Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues,
Permettez-moi tout d’abord de vous présenter tous mes vœux pour cette année 2012, dont j’espère qu’elle sera marquée par un riche débat démocratique, un véritable débat de société. Cette nouvelle année doit, en tout état de cause, être une année de transition ; cela est nécessaire, voire vital. Comme l’a dit le doyen de notre assemblée le jour de l’élection du président Bel, « jamais les femmes et les hommes politiques n’ont eu devant eux une telle responsabilité ». Effectivement, notre responsabilité est énorme, et nombre de nos concitoyens jugent la mission impossible. Je leur répondrai en reprenant la citation de Mark Twain qui figurait dans le message de vœux de ma commune de Saint-Nolff : « Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait. »
Enfin, avant de clore ce préambule, je tiens à souligner que ce 11 janvier 2012 est un jour historique pour nous sénateurs écologistes, puisque nous formons désormais un groupe politique, certes minoritaire mais membre de la majorité sénatoriale.
J’en viens maintenant au texte que nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture. Ce projet de loi vise à rénover et à optimiser l’organisation du service public de la voie d’eau, en vue d’une plus grande efficacité. Cependant, il se borne pour l’essentiel à regrouper au sein d’un unique établissement public administratif les 369 salariés de Voies navigables de France, gestionnaire de la majeure partie du réseau fluvial français, et les 4 400 agents des services déconcentrés de l’État chargés du service public de la navigation fluviale. Pour l’heure, 90 % des personnels concernés ne relèvent donc pas directement de l’autorité du gestionnaire du réseau fluvial.
Certes, de nombreuses raisons justifiaient une modification de ce modèle de gouvernance complexe : manque de lisibilité, défaut de légitimité de VNF source de difficultés sur le terrain… Ce texte est donc un préalable utile au développement de la voie d’eau en France. Il permettra de pallier des dysfonctionnements et de redonner de la cohérence à la gestion des voies navigables.
Le présent projet de loi a le mérite d’apporter une clarification, en précisant davantage le rôle et les compétences du nouvel établissement public administratif. De plus, en ce qui concerne les personnels, il a fait l’objet d’une concertation, ayant abouti à la signature d’un protocole d’accord avec les différentes organisations syndicales représentatives.
Cependant, la réforme proposée est loin d’être suffisante. Cela a été souligné à plusieurs reprises, le transport fluvial a la vertu d’être fiable, sûr et peu polluant. Il ne représente pourtant à l’heure actuelle que 4 % du fret dans notre pays. Des efforts considérables pour développer le fret fluvial doivent donc être consentis ; l’enjeu est fondamental en matière de développement durable. Il a d’ailleurs été prévu, dans le cadre du Grenelle de l’environnement, de faire progresser la part du fret non routier et non aérien de 14 % à 25 % à l’échéance de 2022.
Certes, en 2010, pour la première fois depuis les années soixante-dix, notre trafic fluvial a représenté 8 milliards de tonnes-kilomètres, mais il faudrait le doubler d’ici à 2018 pour atteindre les objectifs du Grenelle de l’environnement. Selon VNF, la majorité des ouvrages dont il assure la gestion se trouvent dans un état d’entretien préoccupant : 54 % des écluses et 66 % des barrages présentent des risques de perte de fonctionnalité. Or la qualité du service est directement liée à l’état des ouvrages.
Vous avez annoncé 840 millions d’euros d’investissements sur la période 2010-2013, monsieur le ministre,…
M. Thierry Mariani, ministre. C’est vrai !
M. Joël Labbé. … et le schéma national des infrastructures de transport prévoit l’affectation de 2,5 milliards d’euros aux voies fluviales d’ici à 2018. C’est là un premier pas, dont nous attendons qu’il trouve une traduction concrète, mais, eu égard aux besoins considérables de financement pour moderniser le réseau fluvial, cela reste insuffisant.
La situation actuelle témoigne d’un manque de volonté politique. Pourquoi avoir laissé péricliter le secteur fluvial ? Beaucoup ont refusé de voir en lui un atout majeur en vue de la mise en place d’une politique de transport ambitieuse, viable économiquement et plus respectueuse de l’environnement. La réforme que vous nous proposez aujourd’hui est uniquement organisationnelle. De plus, elle est fondée sur l’idée que le domaine public fluvial doit participer au financement des dépenses engendrées par son exploitation, quitte à segmenter le réseau selon la rentabilité économique de ses composantes. Or c’est bien là que le bât blesse : à quand une loi fluviale qui garantirait des moyens financiers, des investissements cohérents, fondés non plus sur la seule rentabilité, mais sur des objectifs de connexion entre les différentes voies et de coopération entre les ports ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)