PROPOSITION DE RESOLUTION
en application de l’article 34-1 de la constitution, visant à engager une campagne de prévention et de lutte contre les thérapies de conversion,
Enregistrée à la Présidence du Sénat le 01 octobre 2019
PRÉSENTÉE PAR
Mme Françoise LABORDE, MM. Jean-Claude REQUIER, Guillaume ARNELL, Stéphane ARTANO, Alain BERTRAND, Henri CABANEL, Mme Maryse CARRÈRE, MM. Joseph CASTELLI, Yvon COLLIN, Jean-Pierre CORBISEZ, Mmes Josiane COSTES, Nathalie DELATTRE, MM. Jean-Marc GABOUTY, Éric GOLD, Jean-Noël GUÉRINI, Mme Véronique GUILLOTIN, M. Éric JEANSANNETAS, Mme Mireille JOUVE, MM. Joël LABBÉ, Olivier LÉONHARDT, Jean-Yves ROUX et Raymond VALL, sénateurs.
Exposé des motifs
Mesdames, Messieurs,
Les thérapies dites de conversion proposent un traitement psychologique et/ou médical afin de tenter de changer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne homosexuelle, bisexuelle ou encore transgenre, que ce soit par des traitements de nature psychologique ou médicale. La dangerosité de ces derniers est avérée. Elles sont considérées comme un ensemble de pratiques, de méthodes visant à changer l’orientation sexuelle et/l’identité de genre d’une personne, et particulièrement les personnes homosexuelles.
Ces pratiques peuvent prendre plusieurs formes : thérapie non scientifique, stage, conférence, entretien, qui peuvent être accompagnés d’injection de testostérone, de traitements par électrochocs ou encore la diffusion d’image et de vidéo caractère homosexuelle afin de les en dégoûter. Autant de pratiques à caractère homophobe, pénalement répréhensibles, contraire à la dignité humaine et à la plus intime des libertés individuelles, la liberté sexuelle. Elles laissent des séquelles aux victimes, tant physiques que morales.
La lutte contre ce fléau est d’autant plus délicate que lesdites thérapies de conversion sont, le plus souvent, prescrites par les familles des victimes. Ces dernières se trouvent donc généralement dans une situation d’emprise familiale caractérisée dont elles ont d’autant plus de difficulté à s’extraire.
Un effort de prévention doit donc être engagé au niveau sociétal pour briser ce tabou. Faire connaître l’existence de tels agissements contraires à la loi, devrait aussi contribuer à libérer la parole des victimes et à les inciter à faire valoir leurs droits.
En France, en l’absence de données statistiques, il est complexe d’établir l’ampleur et l’implantation de ces prétendues thérapies. Mais les témoignages se multiplient sur tout le territoire français.
Cette terminologie est encore trop peu et mal connue mais en l’état actuel, notre arsenal législatif pénal permet de condamner de tels agissements portant atteinte à la liberté individuelle. Pour autant, cette infraction n’est pas qualifiée en droit pénal.
Une pétition, lancée en 2016, a rassemblé plus de 90 000 signataires à ce jour. Elle demande l’interdiction des thérapies de conversion sur le territoire national et l’instauration de sanctions judiciaires, tant au civil qu’au pénal, à l’encontre de toute personne pratiquant ces thérapies.
À travers le monde, quelques pays ont déjà interdit formellement ces pratiques, à l’image du Brésil, de certains états des Etats-Unis et du Canada… En Europe, ce phénomène est aussi présent. Plusieurs provinces espagnoles (Madrid, Valence, Andalousie) et Malte en décembre 2016, ont légiféré en faveur d’une interdiction des « thérapies de conversion ». Toutefois, la plupart de ces législations sont intervenues dans des pays où ces méthodes étaient établies publiquement sur le territoire de l’État en question, parfois même relayées et pratiquées par certains médecins, professionnels de santé ou encore groupes religieux.
