Proposition de loi relative à l’interdiction de la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues,

Je me réjouis que nous puissions examiner cette proposition de loi, un peu plus de deux mois après l’adoption d’une motion de M. Jean Bizet tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité ayant rendu caduc un texte similaire déposé par notre collègue Alain Fauconnier.

Au-delà de l’arrêté pris en mars par M. le ministre de l’agriculture et interdisant la commercialisation, l’utilisation et la culture du maïs génétiquement modifié MON 810, qui constituait une mesure d’urgence avant la période des semis, il y a bien lieu de légiférer sur cette question.

Je tiens donc, au nom du groupe écologiste, à saluer le groupe socialiste qui a déposé cette nouvelle proposition de loi à l’Assemblée nationale. Je vois dans cette initiative un signe encourageant, entérinant la volonté de la France d’engager la transition de son modèle agricole et alimentaire vers l’agroécologie, en cohérence avec ce que nous avons défendu dans le cadre des débats sur le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. J’entends par là la fin du mirage de l’agrochimie et des biotechnologies modernes comme seules réponses aux impératifs de rendement, et le développement de pratiques agricoles nouvelles, productives, respectueuses des écosystèmes et des dynamiques humaines territoriales.

J’avais envisagé de déposer un amendement tendant à élargir l’interdiction à la culture de toutes les plantes génétiquement modifiées. Par souci d’efficacité, j’y ai renoncé.

M. Jean-Jacques Mirassou. Vous avez bien fait !

M. Joël Labbé. Mais nous comptons sur le Gouvernement, sur votre détermination, monsieur le ministre, et sur celle de notre nouvelle ministre de l’écologie, qui a toujours ardemment défendu une agriculture familiale de qualité, pour déjouer les tentatives de passage en force de la Commission européenne, sous la pression permanente des lobbys OGM, et pour garantir aux consommateurs français et européens que, demain, ils ne trouveront pas d’OGM dans leurs assiettes.

M. Jean Bizet. Il y en a déjà !

M. Joël Labbé. C’est que la Commission européenne prévoit, dans ses projets actuels, de donner la possibilité à un pays d’être exclu en amont du champ d’une demande d’autorisation de mise en culture d’un OGM : de tels projets sont inacceptables. Que ferons-nous une fois qu’une variété sera cultivée dans l’un des États membres ? Aucun autre État ne pourra empêcher la vente de produits alimentaires transformés utilisant ces variétés transgéniques, libre circulation oblige !

Alors que 75 % de nos concitoyens européens restent fermement opposés à l’utilisation d’OGM en agriculture, nous ne sommes pas dupes des manœuvres des grandes entreprises du secteur !

Je voudrais citer ici quelques-unes des conclusions que la Fédération internationale des amis de la terre vient de publier dans son rapport intitulé Qui tire profit des cultures GM ? Une industrie bâtie sur des mythes, cette étude étant fondée sur les chiffres des industriels.

Tout d’abord, les cultures génétiquement modifiées sont de moins en moins acceptées dans le monde et se heurtent à une résistance considérable sur tous les continents, en raison de leurs impacts écologiques et sociaux.

Par ailleurs, comme M. le ministre l’a indiqué, l’utilisation de pesticides augmente en raison des résistances développées par les herbes non désirables, dites adventices, et les insectes, de sorte que les cultures génétiquement modifiées tolérant les herbicides et produisant leurs propres pesticides n’apportent pas une solution réelle au problème des ravageurs agricoles.

Enfin, 99 % des denrées génétiquement modifiées cultivées sont encore tolérantes aux herbicides, résistantes aux insectes ou à une combinaison des deux.
À ceux qui me reprocheraient de citer une organisation connue pour ses positions environnementales engagées, je propose de prendre également connaissance du bilan dressé par le ministère de l’agriculture américain après quinze ans de développement des OGM. Ce bilan met en exergue les premières conséquences environnementales de ces cultures, notamment la résistance des adventices et, tout particulièrement, au glyphosate. On y fait également état de résultats mitigés en termes de rendements et de retours sur investissement.

La multiplicité des risques environnementaux, socio-économiques et sanitaires que font courir les OGM nous appelle à ne pas céder à la pression des lobbys. Nous devons garder le cap que nous nous sommes fixé et conduire la France et l’Europe sur le chemin de l’agroécologie, garante de la souveraineté alimentaire et avalisée par un nombre croissant d’experts en divers domaines de la communauté scientifique.

Comme le rappelle Olivier de Schutter au terme de son mandat de rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l’alimentation, « notre modèle agricole, fondé sur des intrants intensifs et dépendant de l’industrialisation toujours plus poussée de l’agriculture, est à bout de souffle ».

Comment s’en sortir ? Il faut compter avec la résistance de la nature : des herbes non désirables finissent par développer des résistances ; les insectes font de même. La nature est effectivement bien faite et sait s’adapter aux conditions les plus défavorables.

Je conclurai d’ailleurs en évoquant l’éthique et la nature humaine : face au crime contre l’humanité – je pèse mes mots – que constitue l’agrochimie dans les pays du Sud, est en train de se développer une résistance des peuples à l’échelle de la planète !

À cet égard, monsieur Bizet, en réponse au Mouvement pour une organisation mondiale de l’agriculture que vous animez avec les tenants de l’agrochimie, je lancerai dans les prochains jours un appel en faveur de la mise en place d’un Mouvement mondial des parlementaires pour la défense de l’agroécologie.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe écologiste votera cette proposition de loi.(Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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