Proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités locales

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,

Je veux d’abord signaler à Mme Troendle que les écolos souhaitent, eux aussi, le renvoi de cette proposition de loi à la commission.

Mme Catherine Troendle. C’était un oubli involontaire !

M. Joël Labbé. Après la proposition de loi Warsmann, cette proposition de loi Doligé est une manifestation supplémentaire de la frénésie législative du Gouvernement en matière de lois disparates, où les cavaliers législatifs sont légion !
Déposée le 4 août 2011, à la veille des élections sénatoriales, et destinée à être annoncée au congrès de l’Association des maires de France de novembre, cette proposition de loi visait surtout à redorer l’image du président-candidat auprès des élus locaux, effectivement très conscients du poids des normes.
Pourtant, la simplification des normes applicables aux collectivités locales constitue un enjeu démocratique majeur. L’inflation des règles entraîne un coût exorbitant. Comme vous le savez, la commission consultative d’évaluation des normes l’a estimé, pour l’année 2010, à 577 millions d’euros.
L’instabilité de ces normes est également problématique : en dix ans, 80 % des articles du code général des collectivités territoriales ont été modifiés.
L’impact sur le budget des collectivités n’est pas négligeable. Elles sont en effet de plus en plus contraintes dans leurs projets, malgré l’augmentation constante des compétences leur incombant.
Toutefois, même si le chantier est vaste et urgent, il ne doit pas être mené au détriment du droit et de la concertation. L’élaboration de cette proposition de loi s’est effectuée au mépris d’une réelle réflexion collective. Ainsi, les associations environnementales conviées par le Gouvernement à différentes réunions de travail attendent toujours qu’on leur réponde sur les propositions qu’elles y ont formulées.
Par ailleurs, comment réaliser un travail parlementaire sérieux lorsque tout doit se faire dans la précipitation ? Cette proposition de loi ayant été inscrite à l’ordre du jour sur la demande du groupe UMP émise le 17 janvier 2012, les rapporteurs, qui ont accompli au demeurant un travail de grande qualité, ont disposé de moins de trois semaines pour procéder à des auditions et effectuer l’analyse d’un texte technique et hétérogène, portant aussi bien sur l’urbanisme et l’environnement que sur certains aspects des politiques sociales.
Il serait évidemment plus pertinent d’élaborer différentes lois thématiques que de noyer ainsi plusieurs sujets dans un texte unique et sans cohérence globale. À moins de vouloir faire passer, à la faveur d’un malentendu, des dispositions iniques et indéfendables…
Enfin, comment espérer qu’un débat de qualité puisse avoir lieu, alors que nous ne disposons que de trois heures trente pour examiner trente-trois articles et que les avis du Conseil d’État n’ont été communiqués qu’au président du Sénat et aux rapporteurs ?
Sur la forme, le processus d’élaboration de cette proposition de loi a donc péché par manque de méthode et de respect.
Sur le fond, plusieurs dispositions figurant dans ce texte méritent d’être dénoncées.
De nombreuses zones d’ombre entourent le principe de proportionnalité et d’adaptation des normes en fonction de la taille des collectivités. La loi opère déjà des distinctions selon ce critère, que ce soit directement ou par renvoi à un décret. S’il s’agit simplement de rappeler le droit existant, ce n’est que de la poudre aux yeux ! Le Conseil d’État, saisi par le président du Sénat, ne s’y est d’ailleurs pas trompé, faisant remarquer, dans l’un de ses avis, qu’un tel principe pourrait être qualifié d’anticonstitutionnel.
Par ailleurs, le mouvement de décentralisation risque d’être lui-même touché par le renforcement des pouvoirs du préfet.
La proposition de loi ouvre également un certain nombre de brèches vers une plus grande dérégulation.
Dans le domaine du handicap, plusieurs coups sont portés au principe d’accessibilité des établissements recevant du public. Les dérogations pour cause d’impossibilité technique et de conservation du patrimoine seraient non plus exceptionnelles, mais de plein droit.
Le texte autorise également la commune à supprimer son CCAS. Une fois ce dernier dissous, la commune exercerait directement les missions confiées à cet organisme.
Rendre facultative la création d’un CCAS est une fausse bonne idée, de nature à fragiliser davantage encore l’action sociale de proximité, à l’heure où de plus en plus de nos concitoyens sont en grande précarité. Ces fausses économies sont scandaleuses, car le risque d’une rupture d’égalité entre les citoyens est bien réel.
La dérégulation sévit aussi dans le volet consacré à l’urbanisme. L’article 20, fortement décrié par les associations environnementales, cherche à affranchir le PLU de contraintes réglementaires, pourtant nécessaires, et à amoindrir contrôles et évaluations. L’article 21, quant à lui, en donnant la possibilité de signer des promesses de vente avant l’obtention du permis de construire, offre aux promoteurs une arme de pression non négligeable.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur la forme comme sur le fond, ce texte n’a pu donner lieu à un travail parlementaire abouti et ne résout en rien le problème de la complexité des normes en vigueur. Parce qu’il convient de laisser les élus locaux s’exprimer dans le cadre des états généraux proposés par le président Bel, parce qu’il sera bien temps, après, de travailler en profondeur sur ce texte, les élus écologistes soutiendront la motion tendant au renvoi à la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

> voir objet du texte et étapes de la discussion

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