Le sénateur morbihannais Joël Labbé avait retiré sa cravate au Sénat pour protester contre le refus de sa proposition pour l'interdiction des insecticides néonicotinoïdes | Capture d'écran plein écran

Sociétés mères. Le coup de gueule de Joël Labbé

OUEST-FRANCE / 13-11-15

Le sénateur écologiste du Morbihan annonce qu’il demandera un vote public sur le texte sur les sociétés mères.

Élu du Morbihan, il n’est pas du genre à garder la langue dans sa poche. Dans une lettre ouverte à ses collègues du Sénat, Joël Labbé exprime son regret devant la démission du Parlement qui s’apprête à enterrer le texte de loi sur le devoir de vigilance des sociétés mères qui obligerait les entreprises donneuses d’ordre à s’assurer que le travail des sous-traitants est réalisé dans les meilleures conditions. Il demandera un scrutin public pour que chacun assume son vote.


« Madame la Sénatrice, Monsieur le Sénateur, Mes chers collègues,

Comme sans doute un certain nombre d’entre vous, je suis particulièrement inquiet de la montée de l’abstention au fil des différentes consultations électorales. J’ai beaucoup de discussions et d’échanges pour essayer de comprendre et trouver des réponses afin d’enrayer cette fuite de la démocratie. Très souvent, les retours que j’en ai sont du style « on n’y croit plus parce que vous les politiques, malgré vos beaux discours et vos belles intentions, vous n’y pouvez rien face au poids des intérêts économiques et à la puissance de la finance ».

Cela, je l’entends de plus en plus, et le supporte de moins en moins. Pourtant, il faut se rendre à l’évidence, c’est bien cette impression qui est perçue par une fraction grandissante de la population.
Je me suis fait cette réflexion au sujet de la Proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés-mères et des entreprises donneuses d’ordre dont l’examen a commencé au Sénat le 21 octobre et se poursuivra lors de la séance du mercredi 18 novembre prochain.

J’ai appris avec un profond dépit, qu’aucune majorité ne pourrait se dégager au Sénat. Les arguments tiennent essentiellement à la perte de compétitivité de nos entreprises. Il faudrait attendre que ce soit l’Union Européenne qui s’en saisisse… etc… Autant de propos qui deviennent insupportables quand on se remémore, les récentes catastrophes humaines et environnementales, comme celle du Rana Plaza le 24 avril 2013 au Bengladesh.

Pourtant de quoi s’agit-il ? Toute société donneuse d’ordre doit établir et mettre en œuvre un plan de vigilance pour les activités de leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs en France comme à l’étranger. Cette proposition s’inscrit dans un esprit de prévention et permet à la France de se mettre tout simplement en conformité avec ses engagements internationaux tels que les principes directeurs des Nations Unies sur les entreprises et les droits de l’homme. En ce qui concerne l’ Europe, d’autres pays travaillent aussi à des propositions similaires. Et puis plusieurs entreprises françaises appliquent déjà ce principe de vigilance.

Vous connaissant maintenant pratiquement toutes et tous, je reste persuadé que, par-delà les positions de nos partis politiques, nous pouvons dégager une très large majorité pour adopter ce texte. Quelle image positive serait alors donnée à notre population à la veille des élections régionales !… et au monde entier à la veille de la COP21 ! Quelle image positive serait enfin donnée à notre Haute Assemblée qui a bien besoin de se réhabiliter aux yeux des Françaises et des Français !Pour toutes ces raisons, j’ai décidé de m’adresser à vous par cette lettre ouverte et vous informer dès aujourd’hui que je proposerai à mon groupe de demander un vote à scrutin public à l’issue des débats sur ce texte. De ce fait, chacune et chacun d’entre nous pourra et devra exprimer par son vote sa propre position « en son âme et conscience »… et l’assumer ensuite.

C’est ainsi que l’on pourra démontrer aux populations que l’on représente notre capacité à prendre nos responsabilités et à les assumer. Il est urgent que les gens puissent croire encore que faire de la politique, c’est être au service du bien commun, de l’intérêt général, et de celui des générations futures.
Soyez assurés, mes chers collègues, sénatrices et sénateurs, de mon plus profond respect. »

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