France 3 Bretagne

Pesticides. Les cancers de la prostate reconnus comme maladies professionnelles

FRANCE 3 – 20/10/2021 – Par Séverine Breton

43 000 agriculteurs souffriraient d’un cancer de la prostate. Les enquêtes épidémiologiques ont régulièrement établi un lien entre l’utilisation de pesticides et la maladie. Ce 20 octobre, le ministre de l’agriculture, Julien Denormandie a indiqué qu’il serait reconnu comme maladie professionnelle.

Le 12 octobre dernier, il y a tout juste une semaine, les membres de la Cosmap, la commission supérieure des maladies professionnelles en agriculture, ont établi un lien entre pesticides et cancer de la prostate et émis un avis favorable pour que la maladie soit reconnue comme maladie professionnelle. Mais cet avis n’était que consultatif.

« Nous avons des malades qui souffrent, en métrople, mais aussi dans les DOM-TOM ». Ce 20 octobre, Joel Labbé, sénateur écologiste du Morbihan a pris la parole et s’est adressé au Ministre de l’Agriculture : « Hier, le parlement européen a adopté le principe de la Ferme à la fourchette en énonçant un objectif de réduire de 50% les pesticides d’ici 2030.  Allez-vous inscrire le cancer de la prostate comme maladie professionnelle ? « 

« Oui, la réponse est oui » répond aussitôt le ministre.

Julien Denormandie, ministre de l’Agriiculture, lors des questions au gouvernement ce mercredi 20/10/2021
Joel Labbé affiche un large sourire, « c ‘est bien, on a fait avancer les choses » lâche- t-il.

A des dizaines de kilomètres du Sénat, René Louail, membre de la Confédération Paysanne qui siège à la Cosmap, laisse éclater sa joie. « C’est une très bonne nouvelle, nous sommes satisfaits. Cela va permettre à beaucoup de gens de se faire reconnaitre. Nous allons maintenant être vigilants sur les délais, il ne faut pas faire attendre les malades. C’est déjà suffisamment dur pour eux sans qu’on en rajoute ! »

Des rapports accablants

Dans le rapport Agrican agriculture et cancer 2020, les chercheurs écrivent noir sur blanc « Nous avons mis en évidence un excès de risque de 20% de cancer de la prostate chez les personnes utilisant des insecticides sur bovins. Les éleveurs de porcs avaient un risque de développer un cancer de la prostate augmenté de 10%. ( …) Les utilisateurs de pesticides sur blé ou/et orge avaient une élévation de 20% du risque de développer un cancer de la prostate ( …). Enfin, les arboriculteurs réalisant des traitements pesticides ou des récoltes sur plus de 25 ha avaient un doublement de risque de cancer de la prostate. »

Le lien entre différentes pathologies et l’utilisation de pesticides avait déjà été établi. La maladie de Parkinson a été reconnue maladie professionnelle dès 2012, les lymphomes non hodgkinien en 2015, certains myélomes en 2019. Mais le cancer de la prostate n’était pas reconnu et les malades devaient se tourner vers les tribunaux.

Bernard et ses drôles de cocktails

Bernard était arboriculteur. Il est aujourd’hui en retraite et malade. Sur ses 15 hectares, il était à la fois, le patron, le gérant, le comptable, le réparateur de tracteur, et l’applicateur de produits phyto. Et comme il avait différentes variétés de fruits, « c’était quasiment tous les jours que je sortais le pulvérisateur. J’utilisais des pesticides, des insecticides, des fongicides, ça fait un joli cocktail ! »

« Et puis, au début, précise t- il, on ne faisait pas attention, on nous disait que ce n’était pas dangereux, on faisait confiance ! »

En 2019, les médecins lui ont diagnostiqué un cancer de la prostate. Il a été opéré. Mais vit un parcours du combattant pour que cela soit reconnu comme maladie professionnelle.

« Depuis, continue l’ancien agriculteur, j’ai beaucoup lu, beaucoup cherché, je suis convaincu que cela vient des produits que j’ai utilisés. »

Prise de conscience

Michel Besnard, du Collectif de soutien aux victimes des pesticides de l’Ouest espère que cette « reconnaissance va accélérer la prise de conscience que ces produits sont dangereux. Plus il y a de liens établis entre les maladies et les pesticides, plus on peut espérer que les choses et que l’agriculture changent. »

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