Joël Labbé et Laurence Rossignol, Sénatrice de l’Oise, ont parrainé un séminaire dédié aux « Droits humains, environnement et multinationales », qui s’est tenu au Sénat le 30 janvier au matin, co-organisé par le Forum citoyen pour la RSE et le Cercle de réflexion parlementaire pour la Responsabilité Sociétale des Multinationales.
L’objectif de ce séminaire, qui faisait écho au colloque organisé à l’Assemblée Nationale le 13 décembre 2012 sur le même thème, était de sensibiliser les parlementaires de la Chambre Haute sur cette question cruciale de la responsabilité des sociétés multinationales en matière de droits humains et d’environnement. Les écologistes sont particulièrement mobilisés sur ce sujet, avec le dépôt par Danielle Auroy, députée écolo du Puy-de-Dôme, d’une proposition de loi sur le devoir de vigilance des sociétés-mères et des entreprises donneuses d’ordre.
La communauté internationale et l’Union européenne ayant clarifié ces dernières années la question de la responsabilité des sociétés multinationales en matière de droits humains et environnement, il revient aujourd’hui aux États, dont la France, de se doter d’instruments favorisant la mise en œuvre de ces principes et des normes existantes, en alignant notamment leurs législations nationales sur les nouveaux textes internationaux.
L’introduction du séminaire par Joël Labbé
Mesdames et Messieurs, Chers-ères collègues,
Tout d’abord bonjour à tous, et bienvenue au Palais du Luxembourg pour cette matinée de réflexion sur la mise en œuvre dans notre pays des normes internationales en matière de responsabilité et de transparence des multinationales. Permettez-moi tout d’abord de me présenter : Joël Labbé, Sénateur du Morbihan, membre du groupe écologiste au Sénat, Vice-président de la Commission des Affaires Economiques, et pour quelques semaines encore, Maire de la petite commune de Saint-Nolff dans le Morbihan…
En tant que parrain de ce séminaire, je vous remercie de votre présence, et tiens en premier lieu à excuser Jean-Pierre Bel, Président du Sénat, qui aurait souhaité se joindre à nous ce matin. Pour des contraintes d’agenda, il n’a pu se libérer. Quoi qu’il en soit, je tiens à vous assurer qu’il soutient cette initiative.
Je remercie chaleureusement les organisateurs de cet évènement, à savoir le Forum Citoyen pour la RSE, ainsi que le Cercle de réflexion parlementaire pour la Responsabilité Sociétale des Multinationales, dont l’ensemble des parties-prenantes, ONG, acteurs de la société civile, juristes, et collègues parlementaires, travaillent sans relâche, et dans la concertation, pour faire avancer la réflexion sur cette question de la responsabilité des sociétés multinationales en matière de droits humains et d’environnement. Je citerai à ce titre les organisations Amnesty International, CCFD-Terre Solidaire, Collectif Ethique sur l’Etiquette et Sherpa, qui ont largement participé à l’organisation de cette matinée.
Je salue également la présence parmi nous de mes collègues Danielle Auroi, député écologiste du Puy-de-Dôme (qui viendra nous rejoindre tout à l’heure), de Philippe Noguès, député PS de mon département, le Morbihan, et de Dominique Potier, député PS de Meurthe-et-Moselle. Tous trois sont co-auteurs d’une proposition de loi sur le devoir de vigilance des sociétés-mères et des entreprises donneuses d’ordre, déposée à l’Assemblée nationale en novembre dernier. Ils auront le plaisir au cours de la matinée de vous en exposer ses objectifs.
Pour la petite histoire, j’ai participé à pied levé en juin 2013 à un débat télévisé de la chaîne Public Sénat sur « Comment être un consommateur responsable ? », suite à la projection d’un documentaire sur l’industrie du cuir au Bangladesh. L’occasion pour moi de rencontrer sur le plateau Nayla Ajaltouni, coordinatrice du Collectif Ethique sur l’Etiquette, avec qui nous avons continué de collaborer ces derniers mois, et qui m’a proposé de parrainer l’organisation de ce séminaire au Sénat.
Je tiens à souligner ici l’importance du lien entre la société civile et, nous, parlementaires, pour alimenter notre réflexion sur des sujets aussi importants que celui qui nous réunit aujourd’hui.
Ce séminaire fait écho au colloque organisé à l’Assemblée Nationale le 13 décembre 2012, dédié au devoir des Etats et à la responsabilité des multinationales. Il me semble important que les parlementaires de la Chambre Haute soient à leur tour sensibilisés sur cette question.
Notre contexte de mondialisation non-régulée a permis aux multinationales, dans une logique de profit à court terme, de délocaliser leur production vers des pays où le coût de la main d’œuvre est faible et les droits sociaux quasi inexistants, en multipliant leurs filiales et sous-traitants. Certaines pratiques, nous le savons, ne sont pas sans incidences sur les droits humains et l’environnement de ces pays.
Si nous pouvons nous réjouir de la prise de conscience de certaines entreprises qui se sont dotées de chartes éthiques, ou qui s’engagent à mettre en œuvre certains principes, nous savons que les bonnes pratiques, et parfois uniquement leur affichage, ne suffisent pas. Des pans entiers des chaines de production, via les filiales et les sous-traitants, échappent aujourd’hui à tout contrôle.
Tout le monde a encore en tête les images de l’immeuble du Bangladesh, abritant plusieurs industries textiles, qui s’est effondré en avril 2013, entrainant la mort de 1129 personnes, et en blessant grièvement des centaines d’autres. De grandes marques de vêtements européennes et françaises faisaient travailler ces sous-traitants bangladais.
Nous ne pouvons continuer à ignorer cette réalité. Il y a un véritable devoir de responsabilisation des acteurs économiques à instaurer, pour empêcher les violations des droits humains et les atteintes à l’environnement dans le cadre des échanges économiques mondiaux.
En tant qu’élu breton, je reviendrai également rapidement sur l’affaire de l’Erika, où aux termes d’une longue procédure que vous connaissez, la Cour de Cassation a fini par reconnaitre la société-mère responsable pour les agissements de l’un de ces sous-traitants, sur la base d’un engagement volontaire en matière de contrôle des navires. Ce contexte jurisprudentiel récent montre bien encore une fois, autant dans l’intérêt des victimes que dans celui des entreprises, la nécessité de transposer en droit français le devoir de vigilance des sociétés-mères.
Puisque la Commission Européenne demande aujourd’hui à ses Etats-membres d’intégrer les nouvelles normes internationales en matière de responsabilité des sociétés multinationales, et vous y reviendrez tout-à-l’heure, il est grand temps que la France adopte les mesures nécessaires pour y conformer sa législation.
Je voudrai simplement conclure en rappelant que les écologistes sont, et resteront très mobilisés sur cette question. Une bonne occasion nous sera donnée de faire des propositions sur le devoir de vigilance des multinationales, en introduisant, par voie d’amendements, des mesures en ce sens lors de la discussion prochaine du texte de la loi de programmation « développement ».
Par ailleurs, et je parle au nom du groupe écologiste au Sénat, nous appuierons bien évidemment la proposition de loi de Danielle Auroi, de Philippe Noguès et de Dominique Potier lors de son examen dans cette chambre.
J’aurais été heureux de pouvoir prendre part aux débats ce matin, mais suis contraint de rejoindre la séance pour l’examen du projet de loi ALUR (un malheureux télescopage d’agenda).
Je vous souhaite à toutes et tous une bonne matinée de travail.
Je vous remercie.
Joël Labbé, sénateur du Morbihan