En France, il est d’autant plus difficile de mesurer l’ampleur de ces pseudos thérapies que les personnes qui les pratiquent, ou leurs instigateurs, sont hétérogènes et difficiles à identifier. Il existe de surcroît de nombreuses formes différentes de ces thérapies, qui ne s’affirment pas comme telles et revendiquent le plus souvent d’autres motivations comme l’aide au développement personnel, les accompagnements psychologiques ou encore spirituels, etc.
Le Parlement européen a pris position, en mars 2018, pour dénoncer ces pratiques dans son « rapport sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne en 2016 ».
À l’alinéa 65 de la résolution du Parlement européen sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne en 2016, il « se félicite des initiatives interdisant les thérapies de conversion pour les personnes LGBTI (lesbiennes, gays, bisexuelles, trans et intersexes) et la pathologisation des identités transsexuelles ; prie instamment tous les États membres d’adopter des mesures similaires qui respectent et défendent massivement le droit à l’identité de genre et l’expression du genre ».
La disposition est similairement formulée à l’alinéa 36 de la résolution du Parlement européen sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne en 2017, adoptée le 16 janvier 2019.
Quand bien même, ces résolutions n’ont pas de force contraignante, en France, elles alertent les gouvernements sur ce type de pratiques, en appellent à leur vigilance tout en dénonçant leur caractère sérieux.
Ce phénomène encore peu connu en France, les victimes se retrouvent très isolées et parlent peu ou alors des années plus tard.
Le droit en vigueur ayant vocation à s’appliquer en la matière dans notre pays est celui relatif aux violences volontaires, réprimées par les articles 222-7 à 222-16-3 du code pénal.
L’article 132-77 du même code prévoit un mécanisme de circonstance aggravante générale lorsque les violences sont orientées à des fins de changement de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre, pour certaines infractions prévues.
Le délit d’abus de faiblesse peut, lui aussi, apporter une réponse pénale (art. 223-15-2 du code pénal).
Enfin, l’article L. 4161-1 du code de la santé publique réprime l’exercice illégal de la médecine.
En l’état actuel, un vide juridique persiste dans notre pays dans la mesure où ne sont pas interdites les pratiques visant à changer l’orientation sexuelle d’une personne indépendamment des conséquences subies par la victime et des moyens et des personnes qui les pratiquent, qui ne relèvent pas nécessairement d’actes médicaux.
Il semble donc opportun pour notre pays d’agir en répression, si possible de qualifier ces faits du point de vue pénal et aussi de mettre en oeuvre les moyens pour agir en prévention de ces pratiques homophobes par nature.
Proposition de résolution visant à engager une campagne de prévention et de lutte contre les thérapies de conversion
Le Sénat,
Vu l’article 34-1 de la Constitution,
Vu l’alinéa 65 de la résolution du Parlement européen du 1er mars 2018 sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne en 2016,
Vu l’alinéa 36 de la résolution du Parlement européen du 16 janvier 2019 sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne en 2017,
Vu les articles 132-77, 222-7 à 222-16-3, 223-15-2 du code pénal,
Vu l’article L. 4161-1 du code de la santé publique,
Invite le Gouvernement à prendre avec sérieux la résolution du Parlement européen qui amène à s’interroger sur l’ampleur de ces pratiques sur le territoire français ;
Soutient toute mesure pour établir l’ampleur de l’implantation de ces pratiques sur notre territoire ;
Demande à ce que soit engagée une campagne nationale d’information visant à mieux faire connaître les dispositions pénales applicables, non seulement à l’adresse des victimes mais aussi à celle des professionnels susceptibles de recevoir la parole de ces victimes ;
Est favorable à l’interdiction de toutes formes de pratiques ou méthodes consistant à tenter de changer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne et ce, en dehors de toute condition ou conséquence ;
S’engage à tout mettre en œuvre pour encourager une véritable politique de prévention contre les thérapies de conversion à l’échelle nationale ;
S’engage à prendre toute initiative nécessaire dans le but d’améliorer la loi en matière de lutte contre les thérapies de conversion.
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