Le Télégramme

Pesticides : le lobbyiste Phytéis mis en demeure après un signalement du sénateur du Morbihan Joël Labbé

LE TÉLÉGRAMME – 03/05/2023

Le lobbyiste Phytéis, qui représente des fabricants de pesticides, a été mis en demeure par le président du Sénat pour avoir « manqué à son devoir de probité », à la suite d’un signalement, notamment, du sénateur morbihannais Joël Labbé.
Le président du Sénat, Gérard Larcher (LR), « a mis en demeure », ce mercredi, le lobbyiste Phytéis, qui représente 19 fabricants de pesticides, pour avoir « manqué à son devoir de probité » dans ses contacts avec les sénateurs, a annoncé la Chambre haute dans un communiqué. C’est la première fois que cette procédure est mise en œuvre au Parlement depuis sa création par la loi « Sapin II » du 9 décembre 2016.

Le président du Sénat « met en demeure Phytéis de respecter les obligations déontologiques auxquelles les lobbyistes sont assujettis », selon le communiqué. Cette procédure n’entraîne pas de sanction pénale, mais est rendue publique, selon la pratique du « name and shame », qui vise à nommer publiquement les acteurs manquant à leurs obligations.

Plusieurs sénateurs contactés

La mise en demeure fait suite à un signalement du sénateur écologiste du Morbihan Joël Labbé et de quatre associations (Transparency International France, Les Amis de la Terre France, Foodwatch France et l’Institut Veblen). « Nos organisations ont joué leur rôle de vigie », ont-elles réagi, ce mercredi, dans un communiqué, se félicitant d’une décision envoyant un « signal fort à l’encontre de tous les lobbys ». « Phytéis n’a pas hésité à user d’un chantage à l’emploi fondé sur une méthodologie fantaisiste pour protéger ses affaires, au mépris de la santé publique et de l’environnement », ajoutent-elles, estimant que cette mise en demeure publique constitue « un précédent ». Sollicité ce mercredi après-midi, Phytéis n’avait pas répondu dans l’immédiat.

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Lors de l’examen du projet de loi Pacte (plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises), Phytéis avait contacté plusieurs sénateurs, entre novembre 2018 et février 2019, « pour pouvoir continuer à produire, stocker et faire circuler en France des pesticides interdits dans l’Union européenne ». D’après le lobbyiste, l’interdiction de ces produits menaçait 2 700 emplois directs et plus de 1 000 emplois indirects.

Un «chantage à l’emploi»

Les auteurs du signalement suspectaient un « chantage à l’emploi », avec « une estimation très exagérée du nombre d’emplois menacés ». Les investigations ont été confiées au Comité de déontologie du Sénat, présidé par Arnaud Bazin (LR), qui s’est réuni le 4 avril, après avoir interrogé Phytéis par écrit.

« À l’issue de ces investigations, il apparaît que Phytéis a manqué de rigueur et de prudence dans ses contacts avec les sénateurs », selon le communiqué, le lobbyiste n’ayant pas été en mesure d’expliquer son évaluation du nombre d’emplois menacés. « Au surplus, Phytéis n’a pas jugé nécessaire d’informer les sénateurs des hypothèses et des incertitudes entourant son évaluation, qui a eu des conséquences directes sur l’élaboration de la loi », ajoute-t-il.

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Lors de l’examen au Sénat du projet de loi Pacte, des amendements avaient été adoptés pour supprimer une mesure d’interdiction de production, de stockage et de circulation de certains produits phytopharmaceutiques prévue par la loi Egalim du 30 octobre 2018. Réécrits à l’Assemblée nationale, ces amendements avaient finalement été censurés par le Conseil constitutionnel comme « cavalier législatif » (sans lien avec le texte). La mesure d’interdiction est donc entrée en vigueur le 1er janvier 2022, comme prévu par la loi Egalim.

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