Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je dispose aujourd’hui de douze minutes pour m’exprimer. C’est inhabituel pour notre groupe : nous disposons généralement de six minutes. Je vais quand même essayer de ne pas utiliser l’intégralité de mon temps de parole.
Le lien entre l’agriculture, le territoire, l’alimentation et les citoyens est enfin fait. Pour nous, c’est essentiel. Le projet de loi traduit une véritable volonté de transition – une transition certes souple, mais réelle – dans l’intérêt supérieur de la nation et même au-delà, car la France se doit d’être exemplaire. Stéphane Le Foll a montré sa détermination– il m’est plus facile de la saluer en son absence, et je lui souhaite au passage un prompt rétablissement – à faire de la France le leader européen de l’agroécologie. C’est fort, c’est noble !
En première lecture, un certain nombre de nos amendements– pas mal, même – ont été retenus. En deuxième lecture à l’Assemblée nationale, les députés écologistes ont obtenu l’adoption de plusieurs amendements. Pour cette deuxième lecture au Sénat, je me suis limité à un peu plus d’une trentaine d’amendements. Parmi eux, il n’y a aucun amendement de facilité : ils ont tous leur cohérence. Je connais le sort qui attend beaucoup d’entre eux. Je souhaiterais cependant qu’on puisse véritablement se pencher sur les plus importants et en débattre malgré les avis défavorables émis par la commission.
Je voudrais dire qu’on entend énormément parler de compétitivité. Il faut conduire des politiques efficaces en termes économiques, en termes de respect des équilibres, en termes sociaux et sociétaux, mais la recherche de la compétitivité à tous crins me dérange. Je souhaiterais qu’on trouve un autre mot que celui-ci, même si je sais qu’il est dans l’air du temps ; nous, nous préférons parler d’efficience ou d’efficacité.
J’en viens à nos amendements.
Le système d’échange de semences entre les groupements d’intérêt économique et environnemental ne nous convient pas. Il est nécessaire que l’échange de semences entre exploitations puisse se faire en dehors des GIEE.
Didier Guillaume a souligné qu’un certain nombre de nos amendements portaient sur la méthanisation. Cette technique est une partie de la réponse aux problématiques agricoles et énergétiques, mais une partie seulement. Il ne faut pas que la méthanisation serve de prétexte à une industrialisation à outrance de l’agriculture et de l’élevage. Vous connaissez la ferme des mille vaches. Certains objecteront qu’elle ne comptera que cinq cents vaches, mais – j’en parlerai tout à l’heure à propos des SAFER – l’esprit mille vaches pourra perdurer, parce que nous n’avons pas encore trouvé la parade.
Nous souhaitons que la priorité soit donnée à la méthanisation agricole collective et que la puissance des méthaniseurs soit limitée. La méthanisation sert beaucoup dans les porcheries où les porcs sont élevés sur caillebotis. Il existe pourtant une autre méthode, ancestrale et noble celle-là, c’est d’élever les porcs sur paille. Vous pouvez bien sourire et presque ricaner, monsieur Bizet, mais ce serait véritablement un progrès. La paille, mélangée au lisier, donne du fumier, et ce depuis la nuit des temps. En plus, les excédents pourraient être un bon complément pour les méthaniseurs.
Nous souhaitons renouer les liens entre le monde agricole, les élus et les consommateurs.
Je me dois de parler des CDPENAF, les commissions départementales de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. Nous avons déposé un amendement pour obtenir que leur avis conforme soit requis lorsqu’un projet ou un document d’aménagement ou d’urbanisme a pour conséquence une réduction de surfaces à vocation ou à usage agricole. Nous savons que cet amendement ne sera pas adopté, mais nous souhaitons que l’avis conforme des CDPENAF soit requis au moins pour les terres cultivées en agriculture biologique. Il me semble que c’est possible, et que ce serait un signe fort.
