Monsieur le président, monsieur le ministre,
madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues,
Nous avons entendu Mme Bruguière parler avec émotion de ces Français qui en ont assez d’être « pris en otages », de ces enfants qui pleurent, de ces personnes qui ont besoins d’être opérées…
Mme Marie-Thérèse Bruguière. C’est la vérité !
M. Joël Labbé. Voilà comment on stigmatise ! Voilà comment on accuse ! Voilà comment on divise !
M. Ronan Kerdraon. Très bien !
M. Joël Labbé. Pour ma part, je souhaite parler d’un véritable dialogue social.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Exactement ! C’est cela qui est important !
M. Joël Labbé. La proposition de loi relative aux transports aériens atterrit une nouvelle fois devant nous.
Comme l’a rappelé mon collègue Jean Desessard lors de la première lecture du texte au Sénat, c’est-à-dire la semaine dernière, l’UMP, madame Bruguière, n’a pas le monopole de l’empathie avec les usagers. Nous aussi, comme tous nos collègues, regrettons les files d’attentes dans les aéroports ; nous préférerions que cela n’existe pas.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Exact !
M. Joël Labbé. Il nous importe que les usagers bénéficient effectivement de l’information concernant leur vol, mais cette proposition de loi, en plus d’être dangereuse et stigmatisante, n’aura pas l’efficacité nécessaire pour que cet objectif soit atteint. Selon l’UMP, cette loi garantit l’information des usagers en renforçant le dispositif de « dialogue social préventif ». Mais, plutôt que de permettre ce dialogue entre les salariés et leur direction, le texte impose le monologue patronal.
En obligeant les salariés à se déclarer individuellement grévistes quarante-huit heures avant le début de la grève, puis à ne reprendre le travail que vingt-quatre heures après l’avoir décidé, cette proposition de loi restreint le droit de grève, mais pas seulement. Elle est inefficace et manque complètement son objectif affiché, l’amélioration du service aux usagers. Elle interdit à chaque salarié de se rétracter individuellement moins de vingt-quatre avant le début de la grève, sous peine de sanction. On a vu mieux, monsieur le ministre, pour améliorer le dialogue social que vous prétendez défendre !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. C’est vrai !
M. Joël Labbé. Les salariés doivent également informer leur direction vingt-quatre avant leur reprise de fonction. En reprenant le travail plus rapidement, afin de ne pas voir leur salaire gravement amputé, ils s’exposent à des sanctions… Vous évoquez un dispositif de dialogue social préventif, mais vous freinez les possibilités non seulement de se mettre en grève, mais aussi de terminer le mouvement plus rapidement.
Il s’agit bien d’une réforme au détriment des salariés et aux dépens des usagers ! À moins que cette réforme ne vise pernicieusement à faire en sorte qu’il n’y ait plus de possibilité de grève du tout ?
Quelle culture du dialogue social !
Vous n’avez même pas pris la peine de discuter avec les partenaires sociaux. Nous sommes tous conscients que les premiers concernés veulent donner leurs avis ; tous, sauf vous !
Comme sur d’autres enjeux, vous êtes en train de cliver la société française. Vous opposez salariés et usagers des transports aériens en espérant en tirer quelques bénéfices électoraux, manquant du même coup l’occasion de faire une loi cohérente et efficace.
Pour améliorer à la fois l’information et les conditions de transport des usagers, il faudrait s’attaquer aux problèmes sociaux qui minent les salariés de ce secteur. Car, des problèmes sociaux, il y en a !
Vous pourriez, par exemple, intervenir pour empêcher la compagnie française Air Méditerranée de délocaliser ses emplois en Grèce – comme par hasard ! –, là où les salaires et les protections sociales sont moins favorables aux salariés ! Cela risque d’amener par effet d’entraînement les autres voyagistes à faire de même. Autant d’emplois qui seront alors délocalisés !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
M. Joël Labbé. Vous pourriez faire en sorte d’intervenir pour améliorer les conditions de travail dans ce secteur fortement marqué par les contrats précaires et la sous-traitance.
Mais, plutôt que de vous attaquer aux délocalisations qui touchent le secteur aérien ou à la précarité et aux mauvaises conditions de travail qui touchent les salariés de ce secteur, vous choisissez la facilité du slogan et remettez en cause le droit de grève.
Le Conseil constitutionnel a rappelé à plusieurs reprises la valeur constitutionnelle du droit de grève. Il est possible de le limiter pour garantir la satisfaction des « besoins essentiels du pays », pour assurer la continuité du service public. Mais la notion de service public n’est clairement pas pertinente ici.
Les auteurs de la proposition de loi contournent donc cette difficulté en brandissant la « sauvegarde de l’ordre public » au nom de « la protection de la santé et de la sécurité des personnes ».
Vous faites là un amalgame particulièrement dangereux. Les mouvements sociaux de personnels ne sauraient être considérés comme des troubles à l’ordre public. Cette dérive d’abord sémantique que vous distillez maintenant à longueur de discours va l’encontre de nos principes républicains. La grève est un droit, un droit civique, un droit salarial. Les grévistes qui contestent une réforme ou un plan de licenciement ne sont pas des terroristes !
C’est proposition de loi relève de l’affichage politique, elle remet en cause le droit de grève et n’améliore en rien l’information et les conditions de voyage des usagers, qui nous tiennent à cœur à toutes et tous ici.
Et personne n’en veut, pas même la direction d’Air France, qui a signé un accord sur le droit de grève avec les syndicats.
Vous l’aurez compris, les sénateurs et sénatrices écologistes voteront pour la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme la présidente de la commission des affaires sociales applaudit également.)