Deuxième lecture
« L’encadrement des loyers, tout le monde en parle depuis longtemps. Vous, Madame la Ministre, vous l’avez fait ! »
Le respect de la dignité humaine passe par celui du droit fondamental à l’accès à un logement décent pour un coût acceptable : vous l’avez dit et répété, madame la ministre, notamment lorsque vous avez évoqué « la nécessité absolue de ne pas renoncer ».
Les difficultés de logement des Français ne sont pas une nouveauté et elles persistent. Comment en irait-il autrement sachant que, au cours des dix dernières années, le prix du mètre carré a augmenté de 200 % ?
L’effort financier consenti par les locataires est trop souvent supérieur à 30 % de leurs revenus mensuels, alors que n’importe quel créditeur estime qu’il ne faut pas dépasser ce seuil en matière d’endettement. Or le loyer, en tant que dépense incompressible, est aussi une forme d’endettement.
Vous avez rappelé, madame la ministre, que votre politique ne pouvait avoir d’effets immédiats ou à court terme. Effectivement, quelle que soit votre détermination, il faut du temps pour que les choses se mettent en place. À cet égard, ce projet de loi marque une étape supplémentaire.
Dans les zones tendues, des files d’attente interminables de candidats à la location se forment encore dans les escaliers. Je parle bien de « candidats », tant la recherche d’un appartement est devenue, dans de nombreuses villes, aussi complexe que celle d’un emploi.
Voilà comment on en arrive à des loyers d’un montant totalement démesuré, plaçant les locataires en situation de fragilité et alimentant la peur panique des petits propriétaires d’être confrontés à des impayés. Dans certaines villes, en premier lieu à Paris, on assiste à l’éviction du marché du logement de toute une frange de la population, avec une polarisation entre les couches favorisées et les poches de misère. Bref, on peut parler d’un véritable cercle vicieux !
L’encadrement des loyers, tout le monde en parle depuis longtemps. Vous, madame la ministre, vous le mettez en œuvre ! Nous tenons à vous en féliciter.
Mieux encore, vous nous avez proposé un projet de loi qui comporte une série de mesures permettant de limiter les excès du parc privé, par la régulation des relations entre propriétaires et bailleurs, la lutte contre la vente à la découpe et contre l’habitat indigne, la prévention des expulsions et de la dégradation des copropriétés, la réforme des procédures pour l’attribution des logements sociaux, etc.
Parmi les nombreuses dispositions de ce texte, je voudrais en saluer une tout particulièrement : la création effective de la garantie universelle des loyers.
En première lecture, nous parlions d’une préfiguration. Aujourd’hui, nous avons un projet déjà bien abouti, un périmètre dessiné, un dispositif progressif qui, à terme, incitera l’ensemble des propriétaires à préférer une garantie publique à un cautionnement aléatoire, irrécouvrable dans 60 % des cas.
Je voudrais saluer les membres du groupe de travail mis en place autour de Jacques Mézard et de Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Je faisais partie de ce groupe, mais mon emploi du temps ne m’a permis d’assister qu’à la conclusion de ses travaux, menés dans un esprit pluri-politique ayant contribué à enrichir la loi. J’ai trouvé ce processus absolument admirable !
La définition juridique de l’habitat participatif et des coopératives d’habitants pour faciliter le recours à ce mode de construire, d’habiter et de vivre ensemble me semble également emblématique du franchissement d’un cap. Dans la commune dont je suis maire pour quelques semaines encore, un beau projet, en termes de mixité sociale, est en train de voir le jour : voilà le cadre juridique adéquat que ses promoteurs attendaient avec impatience ! N’oublions pas que si l’on dénombre à l’heure actuelle, en France, quelques milliers de projets dans le domaine de l’habitat participatif, on en compte plusieurs millions dans les pays du Nord.
Ce sont là autant de motifs de satisfaction, madame la ministre, mais, vous êtes bien placée pour le savoir, les écologistes en veulent toujours plus, ils ne sont jamais complètement satisfaits ! (Mme la ministre sourit.)
Quid de celles et de ceux qui n’ont pas accès à un logement ou dont le mode de vie est différent ? Je pense bien sûr aux demandeurs d’asile ou aux personnes qui vivent dans des campements, que ce soit de façon « choisie »ou « subie ».
Pour parfaire certaines dispositions du texte, nous avons déposé un amendement tendant à étendre le bénéfice de la trêve hivernale aux personnes occupant des campements, des bidonvilles ou autres habitats précaires.
Nous avons également dû déposer un amendement relatif à la domiciliation des demandeurs d’asile. Cette domiciliation était prévue initialement dans le texte, mais a disparu en deuxième lecture à l’Assemblée nationale. Pourquoi ? On le sait, en cette période pré-électorale, ces sujets sont extrêmement délicats. Nous estimons néanmoins qu’il faut regarder les réalités en face. On ne parviendra pas à trouver de solution si l’on ne prend pas le problème à bras-le-corps. À cet égard, le tissu associatif accomplit un travail remarquable. Ma collègue Aline Archimbaud, membre de la commission des affaires sociales, défendra des amendements portant sur ce sujet.
J’en viens au dernier titre de ce projet de loi ambitieux, relatif à l’urbanisme.
Sur la question du PLUI, ma position a évolué ; j’en reparlerai dans la suite du débat.
Après nos échanges sur le projet de loi relatif à la consommation, anticipant certainement ceux que nous aurons sur le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, vous ne serez pas surpris, mes chers collègues, que je me sois attaché à inscrire dans le présent texte la prise en compte dans les outils de planification des questions agricoles et alimentaires.
En première lecture, j’avais proposé d’adjoindre à chaque document d’urbanisme un « plan territorial alimentaire ». On m’avait alors renvoyé à la discussion du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt : nos collègues députés m’ont entendu, qui parlent d’inscrire dans ce dernier texte des « contrats alimentaires territoriaux ».
J’avais préparé de nouveaux amendements relatifs aux SCOT, mais votre cabinet, madame la ministre, et la commission ont estimé que mes propositions bousculaient trop le dispositif. En revanche, je défendrai la prise en compte de l’agriculture dans le diagnostic des SCOT. (Mme Élisabeth Lamure et M. Jean-Claude Lenoir s’exclament.)
J’attends que cet amendement reçoive, sinon des avis favorables, du moins des avis de sagesse, afin de pouvoir véritablement faire progresser la prise en compte de l’agriculture dans les documents d’urbanisme, car tout est lié.
Il importe de prendre de telles mesures, frappées au coin du bon sens, si nous voulons pouvoir demain nous nourrir avec des aliments produits autant que possible localement, et renouer ainsi avec la noblesse d’une agriculture de proximité, nourricière et créatrice d’emplois.
En conclusion, madame la ministre, vous avez été ambitieuse, et nous le sommes également : je ne parle pas ici seulement des écologistes. Nous soutiendrons donc avec force votre projet de loi, tout en comptant sur votre dextérité pour le fignoler jusqu’au vote final. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)