L’amendement de Didier Guillaume visant à supprimer l’obligation de demander l’avis – je parle d’un avis simple – de la CDPENAF sur les PLU, les plans locaux d’urbanisme, couverts par un SCOT, un schéma de cohérence territoriale, ne nous convient pas du tout. Je souhaite vraiment qu’on en discute. Il faut que les CDPENAF émettent au moins un avis simple sur l’ensemble des PLU du territoire national. Tout le monde le sait, le SCOT n’est pas à l’échelle du PLU qui, lui, est à l’échelle de la parcelle. Nous sommes allés trop loin dans la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers. Il est important d’en discuter. Pour nous, c’est un point extrêmement important.
Je l’ai dit à plusieurs reprises : je ne suis pas un marchand de tapis. Ce projet de loi nous convient, et nous le voterons. Le débat doit cependant avoir lieu, dans un climat de confiance réciproque. Nous souhaitons qu’il y ait une véritable réflexion, afin que nous puissions avancer sur cette question de l’avis des CDPENAF.
Je m’étendrai demain sur la question des pesticides, bien qu’il ne soit pas très sain de s’étendre sur des pesticides… Par définition, l’agroécologie doit se libérer de l’usage excessif, et même de l’usage tout court, de l’agrochimie. Les choses ne se feront pas du jour au lendemain, mais nous sommes convaincus que la noblesse de l’agronomie, en particulier de la recherche agronomique – nous parlerons de l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, et des autres instituts de recherche –, serait de favoriser le développement de l’agroécologie.
Le projet de loi comporte un acquis en ce qui concerne les PNPP, les préparations naturelles peu préoccupantes. C’est un sujet pour lequel nous nous battons depuis longtemps, et nous avons fini par trouver une solution. L’action de Germinal Peiro, rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale, a été déterminante : il s’est mouillé pour trouver une solution avec le Gouvernement. C’est une grande avancée !
La question de l’aide bénévole dans le monde agricole peut sembler anecdotique. Je ne parle pas de l’entraide des agriculteurs, mais de l’aide apportée bénévolement par des citadins à des agriculteurs, qu’on appelle le woofing. Actuellement, il n’existe aucun cadre pour cette pratique. Nous souhaitons donc que soit créé un contrat d’aide bénévole.
Je ne m’attarderai pas sur la question des loups. Nous en parlerons demain. Il s’agit là encore de trouver un équilibre. Oui, le pastoralisme doit vivre – et pas seulement survivre –, afin de jouer son rôle dans la préservation de la biodiversité, dans l’élevage et dans l’alimentation, mais le loup doit lui aussi garder sa place !
M. Didier Guillaume, rapporteur. Bien sûr !
M. Joël Labbé. Dans ce domaine également, le déséquilibre vient des nouvelles méthodes d’élevage. Dans les espaces dédiés au pastoralisme, il y a beaucoup moins de présence humaine que par le passé. Or on sait que le loup n’attaque pas l’homme, car le rapport de force lui est défavorable. Cela donne matière à réflexion.
Le projet de loi comporte une grande avancée sur la question des SAFER, puisqu’il donne la priorité aux nouvelles installations sur l’agrandissement des exploitations existantes. Il reste cependant un point clé pour lequel aucune solution n’a été trouvée : les parts de société. Nous avons discuté avec le Gouvernement et avec les services du ministère. En l’état, l’intérêt général ne peut pas s’imposer face au droit de propriété. Pour nous, c’est absolument inacceptable. Nous souhaitons que, s’il n’est pas possible de trouver une solution aujourd’hui, le Gouvernement retravaille sur ce point, afin que les établissements industriels tels que la ferme des mille vaches ne puissent pas continuer dans la même voie. Ils connaissent déjà les moyens de contourner la loi alors qu’elle n’a pas encore été votée.
Je dirai enfin un mot de la forêt. Nous avons un point de désaccord avec Philippe Leroy. Le code des bonnes pratiques sylvicoles ne nous convient pas. Nous en avons longuement parlé en première lecture, mais nous allons encore en parler, car nous souhaitons revoir cet aspect du projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
> Voir objet du texte et étapes de la discussion
> Voir le communiqué de presse