FRANCE FOOTBALL – 05/07/2020
Écologie
Le ministère de la Transition écologique et solidaire a lancé une consultation publique sur l’interdiction des produits phytosanitaires, dont les fongicides, qui pourraient être interdits sur les terrains de sport professionnel dans cinq ans.
Cinq ans. C’est le délai qu’auront les responsables des terrains de Ligue 1 et de Ligue 2 (mais aussi en Top 14, Pro D 2 et sur les parcours de golf) pour trouver des solutions afin de se passer des produits phytosanitaires, notamment les fongicides. Des produits utilisés en abondance et qui présenteraient un danger pour la santé de tous, joueurs, entraîneurs, jardiniers, comme nous le révélions dans notre enquête publiée en mai 2019. « Toutes les personnes qui pénètrent sur ces pelouses respirent des résidus de particules, nous expliquait Pierre Rustin, directeur de recherche au CNRS. C’est une sorte de folie que la peau des joueurs soit en contact direct avec la pelouse. »
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Un an après, le gouvernement est passé à l’action. Élisabeth Borne a joint les actes à la parole. La semaine dernière, celle qui est toujours ministre de la Transition écologique et solidaire, en attendant la composition du nouveau gouvernement, s’est engagée à interdire leur utilisation dans tous les lieux de vie à travers un arrêté soumis à la consultation du public (accessible jusqu’au 16 août). Et ce, dès juillet 2022. Avec une dérogation jusqu’au 1er janvier 2025 pour les terrains « de haut niveau dont l’accès peut être maîtrisé, du fait des exigences particulières auxquels ils sont soumis par les cahiers des charges des compétitions nationales et internationales ».
Il est toutefois prévu, à titre exceptionnel, que les équipements de haut niveau, pour lesquels aucune solution technique alternative ne permette d’obtenir la qualité requise dans le cadre des compétitions officielles, puissent faire l’objet d’une dérogation pour certains usages, validée par un arrêté conjoint des ministres en charge de l’environnement et des sports après le 1er janvier 2025.
« Le délai de 2025 proposé par le texte semble éloigné et assorti de dérogations »
Ce qui fait grincer des dents, notamment celles de Joël Labbé, le sénateur écologiste du Morbihan à l’origine de la loi portant son nom, visant à interdire les pesticides dans tous les espaces non-agricoles. « Concernant le sport de haut niveau, le délai de 2025 proposé par le texte semble éloigné et est assorti de possibilité de dérogations. Face aux enjeux sanitaires, il serait urgent que soient abandonnés, a minima, les molécules les plus dangereuses, comme les SDHI, fongicides toxiques largement utilisés sur les stades. » D’autant que l’AS Monaco a développé une technique permettant de réduire de façons significatives l’utilisation des fongicides et se contente d’une seule à deux pulvérisations par an.
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Pour la faire courte, les jardiniers du club monégasques alternent désormais entre deux types de gazon, un anglais l’hiver (le ray-grass, utilisé partout ailleurs) et un tropical l’été (le bermuda-grass), adapté aux températures élevées et au réchauffement climatique. La pelouse de Louis-II est ancrée dans le sol grâce aux rhizomes de l’herbe tropicale et n’est plus attaquée par les maladies. « Cette technique est réservée à la zone méditerranéenne, dans les zones où il fait très chaud, tempère toutefois Patrice Therre, gérant de Novarea, dont la société utilise cette technique dans le stade de rugby de Montpellier. C’est une variété tropicale, elle a besoin de chaleur tôt au printemps, d’un fort ensoleillement. »
« Tout le monde devrait essayer »
« Sur les trois derniers étés, le stade le plus froid, c’était Louis-II, rétorque Franck Nicolas, le responsable de la pelouse de l’AS Monaco depuis 1984. Les températures étaient plus élevées à Lille, Bordeaux, Nantes, Paris ou Strasbourg. Ça veut dire que pendant les trois mois d’été, n’importe qui pourrait faire pousser du bermuda. » Pour le savoir, il n’y a pas 36 solutions : il faut faire des tests. « Tout le monde devrait essayer, avance d’ailleurs Nicolas. Si le réchauffement climatique continue sur ce rythme, ils perdront tous moins de temps avec une expérience qu’ils auront déjà derrière eux. Ils peuvent au moins mener l’expérimentation sur leur terrain d’entraînement. »
Dans l’arrêté mis en consultation, le ministère précise que ces interdictions ne s’appliqueront pas pour les produits à faible risque, à savoir les produits de biocontrôle et les produits autorisés en agriculture biologique, et les traitements nécessaires « à la destruction et à la prévention de la propagation des organismes nuisibles ». Un champignon, comme le Magnaporthe oryzae qui transmet la pyriculariose, entre-t-il dans cette catégorie ? L’interrogation est de taille : les fongicides sont principalement utilisés dans les stades à titre préventif pour lutter contre cette maladie.