Mercredi 6 mars 2019, dans le cadre d’un ordre du jour réservé au groupe La République En Marche (LaREM), le Sénat a examiné la proposition de loi pour la protection des activités agricoles et des cultures marines en zone littorale, adoptée par l’Assemblée nationale le 29 novembre 2018.
Cette proposition de loi vise à renforcer le droit de préemption des SAFER (sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural) dans les communes littorales afin d’en limiter les contournements et de garantir ainsi la pérennité de la vocation agricole de bâtiments. Ce droit de préemption pourrait désormais s’exercer sur les bâtiments utilisés pour l’exercice d’une activité agricole au cours des 20 années précédant l’aliénation.
Sur le rapport de M. Daniel GREMILLET (Les Républicains – Vosges), la commission des affaires économiques a adopté un article additionnel (article 5) permettant aux activités salicoles (liées à l’exploitation des marais salants) de bénéficier de l’extension du droit de préemption des SAFER dans les communes littorales, en les reconnaissant comme des activités agricoles et a renommé le texte « proposition de loi pour la protection foncière des activités agricoles et des cultures marines en zone littorale ».
En séance publique, le Sénat a adopté ce texte.
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Joël Labbé. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je salue mon cher collègue du Morbihan Jimmy Pahun, le député auteur de cette proposition de loi, ainsi que Philippe Le Gal, qui préside à la fois le comité régional conchylicole de Bretagne sud et le Comité national de la conchyliculture, le CNC.
Je commencerai par la conclusion : quel impact nous aurions si nous étions capables de voter conforme ce texte après les débats que nous allons nécessairement mener ici.
Les activités littorales agricoles et de cultures marines sont une richesse – tout le monde en convient – qu’il nous faut absolument préserver. Elles contribuent à animer les territoires. Elles valorisent nos terroirs et sont un facteur clé du tourisme et du rayonnement de nos régions. Il s’agit d’un à la fois d’un patrimoine et d’un enjeu crucial pour l’économie et l’alimentation locales.
Or ces activités sont menacées. La pression foncière sur le littoral est un facteur important de ce déclin. À titre d’exemple, depuis 2001, le comité régional conchylicole de Bretagne sud a perdu 20 % de ses concessions. De même, sur toute la France, dans le domaine agricole, seuls 200 agriculteurs parviennent chaque année à s’installer sur une commune littorale. Il y a donc urgence face à ces phénomènes. Les bâtiments conchylicoles construits sur le littoral, notamment dans la bande des 100 mètres, sont très convoités et se transforment trop souvent en habitat résidentiel secondaire. Un prix de vente qui est parfois jusqu’à dix fois supérieur pousse malheureusement nombre de propriétaires à vendre à un non-professionnel. Et je voudrais, moi aussi, faire le lien avec le niveau des retraites.
Ce sont donc des exploitations qui sont perdues, des porteurs de projet qui ne peuvent pas s’installer, alors que la moyenne d’âge des conchyliculteurs est de quarante-huit ans. On voit tout l’enjeu de la préservation par la transmission des outils existants.
Le foncier agricole, comme celui qui est dédié aux cultures marines, n’est pas un bien comme les autres. Il a un rôle crucial et stratégique pour l’intérêt général qui justifie une intervention publique et une régulation légitime du droit de propriété. À ce titre, le droit de préemption des Safer est essentiel et nécessaire. Il a à la fois un effet dissuasif sur certaines ventes et permet de casser des transactions pour maintenir la destination agricole ou conchylicole du foncier.
Cependant, on a pu l’observer sur les territoires, il peut être contourné par les propriétaires. En effet, il faut qu’une activité agricole ait été exercée dans les cinq ans précédant la vente pour que la Safer puisse agir. Cela ouvre la porte à une spéculation qui consiste à attendre cinq ans après la cessation d’activité pour réaliser la vente. À Saint-Philibert, très jolie commune du Morbihan, cela a permis à un ostréiculteur de vendre son chantier 1,5 million d’euros à un particulier, plutôt que 100 000 euros à un autre professionnel. Et les exemples de ce type sont nombreux, sur tous les territoires littoraux.
Je remercie donc vivement et officiellement mon collègue morbihannais Jimmy Pahun de son initiative, qui vient renforcer le rôle de la Safer pour éviter de tels contournements. Son travail de fond a permis de produire un texte consensuel, qui – M. le ministre l’a souligné – a été voté à l’unanimité à l’Assemblée nationale. L’extension à vingt ans du délai pris en compte pour la préemption qui est proposée sera très certainement dissuasive pour éviter la spéculation. Cet outil pourra également préserver les activités agricoles sur les communes littorales.
Aussi, encore une fois, je regrette vivement que nous ne puissions pas voter un texte conforme à celui de l’Assemblée nationale. Mais, en bon utopiste que je suis, et cela définitivement, je ne désespère pas encore ! (Sourires.)
Il y a en effet urgence à agir pour nos territoires. La Fédération nationale des Safer nous a alertés sur une forte augmentation des déclarations d’intention d’aliéné reçues. Le comité régional conchylicole de Bretagne sud parle d’une dizaine de dossiers en attente pour le seul Morbihan. Les propriétaires accélèrent donc les transactions, afin de pouvoir échapper à cette extension du droit de préemption.
La question de la saliculture est, certes, importante, mais elle pourrait attendre le prochain texte, d’autant plus qu’une loi financière devrait arriver prochainement au Parlement. C’est en tout cas ce qu’a annoncé le Président de la République le 23 février dernier. J’espère sincèrement que cette annonce sera suivie d’effets.
Enfin, je souhaite évoquer une fois encore la question de l’origine des huîtres. (Sourires.)
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Ah !
Joël Labbé. La durabilité de l’ostréiculture, c’est aussi celle de la production, qui est depuis quelques années fortement affectée par des mortalités très inquiétantes. Des ostréiculteurs observent une concomitance entre les fortes mortalités d’huîtres et l’arrivée des huîtres d’écloserie et des huîtres triploïdes. Des études scientifiques semblent aller dans leur sens.
C’est dans l’espoir d’un vote conforme que je n’ai pas déposé d’amendement visant à imposer l’étiquetage des huîtres, mais j’y reviendrai dès que possible.
Je sais que la profession est divisée sur le sujet. J’invite ses responsables à en débattre en interne en vue d’un prochain texte, qui ne saurait tarder, je crois. Pour moi, la transparence quant à l’origine des produits est un minimum.
Mes chers collègues, au nom du groupe du RDSE, je voterai, vous l’avez compris, cette proposition de loi. Et je n’ai pas encore de regret, car nous allons peut-être parvenir à voter ce texte conforme ! (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)
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