PROPOSITION DE LOI
pour un élevage éthique, juste socialement et soucieux du bien-être animal
Enregistrée à la Présidence du Sénat le 13 avril 2021
PRÉSENTÉE PAR
Mme Esther BENBASSA, MM. Joël LABBÉ, Daniel SALMON, Hussein BOURGI, Guy BENARROCHE, Olivier CADIC, Mme Hélène CONWAY-MOURET, MM. Michel DAGBERT, Ronan DANTEC, Gilbert-Luc DEVINAZ, Mme Nassimah DINDAR, MM. Thomas DOSSUS, Jacques FERNIQUE, Mmes Martine FILLEUL, Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, MM. Joël GUERRIAU, Guillaume GONTARD, André GUIOL, Mme Laurence HARRIBEY, M. Jean-Michel HOULLEGATTE, Mme Victoire JASMIN, M. Bernard JOMIER, Mmes Gisèle JOURDA, Claudine LEPAGE, M. Jean-Jacques LOZACH, Mmes Monique de MARCO, Michelle MEUNIER, M. Paul Toussaint PARIGI, Mmes Évelyne PERROT, Raymonde PONCET MONGE, Angèle PRÉVILLE, Laurence ROSSIGNOL, Sophie TAILLÉ-POLIAN, MM. Rachid TEMAL et André VALLINI, Sénatrices et Sénateurs.
(Envoyée à la commission des affaires économiques, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Par une loi publiée au Journal officiel le 17 février 2015, la France a fait un grand pas vers la reconnaissance de la personnalité juridique de l’animal. Elle a mis fin à une vision archaïque de celui-ci – jusqu’alors considéré comme un bien meuble – en lui octroyant la qualité « d’être vivant doué de sensibilité ».
Pourtant, malgré cet apport au sein de notre code civil, la condition animale ne semble pas évoluer davantage. En France, chaque année, plus d’un milliard d’animaux sont abattus. 80 % proviennent d’élevages industriels. Cette industrie agroalimentaire ne respecte ni les agriculteurs, ni les animaux, ni a fortiori, les consommateurs.
Rappelons que les agriculteurs pâtissent grandement de prix non rémunérateurs. Associé à des conditions de travail difficiles, cela conduit à un mal être du monde agricole.
Les animaux subissent dans les « fermes-usines » des conditions d’élevage et d’abattage parfaitement intolérables, qui les confinent dans des bâtiments fermés et sans lumière naturelle, dans des cages, les forçant à une promiscuité extrême. 120 000 poulets à Langoëlan (Morbihan), 1 200 taurillons à Coussay-les-Bois (Vienne)… Les exemples dans ce sens se multiplient et asphyxient les filières locales aux pratiques plus éthiques : en trente ans, le nombre d’éleveurs de porcs et de volailles a baissé de 57 % ; les éleveurs de chèvres ou de brebis ont vu leurs effectifs diminuer de 48 % et les éleveurs de vaches laitières de plus de 70 %.
Force est de constater que le modèle industriel de l’élevage est devenu hégémonique, alors même qu’il engendre des troubles comportementaux extrêmes chez les animaux (notamment des cas de caudophagie chez les porcs…), et une viande de qualité moindre, puisque de telles conditions d’élevage favorisent l’antibiorésistance et l’émergence de nouveaux agents pathogènes. L’actualité a par ailleurs mis en lumière les risques importants de zoonose liés à ces élevages intensifs.
Il est ainsi nécessaire que nous accompagnions les agriculteurs dans la transition vers un élevage et un abattage éthiques, particulièrement ceux qui dépendent aujourd’hui de l’élevage intensif, afin de leur permettre de faire évoluer leurs pratiques.
Le modèle agricole que nous souhaitons promouvoir est un modèle d’agriculture paysanne favorisant une alimentation locale et respectueuse de la nature. Une agriculture qui soit soucieuse du bien-être de l’animal mais aussi de ses paysans. Un modèle qui favorise les circuits courts, subventionne l’abattage de proximité et limite les recours aux énergies fossiles et aux pesticides. Un modèle qui souhaite développer une agriculture de qualité par une meilleure transparence pour les consommateurs et une plus grande prise en compte du respect des cycles naturels de l’animal.
L’opinion publique, informée par des associations de défense des droits des animaux mais aussi par des syndicats agricoles, se prononce pour une lutte contre ces pratiques délétères. Selon un sondage IFOP du 25 janvier 2021, 85% des Français se déclarent opposés à l’élevage intensif.
L’urgence éthique, climatique, environnementale, sanitaire et sociale impose d’engager notre pays dans une transition agricole et alimentaire. Nous devons nous orienter rapidement vers un élevage de proximité plus durable, sain, respectueux de l’environnement, des consommateurs ainsi que des animaux. Les pratiques d’abattage devraient elles aussi répondre aux attentes de nos concitoyens en matière d’amélioration de la condition animale.
La présente proposition de loi a ainsi pour objet la mise en place d’un élevage éthique, rémunérateur, socialement juste et soucieux du bien-être animal.
L’article 1er de la proposition de loi vise à faire évoluer les modes d’élevage en rendant obligatoire dès 2025 la mise en place progressive de dispositifs d’accès au plein air pour les animaux d’élevage et de seuils de densité maximale pour les élevages. Les exploitations ne répondant pas à ces critères seront interdites à l’horizon 2040 afin de laisser le temps aux acteurs concernés de s’organiser. Cet accès au plein air tiendra compte des moments de vie de l’animal et des cas spécifiques, géographiques ou climatiques, comme les élevages de montagne.
L’article 2 limite la durée de transport des animaux à huit heures sur le territoire national.
L’article 3 vise à interdire l’élimination, sauf en cas d’épizootie, des poussins mâles et des canetons femelles vivants, à partir de 2022, afin que soient déployées les techniques alternatives existantes, notamment le sexage des oeufs.
L’article 4 prévoit en conséquence la création d’un fonds de soutien à la transition afin d’accompagner les acteurs économiques, au premier rang desquels les éleveurs qui ont besoin d’un accompagnement financier afin de transformer leur activité pour se conformer au nouveau cadre juridique institué par la présente loi. Ce fonds, dont les modalités seront définies par décret, devra notamment servir à financer des dispositifs d’abattage de proximité et les transformations des systèmes d’élevage.
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