de l’autorité environnementale en région « afin qu’elle soit indépendante ».