OUEST FRANCE – 17/12/2019
Un projet morbihannais d’élevage de volailles de chair est dans le viseur de la Confédération paysanne, qui relançait mardi 17 décembre 2019 sa campagne contre l’agriculture industrielle. Cette fois, elle réunit autour d’elle des salariés de l’agroalimentaire issus de deux syndicats.
Hasard du calendrier, la Confédération paysanne a relancé, mardi 17 décembre, sa campagne syndicale contre l’industrialisation de l’agriculture, quelques jours après une victoire devant les tribunaux contre l’emblème de cette lutte, la ferme des 1 000 vaches.
Après les 1 000 vaches dans la Somme en 2009 et les 1 000 veaux dans la Creuse en 2014, c’est désormais à un élevage morbihannais que s’attaque la Confédération paysanne. Il s’agit d’un projet d’élevage de volailles de chair de 120 000 places, dans la commune de Langoëlan, dévoilé en janvier.
» Aujourd’hui, il y a une frénésie en Bretagne autour de la filière volaille », » estime Nicolas Girod. Nommé au printemps porte-parole national de la Confédération, cet éleveur jurassien reprend ainsi le flambeau de cette lutte, qui avait marqué l’action de son prédécesseur, Laurent Pinatel.
Plusieurs points importants
Dans les années 2010, le combat contre l’agriculture industrielle a pris le relais de la lutte contre les OGM comme étendard, notamment après le moratoire français de 2012. Concrètement, cette campagne consiste à enrayer des projets d’exploitations allant à l’encontre de leur modèle » d’agriculture paysanne ». «
En relançant le sujet, la Confédération tente, au passage, de reprendre la main sur des concepts, comme » les fermes usines », » dont elle a dénoncé l’usage unilatéral par Greenpeace. Il y a un an, l’ONG avait lancé une campagne axée exclusivement sur l’effet environnemental des projets industriels.
Ce mardi, le syndicat en a donc présenté sa propre définition. Le critère le plus important pour la Confédération est » l’autonomie des agriculteurs » (par exemple, le choix de la génétique). Sont également pris en compte » le travail avec la nature » (consommation d’eau) ou la » répartition » (de la production, des aides, du foncier).
À cette occasion, la Confédération s’est présentée avec un cercle élargi de partenaires issus de la société civile. Un contre-pied à la dénonciation de » « l’agri-bashing » » (dénigrement des pratiques agricoles) par la FNSEA, syndicat agricole majoritaire, reprise par le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume.
L’appui des syndicats
Au-delà des traditionnels alliés écologistes, dont le sénateur Joël Labbé (Morbihan), la Confédération paysanne a réussi à réunir autour d’elle les salariés de l’agroalimentaire de la CGT (Fnaf) et les enseignants agricoles de la FSU (Snetap). Deux syndicats peu enclins, jusqu’ici, à dénoncer l’industrialisation.
La convergence n’est toutefois pas « totale », convient-on à la Confédération. La CGT préfère notamment dénoncer » l’agriculture capitaliste » et la » concentration agraire » plutôt que » l’industrialisation ». » Mais elle n’écarte pas la réorientation des aides de la Pac (Politique agricole commune) vers » l’agriculture paysanne intensive en emploi ». «
Les lignes bougent donc, mais le débat, lui, est vieux comme l’industrie. Premier grand critique de l’industrialisation au XVIIIe siècle, Rousseau voyait déjà dans le progrès technique un « pharmakon », à la fois poison et remède, rappelle le chercheur Pierre Musso, auteur en 2017 de l’ouvrage La religion industrielle.