PROPOSITION DE LOI
visant à interdire les pratiques cruelles de chasse
Enregistrée à la Présidence du Sénat le 28 septembre 2021
PRÉSENTÉE PAR
MM. Daniel SALMON, Guy BENARROCHE, Ronan DANTEC, Thomas DOSSUS, Jacques FERNIQUE, Guillaume GONTARD, Joël LABBÉ, Mme Monique de MARCO, M. Paul Toussaint PARIGI, Mmes Raymonde PONCET MONGE et Sophie TAILLÉ-POLIAN, Sénatrices et Sénateurs.
(Envoyée à la commission des affaires économiques, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
La présente proposition de loi du Groupe Écologiste, Solidarité et Territoires vise à interdire les pratiques de chasse les plus cruelles.
La chasse à courre est une pratique particulièrement violente puisqu’elle consiste à poursuivre et traquer pendant plusieurs heures, à l’aide d’une meute de chiens et en produisant un maximum de bruit à l’aide de cors et de chiens, un animal sauvage jusqu’à l’épuisement. La mise à mort de l’animal y est également faite à la dague ou à l’épieu. En matière de souffrance animale, ce type de chasse génère donc des douleurs extrêmes pour l’animal poursuivi. Outre sa grande brutalité envers les animaux poursuivis, la chasse à courre n’est pas une activité sans conséquence sur le reste de la faune qu’elle perturbe. Elle porte atteinte aux populations de cervidés, car la recherche du cerf conduit à chasser les meilleurs reproducteurs potentiels. Elle est également particulièrement néfaste au moment du brame et perturbe gravement l’équilibre de la forêt: sonneries de trompes, allées et venues des équipages, des chiens, des véhicules.
La présente proposition de loi est à l’écoute de la ruralité et répond à une demande des territoires.
Le développement d’habitations, de routes et du tourisme en forêt rendent désormais impossible cette pratique sans incident. Elle est tout simplement inadaptée à notre époque et à nos territoires.
Par ailleurs, il est à noter que la pratique de la chasse concerne aujourd’hui une minorité de pratiquants et dont le profil est majoritairement urbain et favorisé. Ainsi, selon la Fondation Sommer et l’Institut IPSOS, 70% des chasseurs sont urbains. Près de la moitié des chasseurs français habitent dans des villes de plus 20 000 habitants : 13% dans des villes de 20 000 à 99 999 habitants, 22,5% de 100 000 à 1 999 999 habitants, et près de 11% dans l’agglomération parisienne.
L’érosion du nombre de chasseurs est d’ailleurs caractérisée puisqu’elle passe de 2 350.000 en 1984 à 1 100.000 en 2015 pour passer sous la barre du million symbolique en 2020 – 984 000 pour la saison 2020-2021 selon l’Office français pour la biodiversité (OFB). Il est également à noter que moins de 4% des chasseurs sont des agriculteurs et que les femmes ne représentent que 5% des pratiquants.
Loin de s’attaquer aux populations rurales, l’encadrement des pratiques de chasse relève simplement de l’encadrement d’un loisir d’une faible part de la population, sociologiquement à l’écart des clichés véhiculés.
La chasse à courre est une pratique anachronique et déjà interdite dans de nombreux pays.
D’abord réservée à la noblesse, la chasse à courre a été abolie une première fois lors de la Révolution de 1789 pour être ensuite rétablie sous Napoléon. Alors qu’elle est aujourd’hui interdite dans plusieurs pays européens depuis plusieurs dizaines d’années (Allemagne, Belgique, Écosse, Angleterre, Pays de Galles), ce type de chasse, aussi minoritaire que cruelle et coûteuse, se poursuit encore sur le territoire national dans 67 départements.
Cette proposition de loi entend également interdire les modes de chasse équivalents tels que le « trail hunt » ou « drag hunt » (chasse au leurre dans laquelle l’animal sauvage est remplacé par une trace odoriférante animale), qui, même indirectement, mettent en danger la vie des animaux appartenant parfois à des espèces menacées de disparition. Enfin, cette proposition de loi souhaite interdire la vénerie sous terre, qui implique là aussi d’importantes souffrances pour l’animal, les blaireaux ou renards étant arrachés à leur terrier à l’aide de pinces et de chiens.
La présente proposition répond à une demande croissante des Français de mettre fin aux pratiques les plus cruelles envers les animaux, de respecter davantage l’environnement et la biodiversité.
Ainsi en 2020 plus de 92% des Français étaient favorables à l’interdiction de la chasse à courre (IFOP 2016). En témoignent les différentes propositions de loi proposées au Parlement, que ce soit au Sénat par Laurence Rossignol (Proposition de loi 149 visant à interdire la pratique de la chasse à courre, à cor et à cri) ou à l’Assemblée par Cédric Villani (proposition de loi 3293 de relative à de premières mesures d’interdiction de certaines pratiques génératrices de souffrances chez les animaux et d’amélioration des conditions de vie de ces derniers). Il est à noter le caractère transpartisan de la volonté d’interdire la chasse à courre puisque dès 2005, 15 députés UMP ont déposé une proposition de loi pour ce faire (proposition N° 2482), quand en 2011 des députés écologistes faisaient la même demande (proposition de loi N° 3497) et en 2017 des députés de la France Insoumise et de la Gauche démocrate et républicaine (proposition N° 618).
Si la question de la pratique de chasse plus généralement mérite plusieurs évolutions pour répondre à un partage plus apaisé de nos forêts, cette proposition de loi est un élément d’une réflexion plus vaste à mener sur cette question, notamment à travers un débat national. Cette proposition de loi apporte une première réponse en mettant fin à une pratique anachronique et qui ne répond à aucuns impératifs environnementaux ou sociaux.
L’article unique de cette proposition de loi modifie ainsi l’article L. 424-4 du code de l’environnement afin d’interdire ces différents types de chasse : chasse à courre, vénerie sous terre (« déterrage ») et chasses au leurre tels – « trail hunt » ou « drag hunt ». La présente proposition de loi propose que ces dispositions prennent effet à compter de la publication de la présente loi et que les contrevenants à l’interdiction soient punis d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.
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